Sur le mur poussiéreux d’une allée en plein cœur de Cité Soleil, une affiche aux couleurs vives peintes à même le ciment invite le passant à choisir parmi une dizaine de pains de variétés différentes. Derrière la façade, le bruit assourdissant d’un générateur couvre les cris des 14 travailleurs qui se passent de main en main moules à pain et masses de pâte blanchâtre.

Yonel Félix, 35 ans, est à la tête de la petite boulangerie Don de Dieu depuis 4 ans. “Ce n’est pas facile du tout à cause de la situation dans laquelle se trouve le pays”, soupire-t-il. “Aucune banque ne veut nous accorder de crédit dans cette zone, et c’est très dur de payer les employés”.

Le toit de tôle, percé d’impacts de balles, laisse passer de minces faisceaux de lumière à travers l’air saturé de farine et de fumée. Les mains, agiles, effleurent la pâte, la malaxent, l’étirent depuis la mâchoire d’acier de deux rouleaux et la posent sur une grande table de bois. Trois hommes armés de couteaux à la lame affilée travaillent la mince couverture pour la découper en diverses formes, remplissent les petits moules et les enfournent dans la gueule béante du four. Satinées de farine, les peaux luisent dans la chaleur étouffante.

Afin de se serrer les coudes, Félix et les 14 employés de Don de Dieu travaillent en association. “Quand je dis: fais ceci, fais cela’, la pâte circule. Nous travaillons dans le respect mutuel. C’est comme ça que ça marche”.

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