Rosita Duverseau, celle qui a vu Matthew de plus près.

21 oct 2016

Rosita Duverseau, celle qui a vu Matthew de plus près.

Logan Abassi - UN/MINUSTAH

Parmi les multiples victimes de l’ouragan Matthew à travers la presqu’ile du Sud, Rosita Duverseau, une sexagénaire de la commune de Torbeck, plus précisément de la localité de Desgrottes, symbolise l’une des miraculeuses survivantes de cette tragédie.

Veuve, estropiée et devenue la cheffe d’une famille de 6 enfants, pendant ses 65 années d’existence, Rosita DUVERSEAU a connu des moments difficiles. « J’ai été Heurtée par une camionnette en 2007. Suite à cet accident, ma jambe droite ne m’est d’aucune utilité. J’ai beaucoup souffert avant de retrouver une vie un tant soit peu équilibrée », explique-t-elle. Cependant, la nuit du 3 au 4 octobre 2016 a été le pire cauchemar de cette femme, pourtant très courageuse.

 Après une première partie de nuit sans sommeil à surveiller l’évolution du vent et des rafales de pluie,  vers une heure du matin,  sa  petite maison entourée d’arbres semble ne plus tenir le coup. Elle craquait horriblement sous l’effet du vent dévastateur de l’ouragan Matthew. « Paralysée par la peur, mon fils Venel Maxi aussi horrifié que moi s’attèle à me sortir de la maisonnette avant qu’elle ne s’effondre sur nos têtes », raconte-elle avec émotion. Étant incapable de se déplacer seule en temps normal, Rosita a été attrapée de la main gauche par son fils Venel et, tenant sa canne dans la droite, ils tentent de se sauver au milieu des arbres qui tombent  çà et là

« Je pleurais.  Mon fils et moi, nous étions saccagés par le vent sauvage qui soufflait ; trempés par la pluie diluvienne, nous cherchions à nous mettre à l’abri », se rappelle Rosita. S’appuyant l’un à l’autre et évitant de se faire écrabouiller par les objets volant qu’ils ne pouvaient pas distinguer dans le noir, Rosita et son fils s’efforcent d’atteindre la maison voisine. « À l’aveuglette, nous nous débrouillions pour arriver à la maison de Ludget Alexandre située non loin de notre maisonnette », raconte-t-elle d’une voix pleine de désespoir.

En quittant leur domicile, Rosita et son fils ont dû déambuler plus de 30 minutes sous la tempête pour atteindre la maison voisine, pourtant située à moins de 5 minutes de marches en temps normal. « Nous bifurquions par les routes vicinales qui étaient déjà jonchées d’arbres.  Je tombais et alors mon fils pleurait pendant que d’autres branches tombaient autour  de nous.  Des feuilles de tôles survolaient par-dessus nos têtes et nous avons vu  la mort venir »,  déclare Rosita dans un souffle, avouant qu’elle avait peur d'être aplatie par des arbres ou décapitée par des lames de tôles.  

Des moments difficiles à oubliés

Venel Maxi indique avoir passé une bonne partie de la nuit debout chez Ludget Alexandre  ou certaines lames de tôles étaient déjà emportées par la furie des vents.  « Vers les 3 heures 30 du matin, voyant que d’autres  lames de tôles de la maison continuaient à s’envoler, j’ai demandé à ma maman de m’accompagner sans savoir ou aller. Il faisait encore  noir et  le vent soufflait avec rage, emportant impitoyablement tout sur son passage », rapporte-t-il.  

Il précise que, dans le noir, sa mère et lui voulant se rendre  chez Ina Lima  qui habite une maison plus ou moins solide, se  sont trompés de direction à plusieurs reprises. Finalement,  ils  ont pu s’y rendre et y ont passé le reste du temps qu’à durer l’ouragan.  « J’ai tenu  la main de ma maman qui pleurait en tremblant  dans sa robe de chambre trempée », ajoute-t-il avec tristesse. Ce ne sont pas des moments  faciles à oublier.

 

Marie Yolette B Daniel - UN/MINUSTAH

Lorsqu’il était marqué 5 heures  du matin, personne ne pouvait voir clair et, c’est à ce moment-là que le vent a augmenté en puissance, arrachant tout sur son passage. « Je priais dans mon cœur », confie la dame, demandant à Dieu de ne pas les laisser périr.

La vie après Matthew.

Faibles et désespérés, Rosita et son fils en sortant dans la rue, constatent stupéfaits que le quartier de Desgrottes était méconnaissable.

« Tout était par terre : les arbres, les champs de bananes, les toitures des maisons en tôles et même certaines maisons construites en béton étaient endommagées», rapporte Rosita, précisant que lorsqu’elle était arrivée là où était sa maisonnette, elle n’a vu que ses  vestiges. « Elle était complètement détruite ainsi que toutes les autres maisons  des environs», explique Rosita d’une voix tremblotante proche des pleurs.

Depuis ce 4 octobre, Rosita et sa fille Margarette habitent chez sa voisine Lima alors que son fils Venel prend refuge chez une autre samaritaine.

A l’instar des autres victimes de la zone, les premiers jours qui suivent le passage de Matthew, Rosita se nourrie de banane, de l’eau et de noix de coco recueillis dans les décombres des maisons et champs agricoles rasés par l’ouragan. « Etant handicapée, je ne peux pas aller chercher l’aide qui est malheureusement distribué dans une ambiance de bousculades »,  se lamente Rosita. Elle subsiste grâce à la compassion et la générosité de certains amis du  quartier de Desgrottes.

L’instinct de survie oblige, Rosita se dit  que « même sans sa force coutumière, elle est bien obligée d’aider sa fille qui pratique la lessive pour gagner sa vie ». Maintenant, Rosita appelle les autorités étatiques et les acteurs humanitaires à voler à son secours pour l’aider à satisfaire non seulement ses besoins vitaux et urgentes (eau potable, nourritures, articles vestimentaire et de toilettes mais également pour l’aider à reconstruire sa maisonnette.  

 « Je me fais vielle, je n’ai plus de force ni les moyens de recommencer toute seule. Et malencontreusement, aucun de mes enfants  n’a les moyens de me sortir de ce mauvais pas, car ils ne travaillent pas », conclut Rosita. Cependant, en dépit de son âge et sa condition physique, Rosita a vécu  à la furie de Matthew. Et, elle entend continuer à se battre pour sa survie. 

Logan Abassi - UN/MINUSTAH

Rédaction : Jean Kechnor EDMOND

Édition : Marie Yolette B. DANIEL