Bureaux d’Aide Légale : la justice pour les plus démunis

1 fév 2013

Bureaux d’Aide Légale : la justice pour les plus démunis

Afin d’améliorer l’accès des plus démunis à la justice en Haïti, le Gouvernement a mis sur pied quatre Bureaux d’assistance légale (BAL) à Port-au-Prince et dans la zone métropolitaine à Carrefour, Bel Air et Pétionville en collaboration avec la MINUSTAH.

Bureaux d’Aide Légale : la justice pour les plus démunis

Photo : Igor Rugwiza - UN/MINUSTAH

D.F, jeune haïtien de 29 ans, est en prison dans la capitale haïtienne depuis novembre 2010. Après plus de deux ans d’attente, il comparaissait en Janvier dernier aux assises criminelles de Port-au-Prince. Pourtant, ni lui ni sa famille ne disposaient de ressources suffisantes pour payer les services d’un avocat. « Je n’avais pas les moyens d’engager un avocat pour mon petit frère en prison, mais un ami m’a informé de l’existence des BAL et de la possibilité de bénéficier d’une assistance légale sans frais », explique Lormera, parent de D.F. « Ca a été un très grand soulagement pour la famille de voir mon frère défendu gratuitement par une avocate le jour de son procès », dit-il, soulagé.

Pour sa part, J.J.A. a été libéré après avoir été gardé en détention préventive prolongée six jours au commissariat de Pétionville à Port-au-Prince. « Si je n’avais pas eu cette assistance, je serais aujourd’hui perdu en prison », estime le jeune homme de 24 ans. « Ce qui m’a beaucoup impressionné, c’est que l’assistant légal lui-même est venu vers moi pour me proposer une aide gratuite » poursuit J.J.A.

Avec environ 70% de la population vivant au-dessous du seuil de pauvreté, l’accès à la justice pour les plus démunis en Haïti demeure limité selon les autorités haïtiennes.
Ainsi, la mise en place des Bureaux d’aide légale répond à un double objectif : permettre à ceux qui n’en ont pas les moyens d’accéder à la justice et désengorger les prisons haïtiennes ou 80% des détenus sont en détention préventive prolongée, dite ‘illégale’.

« En œuvrant de concert avec le Barreau de Port-au-Prince et la MINUSTAH pour offrir une assistance légale aux justiciables les plus démunis, le Ministère de la justice et de la sécurité publique s'est engagé à réduire la détention préventive prolongée dans la juridiction du tribunal de première instance de Port au Prince », résume Nigel Fisher, Représentant spécial du Secrétaire général ad interim en Haïti.

Opérationnels depuis le 3 décembre 2012, les 4 BAL de la capitale ont déjà pu traiter plus de 1.000 dossiers et obtenu 283 libérations en moins de deux mois. « Par ce programme, nous voulons accompagner les personnes vulnérables dans la société haïtienne qui en ont tant besoin », explique Me. Flore Lamour, la coordonnatrice du programme au Barreau de Port-au-Prince.

Selon le Ministre de la justice et de la sécurité publique, la multiplication prévue de ces bureaux sur toute l’étendue du territoire national ouvrira l’accès à la justice à des secteurs jusque-là isolés de la population haïtienne. « Cette structure de justice participe de la volonté de résoudre au plus tôt des problèmes qui ont trop duré dans le système judiciaire et carcéral autant que dans nos pratiques pénales », a reconnu Jean Renel Sanon lors de l’inauguration officielle des BAL, le 31 janvier dernier.

56 avocats au service des plus démunis

Bureaux d’Aide Légale : la justice pour les plus démunisFonctionnant comme de véritables cabinets d’avocats, les quatre BAL sont animés par 56 représentants du Barreau de Port-au-Prince. Ils offrent un accompagnement juridique et judiciaire gratuit, sensibilisent les justiciables sur leurs droits et leurs devoirs et facilitent le contact entre les victimes et des organisations partenaires.

Dans un premiers temps, les différents sont réglés par des méthodes pacifiques de résolution de conflits. Mais si une procédure judiciaire est nécessaire, les dossiers sont suivis par les avocats du BAL qui accompagnent les justiciables à toutes les étapes du processus, depuis le commissariat de police jusqu’au Parquet en passant, parfois, par les prisons.

Les affaires correctionnelles sont traitées par les Bureaux si le justiciable dépourvu de moyens en fait la demande. Par contre, le BAL est saisi directement par le doyen du tribunal compétent en matière criminelle. « C’est suite à cela que nous entrons en contact avec le prévenu ou l’accusé pour lui demander s’il dispose d’un avocat ou s’il souhaiterait être assisté », précise Me. Marie Gislène Bruffie, du BAL de Port-au-Prince.

Certes, le programme est encore jeune et gagne à s’étendre. Me. Antoine Roobenst Louis, assistant légal à Pétionville, reconnait que peu de justiciables connaissent encore l’existence de ce service vital. « Chaque fois que nous rencontrons une personne en détention, nous demandons à un membre de sa famille de venir dans notre BAL pour qu’il sache qu’il existe une institution qui fait de l’assistance légale », dit le jeune avocat.

L’assistance légale : Un service prévu par la loi

Bureaux d’Aide Légale : la justice pour les plus démunisConsidéré comme un service public au profit de tout citoyen, le principe d’assistance légale remonte à la loi du 24 septembre 1864. Le code d’instruction criminelle annoté par Jean Vandal, quant à lui, traite en son article 198 de l’assistance obligatoire d’un conseil au profit de tout accusé, un principe repris dans l’article 2 de la loi du 4 avril 1998 sur la réforme judiciaire.

Pour Maître Carlos Hercule, bâtonnier de l'Ordre des avocats de Port-au-Prince, l’ouverture de ces 4 BAL dans la capitale est un bon pas vers le renforcement de l’état de droit. Mais le juriste estime toutefois que « l'assistance légale ne doit pas être abandonnée à la communauté internationale comme c'est le cas depuis environ vingt ans », et devrait, plutôt, relever du budget national.

La mise en place des BAL et leur fonctionnement est financée par le programme de réduction de la violence communautaire de la MINUSTAH à hauteur de 665.000 dollars américains.

Tahirou Gouro Soumana