Présentation par M. Ban Ki-moon de la nouvelle approche de l’ONU dans la lutte contre le choléra en Haïti

1 déc 2016

Présentation par M. Ban Ki-moon de la nouvelle approche de l’ONU dans la lutte contre le choléra en Haïti

 

Déclaration prononcée devant l’Assemblée générale sur une nouvelle approche relative à la lutte contre le choléra en Haïti

New York, le 1er décembre 2016

 

Monsieur le Président de l’Assemblée générale [Peter Thomson],

Mesdames et Messieurs les représentants,

Mesdames et Messieurs,

Merci d’être venus aujourd’hui par solidarité avec le peuple haïtien, pour lui manifester votre respect et votre soutien.

Je voudrais avant tout féliciter le peuple haïtien pour le déroulement pacifique des élections qui se sont tenues récemment, dont les résultats préliminaires ont été annoncés en début de semaine.

Je demande instamment à tous les candidats et à leurs partisans de régler tout différend par les voies légales appropriées. Je tiens à féliciter tous les Haïtiens pour cet événement qui constitue un jalon important pour
la stabilité et la démocratie en Haïti.

Mesdames et Messieurs les représentants,

Mesdames et Messieurs,

Depuis des années, les Haïtiens doivent faire face à des épreuves et à des difficultés considérables : la pauvreté endémique, l’instabilité politique, sans oublier le tremblement de terre qui a dévasté le pays en 2010.

L’épidémie de choléra qui a suivi n’a fait qu’aggraver la tragédie et exacerber les souffrances. Dernièrement, la situation s’est encore dégradée à la suite du passage de l’ouragan destructeur qui a de nouveau mis le pays à rude épreuve.

Ces six dernières années, près de 800 000 personnes ont été touchées par le choléra et plus de 9 000 Haïtiens en ont péri.

Je me suis rendu en Haïti pour y rencontrer les familles touchées. Il s’agissait d’un des voyages les plus éprouvants que j’ai jamais effectués en tant que Secrétaire général. J’ai entendu les témoignages de familles qui avaient souffert, perdu tous moyens de subsistance et qui ne reverraient plus jamais leurs enfants. 

En tant que père et grand-père, j’ai été profondément affligé par la douleur de tant de familles. Je ne l’oublierai jamais.

Il n’est pas de réponse aisée aux problèmes que nous rencontrons en Haïti, ni de solution parfaite, mais cela ne doit pas nous empêcher de tout faire pour venir à bout de ce fléau.

Lorsque je me suis exprimé devant l’Assemblée générale le 20 septembre, j’ai fait part de mon immense regret et chagrin face aux profondes souffrances que le choléra inflige aux Haïtiens.

J’ai dit qu’il était temps que le système des Nations Unies mette au point une nouvelle approche pour améliorer le sort et les conditions de vie des Haïtiens.

 

Je m’adresse à vous aujourd’hui pour vous exposer les éléments de cette approche et vous demander votre appui.

Si vous me le permettez, je souhaiterais m’adresser à vous en français puis en anglais.

Mais tout d’abord, je tiens à m’adresser directement au peuple haïtien.

 

Je vais donc commencer en créole.

(Creole)

Jodi a map di pèp ayisyen : Onè. Respè

 

Nou pran gwo lapenn

Poutet kantite moun ki pèdi lavi yo nan kolera,

Ak kantite soufrans maladi a mennen nan peyi Dayiti.

 

Nan non Nasyon Zini, mwen vle di aklè :

nap mandé pèp ayisyen padon .

 

Nou pat fè ase lè maladi kolera a rive,  epi lè li blayi

nan péyi a.

 

Nou regrèt anpil.

 

Je répète à présent ce message en français:

Laissez-moi, à ce stade, m'adresser directement au peuple haïtien:

Les Nations unies regrettent profondément les pertes en vies humaines et les souffrances causées par l'épidémie de choléra.

Au nom des Nations unies, je veux vous le dire très clairement: nous nous excusons auprès du peuple haïtien.

Nous n'avons tout simplement pas fait assez concernant l'épidémie de choléra et sa propagation en Haïti.

Nous sommes profondément désolés pour notre rôle.

Cette situation a porté atteinte à la relation entre l’Organisation des Nations Unies et le peuple haïtien. La réputation des missions de maintien de la paix et de l’Organisation a été entachée dans le monde entier.

Nous avons l’obligation morale d’agir, non seulement pour les Haïtiens, mais aussi pour l’Organisation. Ensemble, nous devons tenir nos engagements.

Mesdames et Messieurs les représentants,

Mesdames et Messieurs,

Après le déclenchement de l’épidémie de choléra, les organismes des Nations Unies ont fourni une aide sanitaire et humanitaire d’urgence afin de limiter l’incidence de la maladie.

Année après année, nous avons mobilisé des ressources et pris des mesures concrètes.

Grâce aux efforts conjugués de la communauté internationale et d’Haïti, nous avons pu réduire l’incidence globale de la maladie d’environ 90 % depuis 2011, année où elle a atteint son paroxysme.

Toutefois, obtenir un financement suffisant pour poursuivre ces efforts n’a pas été une tâche aisée.

Le choléra continue de faire des ravages parmi la population haïtienne. Aujourd’hui, Haïti reste le pays qui compte le plus grand nombre de cas de choléra dans le monde.

Déjà, en début d’année, nous avons constaté une augmentation du nombre de cas. En octobre, l’ouragan Matthew a compliqué encore la situation. Je suis moi-même allé en Haïti, où j’ai été le témoin des souffrances et de la plus complète dévastation.

Le nombre de personnes qui seraient atteintes de choléra a triplé à la suite de l’ouragan. Heureusement, le nombre de cas a commencé à diminuer grâce à des mesures résolues.

Mesdames et Messieurs les représentants,

Mesdames et Messieurs,

Notre nouvelle approche relative à la lutte contre le choléra en Haïti, dont l’exécution est chiffrée à environ 400 millions de dollars sur deux ans, comporte deux volets.

Le premier consiste à redoubler d’efforts pour faire face à l’incidence du choléra en Haïti et l’atténuer.

Les Haïtiens nous ont dit clairement que l’élimination du choléra devait être la priorité absolue.

Nous souhaitons améliorer l’accès rapide aux soins et au traitement pour les personnes malades tout en nous attaquant aux problèmes à plus long terme que sont l’approvisionnement en eau, l’assainissement et le système de santé.

Les activités menées au titre du volet 1 ont déjà bien avancé.

Le nombre d’équipes d’intervention rapide a été porté de 32, en avril, à 88. Lorsque de nouveaux cas sont signalés, ces équipes agissent dans les 48 heures pour qu’un traitement soit immédiatement dispensé et pour éviter la transmission.

Dans les zones les plus exposées, des vaccins oraux contre le choléra sont également dispensés au plus grand nombre de personnes possible.

Le mois dernier, l’Organisation panaméricaine de la santé, l’Organisation mondiale de la Santé et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance ont aidé à lancer une vaste campagne de vaccination à l’intention de quelque 729 000 personnes vivant dans les zones les plus touchées par l’ouragan Matthew.

En tout, plus de 1,2 million de personnes auront bientôt été vaccinées, et de nouvelles campagnes sont sur le point d’être lancées.

Parallèlement, nous intensifions notre appui au Gouvernement haïtien en l’aidant à mettre en place des systèmes d’approvisionnement en eau, d’assainissement et de santé efficaces, qui sont le meilleur moyen de lutter à long terme contre le choléra et les autres maladies transmises par l’eau.

La Banque mondiale, la Banque interaméricaine de développement et l’Organisation des Nations Unies, entre autres, œuvrent pour que tous les Haïtiens aient accès à l’eau et à l’assainissement d’ici 10 à 15 ans.

La Banque mondiale, qui concentre ses efforts sur les villages et les zones rurales les plus touchées par le choléra, s’est engagée à verser 50 millions de dollars pour financer des projets d’approvisionnement en eau et d’assainissement en 2015-2016 et 20 millions de dollars l’année prochaine.

Ces six dernières années, la Banque interaméricaine de développement a financé à hauteur de plus de 95 millions de dollars des projets d’approvisionnement en eau et d’assainissement et s’est engagée à verser 62 millions de dollars supplémentaires l’année prochaine.

Je tiens à remercier chaleureusement les donateurs qui ont financé le premier volet de l’approche de diverses manières. Nous espérons que d’autres contributions seront bientôt apportées.

Plusieurs États Membres ont dit qu’ils envisageaient sérieusement de contribuer à notre fonds d’affectation spéciale sans tarder.

Ces mesures permettront en outre de faire avancer la mise en œuvre du Programme de développement durable, en particulier de l’objectif 6, qui vise à garantir l’accès de tous à l’eau potable et à l’assainissement.

Mesdames et Messieurs les représentants,

Mesdames et Messieurs,

Je suis bien conscient des difficultés financières auxquelles vous devez faire face, ou plutôt auxquelles nous devons tous faire face.

Je comprends le sentiment d’accablement qui vous assaille face à la liste apparemment interminable des besoins humanitaires urgents auxquels il faut subvenir dans le monde entier.

En Haïti, l’ouragan a ajouté encore aux souffrances et naturellement conduit à réaffecter des ressources initialement destinées à d’autres usages.

Toutefois, je tiens à souligner que, par rapport aux montants nécessaires pour répondre aux besoins humanitaires et aux besoins de développement mondiaux, des sommes modestes suffiront pour éliminer le choléra en Haïti

Il s’agit d’une mission réaliste, que nous pouvons accomplir. Le choléra est une maladie qui peut être soignée et évitée. Nous pouvons le maîtriser et l’éliminer.

Le seul obstacle est l’insuffisance de ressources et de moyens d’action.

Nous avons déjà beaucoup fait. Il serait dramatique que nos efforts soient entravés par le manque de financement.

Il serait encore plus grave de rester les bras croisés alors que des vies continuent d’être emportées et que de plus en plus de familles souffrent.

 Une stratégie de lutte contre le choléra pour 2016-2018, dotée de tous les moyens nécessaires pour aider le Gouvernement haïtien à mettre en œuvre son plan à moyen terme, serait un grand pas en avant et permettrait d’ancrer solidement les mesures que nous prenons pour venir à bout de la maladie.

Nous ne pouvons pas abandonner cette mission tant qu’elle n’a pas été accomplie. Je compte sur vous tous pour mener ces efforts à bien et accroître votre soutien jusqu’à vaincre le choléra.

Mesdames et Messieurs les représentants,

Mesdames et Messieurs,

Outre les mesures novatrices prévues dans le cadre du premier volet, notre nouvelle approche comprend un second volet consacré aux Haïtiens qui sont le plus directement touchés par le choléra, à leur famille et à leur communauté.

Nous avons eu des consultations avec le Gouvernement haïtien concernant ces deux volets et nous évoquerons avec lui tous les aspects de la mise en œuvre. J’ai le plaisir d’annoncer que le Représentant permanent d’Haiti va prendre la parole pour faire la première déclaration aujourd'hui.

Le second volet illustre la consternation palpable que l’Organisation éprouve face aux souffrances endurées par tant d’Haïtiens.

C’est pourquoi nous proposons d’adopter une démarche communautaire, dans le cadre de laquelle un ensemble de mesures seront prises pour fournir une assistance matérielle et un appui aux personnes les plus gravement touchées par le choléra.

Les priorités seront établies en consultation avec les populations, les victimes et leur famille.

Les consultations se poursuivront en 2017 et pourront commencer véritablement une fois que le processus électoral sera terminé en Haïti.

L’aide pourra être apportée sous diverses formes : des projets destinés à atténuer les conséquences du choléra et des initiatives visant à renforcer les capacités afin de remédier aux problèmes qui augmentent le risque de choléra, mais aussi des projets visant à répondre aux besoins des populations qui ne sont pas directement liés au choléra, comme des bourses d’études ou des programmes de microfinancement, entre autres.

Ces projets et initiatives communautaires seraient complémentaires et s’inscriraient, autant que faire se peut, dans le prolongement des travaux entrepris dans le cadre du premier volet.

Certains ont demandé que des mesures individuelles soient prises, comme le versement de fonds aux familles des personnes emportées par le choléra.

Il faudrait pour cela identifier les défunts et les membres de leur famille. Il faudrait également être sûr de disposer de fonds suffisants pour fixer une somme convenable à verser en cas de décès imputé au choléra.

Nous devons poursuivre les consultations sur le terrain, tout en sachant que ce ne sera pas facile. Il convient de mener des évaluations supplémentaires pour savoir s’il est possible de pallier le manque d’information concernant les morts liées au choléra, y compris s’agissant de l’identité des victimes, comment y remédier, à quel coût et quelles seraient les difficultés à surmonter. 

Quelle que soit la forme finale de l’ensemble de mesures adoptées, nous buterons encore et toujours sur un obstacle familier : le manque de fonds.

Nous avons dit clairement que, compte tenu de la situation humanitaire et des besoins en matière de développement, il convient de donner la priorité au financement du premier volet et d’éviter que l’action menée au titre du deuxième volet empiète sur les contributions volontaires versées au titre du premier volet.

Nous encourageons vivement les États Membres à verser des contributions volontaires au titre des deux volets, notamment dans le cadre du Fonds d’affectation spéciale pluripartenaires des Nations Unies pour la lutte contre le choléra en Haïti.

Cela suppose cependant que nous obtenions les ressources nécessaires pour le deuxième volet par ce moyen.

Si ce n’est pas le cas, il faudra trouver d’autres solutions innovantes faisant appel à plusieurs sources de financement.

Mesdames et Messieurs les représentants,

Mesdames et Messieurs,

Alors même que tant de valeurs et de principes de l’ONU sont menacés, le défi que constitue l’épidémie de choléra en Haïti est une épreuve.

C’est notre engagement à l’égard des plus vulnérables qui est mis à l’épreuve.

C’est notre relation de longue date avec le peuple haïtien qui est mise à l’épreuve.

C’est notre aptitude à faire preuve de compassion tout en faisant le bien ailleurs dans le monde qui est mise à l’épreuve.

C’est notre responsabilité collective de réaliser l’inestimable projet de maintenir la paix qui est mise à l’épreuve.

Je ne vous cache pas que cette nouvelle approche comporte des risques et des difficultés.

Pour enrayer le choléra en Haïti et nous acquitter de notre responsabilité morale vis-à-vis de ceux qui ont été directement touchés, il faut que la communauté internationale s’engage pleinement et surtout que nous disposions des ressources nécessaires.

Après avoir subi tant d’épreuves et de souffrances, les Haïtiens méritent cette preuve concrète de notre solidarité.

L’ONU devrait saisir cette occasion de mettre fin à une tragédie qui, par ailleurs, ternit notre réputation et compromet notre mission planétaire. Nous continuerons d’être critiqués tant que nous n’aurons pas porté secours à ceux qui souffrent.

En bref, pour pouvoir agir, l’ONU a besoin que les États Membres agissent.

Sans votre volonté politique et votre soutien financier, nous n’avons que des bonnes intentions et des bonnes paroles.

Les mots sont puissants, c’est vrai. Les mots sont nécessaires, c’est également vrai. Mais les mots ne peuvent remplacer ni l’action ni l’aide concrète.

Tant de personnes ont profondément souffert. Avec l’appui des États Membres, l’ONU peut mesurer la gravité de ces souffrances et y remédier.

Faisons preuve de solidarité. Soyons à la hauteur de notre devoir moral et faisons le nécessaire pour aider le peuple haïtien et notre Organisation.

Merci.

 

 

Message en créole du Secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon sur le Choléra en Haiti

 

 

Télécharger le document cadre de la nouvelle approche du système des Nations Unies en faveur de l'élimination du Choléra en Haiti

Télécharger le rapport A/71/620 du Secrétaire général sur une nouvelle stratégie de lutte contre le cholera en Haiti