‘Fanmcell’ : Un métier pour la dignité des femmes

8 mar 2013

‘Fanmcell’ : Un métier pour la dignité des femmes

Elles sont jeunes. Elles ont entre 21 et 25 ans. Elles sont issues de milieux défavorisés. Le fruit des réflexions de ces quatre jeunes femmes de Balan, dans le Nord d’Haïti, la petite entreprise de téléphonie ‘Fanmcell’ (une contraction de femmes et téléphone cellulaire en créole) représente désormais pour Aminada, Edniflore, Lovely et Patricia, un pas vers la dignité et l’indépendance. Reportage

‘Fanmcell’ : Un métier pour la dignité des femmes

Photo : Alban Mendes de Leon – UN/MINUSTAH

« Avant, je dépendais entièrement de mes parents. Je n’avais même pas les moyens d’envoyer ma fille à l’école. Son père m’a abandonnée à sa naissance », se rappelle Lovely Martin, membre fondatrice de Fanmcell. La micro-entreprise offre des services de réparation, décodage et déblocage de téléphones cellulaires. Les quatre jeunes femmes vendent également des cartes de recharge des principales compagnies de téléphonie mobile en Haïti.

« Le père de ma fille m’a quitté il y a plusieurs mois, car, selon ses explications, je ne travaillais pas et dépendais totalement de lui pour subvenir aux besoins de notre enfant », raconte, elle aussi, Aminada Jean, autre membre de Fanmcell.

Aujourd’hui, sa vie a changé. « Depuis qu’il sait que je travaille, il me parle avec respect. Il est devenu tellement compréhensif que nous pourrions nous remettre ensemble », sourit-elle.

La micro-entreprise Fanmcel est le seul centre de réparation et de vente d’accessoires cellulaires dans la localité de Balan, une bourgade de la section communale de Morne à Plaine du Nord, à 15 km de Cap Haïtien. Située au bord de la route nationale #1, le principal axe routier qui traverse Haïti du Sud au Nord, la boutique ne désemplit pas.

«Lorsque les affaires marchent bien, nous arrivons à vendre jusqu’à 65 dollars US de cartes de recharge par jour et cinq téléphones cellulaires, et nous réparons jusqu’à six téléphones par jour », dit Lovely, avec l’assurance d’une chef d’entreprise.

Les quatre femmes sont liées par un contrat de travail, signé à l’issue de six mois de formation sur la vente et la réparation de téléphones mais aussi sur la gestion de micro-entreprises. « Nous bénéficions des conseils de l’école où nous avons fait notre formation, ce qui permet de mieux gérer les conflits qui pourraient surgir entre les associées », explique Debreus Edniflore.

« Rattraper le temps perdu »

Sa collègue, Patricia Gabriel, a toujours rêvé d’étudier les sciences infirmières, mais ses maigres moyens financiers l’empêchaient de concrétiser ce rêve. « Mais je suis certaine que cette micro-entreprise me permettra de rattraper le temps perdu et de poursuivre mes objectifs dans le futur », espère Patricia.

Ce bel exemple de coopération entre quatre femmes a commencé en 2012. Elles sont toutes membres de l’Organisation des femmes actives de Balan de Morne Rouge (OFABMO), une association qui fait de la sensibilisation contre les violences, le VIH/Sida, le choléra et autres sujets qui touchent leur communauté.

Apprenant qu’une école professionnelle du Cap Haïtien, le Centre technique et d’informatique (CTI), offre des formations à 90 jeunes issus des quartiers défavorisés de Cap-Haitien, Limbé, Plaine du Nord, L’Acul du Nord et Bas-Limbé, elles saisissent l’opportunité et s’inscrivent.

Leurs candidatures sont proposées par l’OFABMO. Une fois acceptées, Aminada, Edniflore, Lovely et Patricia font partie du quota de 30% de femmes sur un total de 90 jeunes en formation qui, durant six mois, vont s’initier aux techniques de dépannage de téléphones cellulaires.

Leur assiduité et leurs performances n’échappent pas aux formateurs. « Elles maitrisent à 90% les notions enseignées et elles sont aptes à devenir des professionnelle compétentes », fait remarquer, satisfait, Myrtil Lafraise, professeur en dépannage et en réparation.

Le CTI a offert un accompagnement aux jeunes bénéficiaires de cette formation pour les aider à voler de leurs propres ailes. Ils ont ainsi pu mettre sur pied de petites structures dont Fanmcell.

Ces femmes, qui suscitent aujourd’hui le respect et l’admiration de leur communauté, rêvent de bâtir une plus grande entreprise. Beaucoup de chemin reste à parcourir. Il faudra notamment acheter un générateur car la localité n’est que peu desservie en électricité. Mais, armées de détermination suite à ce premier succès, elles ne comptent pas s’arrêter là.

Réalisé par le CTI, ce projet de formation diplômante est financé par la Section de la Réduction de la violence communautaire de la MINUSTAH à hauteur de 200.000 dollars américains, afin de favoriser l’autonomisation des jeunes vulnérables et de les éloigner de la violence.

Vicky Delore Ndjeuga