Gabriel Abner : un artiste dans son domaine

15 sep 2016

Gabriel Abner : un artiste dans son domaine

Photo: Marie Yolette B. Daniel UN/MINUSTAH

 

La limite nord  de la rue Toussaint Louverture, appelé Grand-Rue est contiguë avec la plus grande zone commerciale,  elle-même confondue avec le marché public de la commune de Hinche. Ordinairement, cette artère est sur-animée. Entre les multiples marchands ambulants qui proposent des accessoires scolaires (rubans, sous-vêtements, barrettes, sac-à-dos etc.), les expositions de vêtements et de chaussures neufs et usagés, les taxis-motos défilant entre acheteurs et vendeurs et les magasins des grands négociants, la circulation est très difficile, surtout en ce début du mois de septembre qui amorce la réouverture des classes pour l’année académique 2016-2017.  

Gabriel Abner, vendeur de bouquin scolaires, fait partie de cet environnement cocasse, propre des lieux où se déroule le commerce informel. Il est un modèle typique de libraire en plein air. « Bonjour ! Puis-je vous aider ? Venez à l’ombre, laissez-moi vous aider… », Débite Gabriel Abner à toute personne susceptible d’être un acheteur potentiel de matériels scolaires. Debout tantôt par-devant, tantôt en-arrière de sa table où sont empilés des centaines de livres scolaires,  Gabriel accueille ses clients petite ou moyenne bourse avec la même chaleur.

À longueur de journée, cet infatigable détaillant va à la rencontre des rares clients comme s’il s’agissait d’un rituel. Contrairement aux autres vendeurs, il dispose d’une paire de sièges question de faire assoir ses acheteurs pendant qu’il vérifie et exécute la liste. « J’ai fait cela toute ma vie, c’est mon gagne-pain », confie-t-il avec simplicité.

Communément appelé Nènè  par ses proches, Abner  fait tout pour rendre son affaire accueillante. Quand il n’apprivoise pas un client, à l’aide d’un chiffon, il astique sa marchandise avec amour. Un amour qu’il a développé au fil des années. « J’ai démarré cette activité en 1991 sur conseil d’une amie. Le fonds de démarrage était alors de 500 gourdes ($ 8 US environ) », révèle Abner avec un sourire nostalgique, soulignant qu’il faut aujourd’hui, au moins 100,000 gourdes pour démarrer cette même activité. 

 

 

Grace à son affaire et son art de vendre, le courtier de livres survient aux besoins multiples de ses 7 enfants, y compris le paiement des frais scolaires, hospitaliers, alimentation et autres. « Ma femme est morte il y a déjà 12 ans, en mettant au monde mes jumeaux », avoue-t-il avec un brin de tristesse dans la voix. Et depuis, Il s’occupe seul de ses sept progénitures, grâce aux revenus réalisés.

Quelque chose de changer, mais quoi ?

Optimiste de nature, Gabriel Abner  se dit que la vie était plus commode deux décennies avant. Par ailleurs, il revient, selon lui,  à chacun de jouer sa partition pour booster son destin et faciliter en même temps l’existence des autres.  Car, estime-t-il, nous sommes liés d’une manière ou d’une autre et l’épanouissement des uns dépend aussi celui d’autrui.

 

Photo: Marie Yolette B. Daniel UN/MINUSTAH

 

 « S’il y avait la création d’emplois temporaires avant l’ouverture des classes comme d’habitude, cela m’arrangerait également », cite-t-il en termes d’exemple. C’est-à-dire que les parents auraient les moyens d’acheter les matériels et fournitures scolaires et lui, il aurait gagné un peu d’argent.

Mais non, quelque chose à changer, en dépit de la période électorale,  rien n’est comme avant…« J’ai cinquante ans et j’en ai vu des élections. Cette année, on ne ressent pas l’enthousiasme des candidats ni la fièvre des partisans encore moins la frénésie coutumière des électeurs », soutient-il. Les électeurs ont perdu fois, selon lui.

Entre l’accueil de deux clients, ce commerçant  dans l’âme reconnait par contre, que la tenue des élections est un impératif. Avec son éternel sourire qui illumine un visage à la peau basanée et usée par les aléas de la vie, Notamment le soleil et la poussière, Gabriel Abner reconnait que « sans des élections libres honnêtes et inclusives, la situation de la masse populaire s’aggravera de jours en jours. Notre seul espoir, c’est la mise en place d’un nouveau gouvernement légitime», conclut-il.

Entouré de 3 de ses plus jeunes enfants à qui il s’efforce de transmettre sa philosophie pour accrocher les clients, fruits de son savoir-faire naturel, le libraire s’estime heureux d’avoir exprimé le fonds de sa pensée. Mine de rien, un large sourire d’« authentique chef de services à la clientèle » sur les lèvres, Abner replonge dans son univers qui n’est autre que ses bouquins.

 

Rédaction : Marie Yolette B. Daniel

 

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