Jérémie : Après Matthew, la vie continue

14 oct 2016

Jérémie : Après Matthew, la vie continue

Marie Yolette B. Daniel - UN/MINUSTAH

Assis sur le tronc d’un arbre au beau milieu des branches cassées et des décombres de ce qui étaitsa maison il y a 8 jours, Rophil Michel, 75 ans observe de son regard torve l’atterrissage des avions légers et hélicoptères suivi de convois des équipes de secours qui ne cessent de défiler à longueur de journée.  Et, sa continue…

« Une semaine avant, on ne pouvait pas affirmer que la vie était parfaite. Mais pour des gens comme nous, elle était commode », déclare Rophil. Originaire  de Jérémie, une commune du département de la Grand-Anse, Rophil Michel,  vue son âge, a été témoin de pas mal d’évènements et catastrophes naturelles. Par ailleurs, devant l’énormité des dégâts matériels causés par le passage de l’ouragan Matthew, ce père de famille reste sans voix.

 

October 6, 2016 - Hurricane Matthew - Jeremie and surrounding areas

 

D’un geste circulaire de la main, il désigne sa grande cours et son jardin complètement dévasté par les vents. L’air abattu, il dénombre des dizaines de cocotier, des manguiers, avocatier et d’arbre véritable géants qui ont tous été tantôt déracinés, tantôt arrachés ou cassés. « Pour la masse paysanne, reprendre une vie normale sera très difficile pendant de longues années », affirme-t-il avec tristesse. Il met l’accent sur la disparition systématique et soudaine de la végétation de la ville de Jérémie. « Certains de ces arbres broyés par ce monstre ont été l’œuvre de nos grands-parents. Combien d’année faut-il à une nouvelle plantation de cocotier ou d’arbre véritable pour porter des fruits ? », Se demande-t-il.

 

En effet,  le passage de l’ouragan Matthew dans le Grand-Sud d’Haïti marque la vie des populations à plusieurs niveaux. Sur le plan émotionnel, certaines personnes auront du mal à se remettre,  notamment dans le département de la Grand-Anse. Aucun secteur n’a été épargné, estime le septuagénaire qui, en plus de sa maison et ses champs agricoles rasés par le cataclysme, assiste impuissant à la fermeture de son atelier de couture, son gagne-pain depuis plus de 40 ans. L’air navré, Il se fait un sang d’encre pour ses apprentis.

D’une voix pleine d’émotions contenues, il pointe du doigt l’espace et les équipements martyrisés par Matthew. « Je suis triste pour mes jeunes apprenants. Ils comptaient sur le métier pour se construire un avenir », dit-il, tout en soulignant qu’il n’a plus l’énergie de recommencer.

Attaché à son environnement et fidèle à ses habitudes, Père Michel n’a pas consenti à tourner le dos à plus d’un demi-siècle de souvenir. Entouré de sa femme et de ses deux plus jeunes enfants, il élit domicile dans les ruines de sa maison sans toiture. « À mon âge, je n’ai plus rien à espérer de l’avenir. J’ai tout perdu : ma maison, mon bétail et mon jardin. Cependant, le plus important, c’est que je suis encore en vie. Donc, Je dois continuer à me battre, et tout le monde doit faire de même. Sourire à la vie et avancer », soutient-il. La vie continue…

 

 

Rédaction : Marie Yolette B. DANIEL