Cayes : la mototaxi, au-delà des saisons

7 avr 2016

Cayes : la mototaxi, au-delà des saisons

 

Faubert Francois - UN/MINUSTAH

 

 « Je suis le titulaire d’une famille de 5 enfants. Mon dernier-né est en dernière année d’université. Avec l’aide de Dieu, j’ai réalisé tout cela grâce à ma moto- taxi », raconte fièrement, Camille Tislin. Grand et d’allure sportif, Tuslin Camille est âgé aujourd’hui d’une soixantaine d’années. Il fait partie des pionniers de l’activité de mototaxis de la ville Des Cayes, mouvement qui s’établissait timidement vers les années 90.

 

Par reconnaissance et attachement, Camille n’a jamais lâché, comme il le dit « pwemye gout lapli ki te fè jaden’m nan pouse a », en français « la première pluie qui a fait croitre mon jardin ». Cette première goutte de pluie n’est  autre que sa moto taxi. 

Il va sans dire que Camille fait partie des milliers de Cayens dont l’activité dominante est le mototaxi. Dans le département du Sud comme un peu partout en Haïti, l’économie et surtout le pain quotidien de milliers de familles entières dépendent de cette activité.

 

 

Une filière gagnante-gagnante

 

Qu’il s’agisse des concessionnaires de motos, des pièces de rechange, des acquéreurs, en passant par les conducteurs, mécaniciens, réparateurs de pneus jusqu’aux passagers, l’activité de mototaxis constitue une chaine économique très importante dans la vie de la population Cayenne. 

C’est le cas du jeune Pierre Gelin, étudiant en construction de bâtiments qui, à la fin de sa journée de cours, retrouve avec félicité sa loge de réparation de pneus.

Selon Gelin, mis à part les  grands patrons de la filière, «l’activité de mototaxis est très lucrative et bénéficie globalement à plusieurs catégories socio- professionnelles». Au-delà de sa façade distrayante,  ses activités d’après l’école lui permettent de gagner avec dignité son argent de poche, affirme-t-il avec conviction. « Prèsqu’à chaque carrefour, on trouve une station de mototaxis et également un atelier de réparation  de pneus et/ou de moto», a-t-il souligné, non sans raison.

 

En effet, s’agissant du mouvement de mototaxis dans la Cité Antoine Simon,  chacun  s’identifie en fonction de ses besoins spécifiques, de son domaine de compétence ou de son champ d’action.

 

 

Non sans des œufs cassés

 

« Si l'efficacité des multiples côtés utilitaires du mototaxis que ce soit comme moyens de transport rapide et pratique, comme filière commerciale, comme outil de développement et source  financière, n’est plus à prouver, son manque de structuration, spécialement sur le plan légal reste une préoccupation », reconnait Yves Domersant, directeur médical de l’Hôpital Immaculée Conception des Cayes. Le médecin se dit préoccupé par le nombre d’accidentés reçus en  service orthopédique durant les deux dernières années. Entre 2014 et 2015, 2166 cas ont été enregistrés dans la ville des Cayes seulement, avec 229 cas requérant une intervention chirurgicale.

 

« Les chiffres sont préoccupants si on se réfère aux différents problèmes liés au sous-équipement des hôpitaux départementaux, notamment celui du Sud », affirme le praticien, tout en soulignant que l’orthopédie est la partie de la médecine la plus coûteuse.

 

 Une initiative qui change la donne.

 

Le mouvement de Mototaxis a pris naissance en Haïti, dans la ville des Cayes au cours de période 1991 - 1993, se souvient Noélizaire Carl-Édouard, agent 4 de la Police nationale d’Haïti, PNH, responsable du service de circulation de cette ville. Mis à part son côté rentable, l’industrie de mototaxis représente un plus dans la vie même de la communauté. Le « dynamisme mototaxis apporte une certaine quiétude au sein de la population Cayenne », estime le policier , tout en mettant l’accent sur le côté « création d’emploi ».

 

« Au niveau du service de la circulation, nous avons enregistré 38951  motocyclettes », a-t-il informé, soulignant au passage que ce chiffre n’est peut-être pas exhaustif. Par ailleurs, le chef du service de la circulation des Cayes  regrette que l’Etat ne soit pas en mesure de tout mettre en œuvre pour  réguler ce secteur qui, tout en pesant lourd économiquement dans la vie des petites bourses, représente un danger sur le plan sécuritaire.

 

 

Selon Sony Jean-Louis, président de la Fédération des Taxis Organisés du Sud, (FETOS), indépendamment de la fragilité chronique du trafic en Haïti, bon nombre d’accidents de la route impliquant des motards sont dus au manque d’expérience, de formation et de fair-play des conducteurs. Aussi, conjointement avec la police Nationale d’Haïti (PNH) et en étroitement collaboration avec le bureau de communication de la MINUSTAH, FETOS organise des séminaires de formation et des séances de sensibilisation au profit de ses 800 membres, répartis dans cinq associations issues de la ville des Cayes.

 

 

Ainsi, cette structure qui se donne pour mission première d’améliorer les conditions de vie de ses membres, s’applique à faire une différence dans le secteur notamment, en terme de discipline et de respect du Code de la route. « Les membres de FETOS portent tous des gilets fluorescents munis d’un numéro qui permettent de les identifier même de loin. C’est une mesure contraignante qui oblige nos membres à se différencier des autres chauffeurs de taxis de par leur comportement », explique Camille Tuslin, responsable de la trésorerie de la fédération.

 

 

Ceci amène sans faute la population et les touristes à une certaine quiétude d’esprit en recourant au service d’un mototaxi. C’est également une initiative qui tend à aider les autorités dans la lutte contre la délinquance et le crime qui ordinairement facilités par l’utilisation de motos non enregistrés.

 

Pour Wilken Abram, Secrétaire général de FETOS, « Nul n’est infaillible  et un accident reste un événement imprévisible ». Cependant, étant lui-même témoin et victime de la mauvaise conduite de ses pairs, il présume qu’à force de formation et de sensibilisation, les chauffeurs de taxis ainsi que les usagers seront conscientisés sur le danger que représente la route.

 

 Marie Yolette Daniel - UN/MINUSTAH

 

Tout comme Noélizaire Carl-Édouard, responsable du service de circulation de cette ville, le conseil d’administration de FETOS et des usagers de taxis-motos souhaitent vivement la continuité de la campagne de la sécurité routière, incluant le port du casque obligatoire par les motards qui a été réalisée en 2011/2012 par la Police Nationale d’Haïti (PNH), appuyée par Mission des Nations Unies en Haïti (MINUSTAH).

 


 

Campagne qui a apporté ses fruits.

 

 

Rédaction : Marie Yolette B. DANIEL