Boxer : canaliser l’espoir à Cité Soleil

6 avr 2016

Boxer : canaliser l’espoir à Cité Soleil

Photo: Logan Abassi - UN/MINUSTAH

Photo: Logan Abassi - UN/MINUSTAH

 

‘’ Par exemple si trois enfants de quartiers différents, s’entrainent en un seul et même  lieu, il leur sera très difficile de porter les armes l’un contre l’autre’’. Cette réflexion est de Steven Spielberg Destin, élève de 5ème année fondamentale et vice capitaine de l’équipe U-14 de boxe de Cité Soleil, à Port-au-Prince.

Si cet enfant défavorisé reconnait que de très tôt, certains camarades n’ont pas  d’autres choix que de porter des armes juste pour pouvoir survivre, il entend apporter un démenti a ceux qui font croire que « Cite Soleil est seulement une zone de non droit, malfamée et marginalisée ». 

Ce jeune homme à l’allure frêle, aux cheveux crépus, aujourd’hui âgé de 13 ans, est convaincu que beaucoup de ‘’ bonnes choses’’ peuvent sortir de ce bidonville. Avec la boxe qu’il pratique déjà depuis environ quatre années, Steven croit pouvoir ‘’réussir’’ à  l’instar de son ainé Evens Pierre, à changer l’image négative que plus d’un se fait de Cité Soleil. 

Une opinion partage par la plupart de ceux inscrits dans le programme, en témoignent ces déclarations de Jefferson Pierre, 18 ans, et Garancha Luc, 14 ans.

 

 

En effet, Evens Pierre,  actuel champion WBA FEDELATIN dans la zone Caraïbe et Classé 5e mondial dans la catégorie des poids légers, est un vrai leitmotiv pour la plupart des jeunes de Cité Soleil qui, sous des galeries, sur des trottoirs, dans des cours d’écoles, pratiquent cette discipline.

Originaire lui aussi de Cité Soleil, Evens à 11 ans, servait déjà au sein du gang de Tupac (pseudo d’un ex-chef de gang ayant grandi dans la zone). Il a été ‘’sauvé’’ des rues par Pierre Eddy Daniel qui, dans le cadre de son programme de ‘’psycho sport’’ lui avait proposé une alternative à l’essuyage de parebrises de véhicules,  pour subvenir à certains de ses besoins.

Même avec seulement un café à l’estomac au moment d’aller à l’école le matin, Steven ne rate pas une séance d’entrainement dans l’après-midi.

D’ailleurs, il rêve de représenter Haïti au Japon en 2018 ou 2020, il ‘’n’en sait pas trop’’. Mais il confie avoir été récemment en République Dominicaine, à l’initiative de la Fédération haïtienne de Boxe.

Et, la réussite dont il a fait état, le jeune homme ne la voit pas seulement sur le plan personnel.  Il souhaite voir la boxe contribuer à un ‘’réel’’ changement dans la Cité et même dans le pays, de manière à ce qu’il n’y ait plus de ‘’neg anwo neg anba’’ (gens d’en haut, gens d’en bas) autrement dit, pour une société sans discrimination ou exclusion sociale. 

 

Un nouveau rayon de soleil

Pour quelque 1000 jeunes de Cité Soleil, il n’y a pas mieux que la Boxe en terme d’alternative pour réduire la violence et permettre à cette zone de tendre vers un ciel plus clément.

D’ailleurs, nombre d’entre eux se sentent sur la bonne voie en choisissant ce sport qui leur permet de rejeter les armes et aider à voir un meilleur soleil

Le président de la fédération y croit lui aussi. Il envisage d’organiser des championnats de boxe entre jeunes des 35 quartiers de la commune dans l’espoir notamment de réduire la délinquance « dont le reflet se ressent sur tout le pays ».

Et, l’initiative de la Fédération semble attirer même les plus réticents, particulièrement certains parents qui voyaient en la boxe une forme de violence. C’est le cas de Mme Milienne Laguerre qui, n’étant pas trop informée de ce qui se passait au Lycée nationale de Cité Soleil, le jeudi 31 mars dernier voulait inscrire un de ses enfants, pas n’importe lequel, sa fille.

 

 

Motiver les parents et les autorités sur l’importance du sport comme un « vecteur de ce changement tant souhaité pour Haïti », est l’objectif poursuivi par Thomas Noreilles, le réalisateur du film documentaire « Soley » d’environ 50 minutes, projeté ce jour-là et qui avait réuni plusieurs dizaines d’habitants de cette commune au Lycée national.

 

 

Si les jeunes constituent l’espoir de demain, ils ont besoin d’encadrement, « sinon n’importe quoi peut arriver », rappelle M. Noreilles.

Et l’un des meilleurs moyens de les encadrer c’est par le sport, reconnaissent les Nations Unies. Voilà pourquoi depuis 2003, le sport est placé au centre des efforts pour le développement et la paix, et est un pilier de l’agenda des objectifs de deloppement durable à l’horizon 2030, note Sandra Honoré, la Représentante spéciale du Secrétaire général de l’ONU en Haïti. 

Selon elle, la boxe est une incroyable énergie permettant d’affronter l’injustice et la misère. Elle a aussi pour vertu d’aider à « retrouver l’optimisme et la motivation pour réinventer l’avenir en se battant pour une vie meilleure où les membres de la communauté peuvent vaquer à leurs occupations, sans aucune crainte pour leur sécurité et celle de leurs proches ».

 

Pierre Jérôme Richard