Conférence de presse du Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, Herve Ladsous, samedi 2 juillet 2016

3 juil 2016

Conférence de presse du Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, Herve Ladsous, samedi 2 juillet 2016

 

Mesdames et messieurs, bonjour. Bonjour tout moun.

Merci de vous être dérangés un samedi. J’ai souhaité saisir cette occasion d’échanger avec vous quelques-unes de mes idées à la suite de cette mission que nous achevons ce soir ou plutôt demain matin. Une mission qui s’inscrit dans le cadre des réflexions en cours au sein de l’Organisation des Nations Unies sur ce que nous avons fait au fil des années en Haïti avec la MINUSTAH et c’est l’occasion de saluer le travail remarquable fait par toutes nos équipes sous la direction éclairée de Mme Sandra Honoré, la Représentante spéciale, et de ses collaborateurs. Je crois que c’est l’engagement que les Nations Unies ont voulu avoir en Haïti au fil des années.

 

Nous en sommes au point où le Conseil de sécurité, l’année dernière en renouvelant le mandat de la MINUSTAH, avait déjà intégré l’idée que, progressivement, on devait s’orienter vers une diminution et, à terme, à un arrêt des opérations de la MINUSTAH. Tout ceci évidemment dans des conditions contrôlées, vérifiées et structurées. Et donc, il avait été envisagé que nous fassions cet été, avant le prochain renouvellement du mandat de la mission en octobre, que nous fassions une évaluation stratégique du point où nous en étions dans l’accomplissement de nos taches ; nos taches qui nous sont assignées par le mandat du Conseil de sécurité dans ce pays.

 

Le fait que le cycle électoral qui aurait dû s’achever à la fin de l’année dernière ait été interrompu, que nous ayons maintenant un nouveau calendrier, a fait que l’évaluation stratégique se fera plus tard. Dans l’intervalle, le Conseil de sécurité m’a demandé de venir ici pour effectuer une évaluation de la situation en Haïti, notamment sur le plan sécuritaire et sur le plan politique. C’est la raison pour laquelle depuis avant-hier soir, j’ai eu toute une série de rencontres avec tous les grands acteurs haïtiens : le gouvernement, le parlement, des réunions avec les députes de l’Assemblée nationale,  avec des sénateurs et cet après-midi, nous avons encore une série de rencontres avec les partis politiques. Nous avons également rencontré les organisations de la société civile, du secteur privé, le CEP, et bien entendu, les acteurs internationaux.

Alors, dans ce contexte, quels sont les messages dont je suis le porteur et dont je me ferai l’écho d’ailleurs auprès du Conseil de sécurité de retour à New York la semaine prochaine ?

 

Le premier constat, Mesdames et Messieurs, est que le pays d’Haïti connait une crise, une impasse politique.  Et c’est déjà un premier constat, le fait que l’Assemblée nationale, l’autre jour au terme de 15 heures de débat, n’ait pas pu se mettre d’accord sur la solution à apporter sur les aspects institutionnels. Et donc, mon message, notamment aux parlementaires, a été : « Ecoutez, la communauté internationale n’a pas à se substituer à vous. La responsabilité, elle est la vôtre. C’est donc à vous de trouver une formule pour dépasser les blocages actuels ».

 

Le second message est que, avec le décalage du calendrier électoral, avec maintenant une première échéance en octobre [2016], un second tour, les élections sénatoriales, l’entrée en fonction du futur président de la république prévue pour le mois de février [2017], on a perdu un an. Le pays d’Haïti a perdu un an. Et donc, au minimum tout doit être fait pour tenir ce calendrier et ne pas risquer un nouveau glissement du calendrier.

 

Là encore, c’est la responsabilité des différents responsables haïtiens que de faire en sorte que les choses se passent à bonne date.

J’ai rencontré hier le Conseil électoral provisoire et je voudrais leur donner acte du travail extrêmement solide qui est fait pour préparer cette consultation, pour remédier à un certain nombre de problèmes qui ont contribué à ce décalage dans le temps. Je crois que c’est vraiment une urgence. C’est une urgence parce que dans cette situation qu’on pourrait qualifier de situation de vide – vous le savez la nature a horreur du vide –, cette situation un peu incertaine est génératrice de tension. Et donc de risques sur le plan sécuritaire. Quand on regarde sur une longue période, on voit que des progrès incontestables ont été accomplis. La situation actuelle en Haïti n’a rien à voir avec celle d’il y a dix ans, à l’époque où Cité soleil était la proie des gangs.

 

Alors il y a des problèmes, des incidents. On a vu l’autre jour cette série d’attaques contre les entreprises du secteur privé à Port au prince. On avait vu un petit peu avant, l’attaque de la station de police aux Cayes. Tout ceci évidemment appelle des réactions et un message très fort à l’adresse de tous ceux que l’on pourrait qualifier de forces négatives : leurs actions ne sont pas acceptables. Et évidemment, plus que jamais, il appartient à la police haïtienne, qui est en première ligne, d’assurer le maintien de la loi et de l’ordre en Haïti, à la formation de laquelle nous avons consacré des efforts considérables. Notre objectif demeure, vous le savez, à un chiffre de 15 000 [quinze mille] policiers de la PNH formés d’ici la fin de cette année. Ça ne s’arrêtera pas là, car une police, c’est quelque chose qui doit se travailler de manière continue. Mais c’est important, et je le redis encore une fois, les Nations Unies, la MINUSTAH sont en appui aux efforts de la PNH pour maintenir la loi et l’ordre, mais c’est bien à celle-ci [la PNH] que revient la réponse de première instance.

 

Vous le savez, la communauté internationale a consacré un effort important, à travers la MINUSTAH et les missions précédentes des Nations Unies, pour aider Haïti à sortir de cette crise profonde que connait le pays depuis tant d’années. Et il commence à se faire jour une certaine impatience, une attente de résultats encore plus probants. A un moment où à travers le monde se multiplient les crises, il ne faut pas que le moindre prétexte soit donné pour que cette attention se relâche. Et donc, ce que nous ne voudrions pas, c’est qu’insensiblement le dossier haïtien glisse vers la périphérie, voire en dehors des écrans radar de la communauté internationale.

 

Il est donc plus que jamais urgent que les Haïtiens prennent leurs responsabilités, qu’ils trouvent les solutions, leurs solutions. Nous ne sommes pas là pour dicter, nous ne sommes pas là pour nous ingérer. Nous sommes là pour accompagner, pour appuyer et c’est ce que nous faisons et que nous continuerons de faire. Il y a encore d’immenses besoins pour consolider l’état de droit dans ce pays, qu’il s’agisse de la police – j’en parlais – qu’il s’agisse du système judiciaire, de l’organisation des professions juridiques. Il y a toute une série d’aspects et je n’aurai garde d’oublier de mentionner les droits de l’homme qui sont pour nous une préoccupation constante.

 

Alors, sur tout cela, la décision appartiendra évidemment au Conseil de sécurité, selon probablement la séquence que je vous ai indiquée : renouvellement du mandat en octobre, et puis lorsque nous aurons un président en place au mois de février prochain et les autres institutions également, nous serons en mesure de travailler à éclairer quelles devraient être les perspectives d’avenir de la MINUSTAH.

Alors, mon message est donc très simple, il est le suivant :

 

Un, il y a urgence. Deux, il faut que les acteurs haïtiens prennent leurs responsabilités et que les choses se passent évidemment dans le calme pour permettre un processus et un cycle électoral qui soit démocratique, transparent, inclusif et qu’ainsi les institutions haïtiennes retrouvent leurs fonctionnalités pleines et entières.

Voilà ce que je voulais vous dire, Mesdames et Messieurs, et je peux répondre à des questions si vous en avez.

 

QUESTION -REPONSES

 

QUESTION (RFI) : Cela fait 12 ans que la MINUSTAH est en Haïti, et on a vu que le cycle électoral a encore une fois été interrompu à cause des incidents et des troubles qui ont eu lieu le jour des élections ou après. Le premier mandat de la MINUSTAH était pour la stabilité politique et la démocratisation des institutions en Haïti. Est-ce que vous pensez que ce retard et ces troubles dans le calendrier électoral seraient une preuve d’échec de cette mission de la MINUSTAH ?

M. Herve Ladsous : non, je crois qu’il ne faut jamais parler d’échec, surtout quand - comme je l’ai dit à l’instant - on regarde rétrospectivement tous les changements positifs qui sont intervenus depuis 2004 notamment sur le plan sécuritaire. Je crois qu’il y a  - et je l’ai reconnu -  des incidents qui appellent une réaction et une enquête mais je crois que, encore une fois, dans la plupart des provinces, la situation est quand même bien apaisée. Donc on a progressé certainement sur la voie de la stabilisation d’Haïti.

 

QUESTION (LOOP Haiti) : Au moment où l’on se parle, êtes-vous en mesure de reconnaitre M. Privert comme Chef de l’Etat haïtien ?

M. Herve Ladsous : Ce n’est pas aux Nations Unies de reconnaitre la situation et le statut de telle ou telle personne. Je crois qu’il faut reconnaitre que M. Privert a fait des choses pendant sa mandature mais son statut, c’est aux Haïtiens et d’abord aux parlementaires haïtiens de le fixer. Nous n’avons pas qualité pour nous substituer à cette responsabilité première qui est celle des parlementaires haïtiens et c’est ce que je leur ai dit sans la moindre ambiguïté. Ce que nous attendons d’eux, c’est qu’ils fixent les choses pour éviter une situation que l’on pourrait qualifier de vide relatif. Mais c’est bien à eux qu’il revient de prendre des décisions.

 

QUESTION (RFI) : Je vais permettre de vous relancer sur la question de mon collègue : est-ce qu’au cours de votre mission, vous avez rencontré M. Privert et à quel titre ? Est-ce qu’aujourd’hui, à l’instant T, vous le considérez comme le président de la république ?

M. Herve Ladsous : je rencontre et je vais encore rencontrer toute une série d’acteurs de premier plan de la scène politique haïtienne et mon message à l’égard de tous reste le même.