Combattre le VIH/SIDA, le paludisme et d’autres maladies : le Chikungunya

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27 aoû 2014

Combattre le VIH/SIDA, le paludisme et d’autres maladies : le Chikungunya

Photo : Logan Abassi - UN/MINUSTAHPhoto : Logan Abassi - UN/MINUSTAH

 

En Septembre 2000, les dirigeants de 189 pays du monde ont adopté à l’unanimité la Déclaration du Millénaire des Nations Unies, ils se sont mis d’accord sur une série d’objectifs assortis de délais qui visent à réduire l’extrême pauvreté dans le monde. Ces objectifs sont connus aujourd’hui sous le nom d’objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) et la date limite pour les atteindre est 2015.

Un an avant la date butoir, nous jetons un regard sur les Objectifs du Millénaire pour le développement en Haïti : les défis et les succès, et le travail qu’il reste à faire. Chaque mois, nous allons éplucher chacun des objectifs du Millénaire pour le développement, et d’explorer les histoires qui découlent de chacun des thèmes.

Cette semaine, nous portons notre attention sur le sixième objectif du Millénaire : « combattre le VIH/SIDA, le paludisme et d'autres maladies », et examinons attentivement le sujet en ce qui concerne Haïti. Aujourd'hui nous examinons une maladie transmise par les moustiques : le Chikungunya.

 


 

Photo : Logan Abassi - UN/MINUSTAHPhoto : Logan Abassi - UN/MINUSTAH

 

Le chikungunya ne fait plus trembler les populations

La mobilisation du gouvernement, supportée par le système des Nations Unies en Haïti, pour éliminer le chikungunya, semble porter ses fruits. Depuis le début du mois de juillet, la maladie est en « nette régression », suite à la campagne de lutte lancée, le 23 mai 2014.

Si le mot chikungunya était dans presque toutes les conversations au début du mois de mai 2014, aujourd’hui à la mi-août de la même année, la réalité est différente. Les rares personnes qui en parlent le font notamment parce qu’elles en ont gardé de mauvais souvenirs.

« D’une vingtaine de cas par jour en mai dernier, on est passé depuis environ trois semaines à une dizaine de cas par semaine », confie Rodelin B., agent de santé communautaire, chargé de la surveillance épidémiologique dans un centre de santé de Port-au-Prince. « La majorité de ces personnes visitent le centre pour trouver des solutions aux séquelles laissées par la maladie », poursuit-il.

Selon les dernières données fournies par le ministère de la Santé publique et de la Population (MSPP), dans les 142 institutions assurant la surveillance épidémiologique, le nombre de cas suspects au 13 août est de 67,596. Et, ce total rapporte les informations datant du 26 mai, date à laquelle le MSPP a démarré la surveillance.

« A la 16e semaine épidémiologique, on avait le premier cas diagnostiqué », indique le Dr Donald François, le coordonnateur de l’Unité d’appui à la décentralisation sanitaire au MSPP. Il rappelle que le plus haut pic avait été atteint entre la 22e et la 23e semaine avec plus de 12,000 cas par semaine. Au 08 août, qui correspond à la 32e semaine, il a été recensé 528 cas.

 

Photo : Logan Abassi - UN/MINUSTAHPhoto : Logan Abassi - UN/MINUSTAH

 

Couper « la chaîne de transmission »

Plusieurs facteurs ont conduit à la baisse du nombre de cas, selon le Dr François. « L’une des grandes actions qu’on a menées, c’est la fumigation, qui a eu un impact non seulement sur le chikungunya, mais également sur d’autres maladies telles que la malaria ou filariose lymphatique, parce qu’elle a eu pour effet d’éliminer les moustiques vivant hors des maisons et qui volent surtout le soir comme les anophèles et le culex », se félicite-t-il.

La campagne lancée par le gouvernement et ses partenaires, notamment les Nations Unies, a donc permis de « briser la chaîne de transmission ». En effet, l’offensive contre le moustique aedès, à l’origine du chikungunya, a été menée sur trois fronts, à travers le pays. A savoir premièrement l’information et la sensibilisation, ensuite la lutte anti-vectorielle et enfin la fumigation.

La population, elle, a pris une part importante dans cette bataille. « J’ai fait de mon mieux pour me débarrasser de tout ce qui pouvait retenir de l’eau. J’ai brûlé de vieilles canettes de lait condensé ; avec des voisins, j’ai nettoyé les rigoles d’eau », fait remarquer Mlle Daphné, résidente de Cité de Dieu, à Martissant, quartier sud de Port-au-Prince. « Le soir, même s’il fait chaud, j’essaie de dormir sous une moustiquaire », ajoute cette mère de famille, Bible et livre de chants en main. Elle revient d’un jeûne de prière. Mlle Daphnée souligne avoir eu la chance d’entendre à la radio des spots de sensibilisation sur certaines mesures à prendre pour éviter cette maladie.

 

Photo : Logan Abassi - UN/MINUSTAHPhoto : Logan Abassi - UN/MINUSTAH

 

En ce qui a trait au moustique, lui-même, les acteurs de la santé l’ont attaqué sur deux fronts. D’une part, ils ont procédé à ce qu’ils appellent le traitement des gites larvaires. Une opération au cours de laquelle les œufs et les bébés moustiques ont été détruits.

« Si on détruit le moustique dans son stade larvaire, il n’aura pas le temps de grandir et de causer des dégâts. Et même si il arrive à l’âge mature, sa densité ne sera pas assez grande pour constituer un problème pour la société », explique Michel Yvan Saint Jean, chef de service d’entomologie au MSPP, à la tête d’une équipe, faisant du porte à porte à Martissant.

Lors de cette étape, les agents du MSPP s’étaient vus obligés de réaliser des visites domiciliaires pour trouver des gites notamment d’aèdes, ce moustique « domestique » à l’origine de la fièvre chikungunya. « Quand ils sont venus, ils ont demandé si on avait des pots de fleurs, des citernes, des vieux pneus, enfin tout ce qui pouvait retenir de l’eau sale », raconte Natacha, assise sous sa galerie, et observant un instant les allées et venues dans son quartier, juste après une visite des agents à la recherche d’éventuelles gites pour moustiques.

Si la première partie de la lutte se fait le jour, l’autre -la fumigation- se fait à la tombée de la nuit. Par ce procédé, les responsables du MSPP souhaitent éliminer les moustiques adultes. «Une fois qu’il n’y aura pas cette fréquence de piqûre intense au niveau de la population on sera sur le point de rompre la chaîne de transmission », déclare avec un air d’encouragement M. Saint Jean.

 

Photo : Logan Abassi - UN/MINUSTAHPhoto : Logan Abassi - UN/MINUSTAH

 

Les Nations Unies dans la lutte

Les Nations Unies ont contribué à cette lutte à plusieurs niveaux. Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et l’Organisation panaméricaine de la santé/Organisation mondiale de la santé (OPS/OMS) ont fourni quelque 3 000 000 de doses de paracétamol pour la prise en charge des patients atteints.

« Depuis le début de l’épidémie, l’OPS/OMS a supporté le ministère dans l’élaboration des fiches techniques, d’une présentation standardisée pour les formateurs de formateurs, ainsi qu’avec un don de paracétamol pour les centres de santé dans les 10 départements», note le Dr Juan Carlos Alonso Gustavo, conseiller pour les situations d’urgence et de secours en cas de catastrophes.

Il souligne que son organisation a aidé dans la réalisation du plan de lutte contre la maladie et à la surveillance épidémiologique et dans la diffusion de spots de radio.

Dans le cadre de la campagne de sensibilisation, la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) a, de son côté, préparé et aidé par la distribution de 10 000 posters et l’installation de grands panneaux de sensibilisation à travers les rues. La Mission onusienne a aussi facilité la préparation et la diffusion de spots radio et télé, et la fourniture de carburant pour la réalisation des séances de fumigation.

Une équipe du personnel médical militaire de la MINUSTAH a réalisé, le 04 août dernier, une séance de sensibilisation sur la propagation du virus du chikungunya, dans le cadre d’une activité civilo-militaire (CIMIC) au profit de 300 habitants de la localité Grand Ravine à Port-au-Prince. Une activité coordonnée par le contingent sri-lankais qui appuie la Police nationale d’Haïti (PNH) dans la sécurisation dans cette partie de la capitale haïtienne. Les médecins ont également distribué des dépliants et des affiches contenant des informations sur la maladie, après avoir prodigué des soins à des patients.

Le chikungunya sévit en Haïti depuis avril 2014. Sa découverte remonte à 1952. Son nom est d’origine makondée (une langue de Tanzanie) et signifie : «qui se recourbe » ou encore « maladie de l’homme courbé » car elle occasionne de très fortes douleurs articulaires associées à une raideur. Ce qui donne aux patients infectés une attitude courbée très caractéristique.

 

Pierre Jerome Richard/ UN-MINUSTAH