Clubs de protection de l’enfant: former pour partager

21 nov 2013

Clubs de protection de l’enfant: former pour partager

Quatre mois après la mise en place de 28 comités de protection de l’enfant (CPE) par l’organisation non-gouvernementale Save the Children, les membres du comité de Gressier se félicitent du changement opéré dans ce quartier populaire de la capitale haïtienne.

Photo : Action Multiple Photo : Action Multiple

Malgré le week-end et l’absence de classes, c’est l’effervescence dans l’école de Lambi 3, un quartier de Gressier, une banlieue Sud de Port-au-Prince. Dans une des salles de classes, des enfants âgés de 3 à 7 ans font la ronde en chantant, accompagnés d’une adulte, leur monitrice. D’autres, l’air absorbé, sont penchés sur leurs ouvrages, des objets façonnés en plastique recyclé. « Apprendre à réutiliser ces matières est un travail d’éducation civique car ce sont celles qui polluent le plus l’environnement », commente Vanessa Garçon, en charge du petit groupe. Devant elle, une dizaine d’enfants mettent les dernières touches à des coupes fabriquée à partir des bouteilles en plastiques. Elles pourront accueillir des fleurs ou des crayons, précise-t-elle.

Pendant la période scolaire, ce club des enfants fonctionne uniquement les weekends et tous les jours de la semaine pendant les vacances. Là, 141 enfants dont 67 filles, âgés entre 3 et 15 ans se réunissent « pour apprendre en s’amusant sous la direction d’une quinzaine d’accompagnateurs », explique le Coordonnateur général du club, Jeff-Didier Prudent qui ajoute que ces derniers travaillent bénévolement.

Au fond de la salle de classe, un petit garçon tisse une tresse à partir de fils aux couleurs vives attachés aux barreaux d’une fenêtre. Guidé par les mains expertes de la monitrice, il fait un bracelet alors que d’autres roulent des petits bouts de papier pour faire des perles et des colliers. « Apprendre le macramé c’est quelque chose dont je vais me servir dans les années à venir », dit James Junior Baudelaire, 12 ans, visiblement motivé. Quant à Angel Jean-Baptiste, 10 ans, il se dit « prêt à partager sa connaissance à d’autres enfants ».

Les enfants de ce club, formé à partir de l’un des 28 comités de protection de l’enfance mis en place par l’organisation humanitaire Save the Children, sont soudés à tel point que « certains parents, pour les punir, menacent de ne pas les laisser aller au club afin qu’ils leur obéissent », témoigne Emmanuel Noël, l’un des délégués d’enfants de cette structure volontaire.

Les parents eux aussi approuvent. « Mes enfants sont beaucoup plus éveillés et ont un métier manuel grâce à ce club », témoigne Vénia Bonhomme Vilmond, mère de deux enfants. James Bolière, pour sa part, constate un réel changement chez son fils qui, « en fréquentant ce club des enfants, a un autre comportement et est beaucoup plus ouvert ».

Des enfants qui sensibilisent les adultes

En effet, les petits ne font pas que jouer et se détendre. L’apprentissage des droits des enfants occupe une grande place dans les journées du club avec des sketchs, des pièces de théâtre, des parades et des jeux.

Eux-mêmes formés par l’organisation humanitaire, les membres de ces comités de protection de l’enfant forment aussi les parents et futurs parents de leur quartier respectif. « Nous avons été formés sur le trafic et la traite des enfants, les techniques de communication, la communication interpersonnelle, le lancement du message, la gestion et l’élaboration des petits projets et la résilience des enfants victimes de viol par exemple », énumère Landie Sévère.

Depuis le début de l’année 2013, le comité de Gressier a déjà formé plus de 210 adultes. Ceux-ci repartent avec des bandes dessinées sur les thèmes abordés. « Avec les illustrations en images, le message passe, peu importe si la personne est lettrée ou analphabète », estime M. Prudent qui ajoute qu’ « au total 1050 ouvrages de sensibilisation sur le respect des droits de l’enfant ont été déjà distribués ».
Pour James Bolière, un des parents ayant suivi la séance de sensibilisation sur les droits des enfants, « cette formation de deux semaines m’a permis d’avoir une autre approche des enfants », même s’il confie toujours user du martinet pour corriger ses enfants.

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Selon ses membres, l’existence du comité a permis aux habitants du quartier de prendre conscience des problèmes auxquels font face les enfants. « Pour cette année, on a relevé deux cas de maltraitance des enfants ; avec l’aide des habitants du quartier, nous avons dû nous référer aux autorités locales », indique Prudent.

Le comité de Lambi a pu aussi gérer 25 cas d’enfants battus ou encore maltraités dont deux cas, plus graves, ont été référés aux autorités responsables à savoir l’Institut du Bien-être Social et des Recherches (IBESR) et la Brigade de Protection des Mineurs (BPM). « Pour les 25 cas, on s’est entretenu avec les parents et nous les sensibilisons sur le respect des droits de leurs enfants. Cela a porté ses fruits », se réjouit-il.

Le réseau du comité et sons club des enfants se développe dans le quartier mais a des défis à relever. En effet, la pénurie d’eau dans le quartier ralentit l’enthousiasme des tout-petits. « Les enfants sont obligés de parcourir des kilomètres à la recherche de l’eau », regrette Jeff-Didier Prudent.

Jonas Laurince