Conference de presse des Nations Unies Vendredi 13 septembre 2013

13 sep 2013

Conference de presse des Nations Unies Vendredi 13 septembre 2013

Conférence de presse de la Représentante Spéciale du Secrétaire Général des Nations Unies et chef de la MINUSTAH, Madame Sandra Honoré

Bonjour à toutes et à tous.

(Traduit à partir du créole, ndlr) C’est un plaisir de vous pouvoir vous rencontrer aujourd'hui avant l’assemblée générale des Nations Unies et de saluer la population haïtienne au travers de vos médias respectifs.

Bien que nouvellement nommée dans le pays, en tant que Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies en Haïti et chef de la MINUSTAH, Haïti n'est pas une nouveauté pour moi. Mon intérêt et ma relation avec Haïti sont nés il y a plus de 30 ans, et je suis heureuse de travailler dans un pays qui, depuis si longtemps, retient mon intérêt et mon appréciation. Je suis originaire de Trinité-et-Tobago et j'ai travaillé en Amérique latine et dans les Caraïbes tout au long de ma vie professionnelle (fin du texte en créole, ndlr).

Comme vous le savez, la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti est mandaté par le Conseil de sécurité pour soutenir le processus de stabilisation en cours à travers : l’appui sécuritaire et le soutien au plan de développement de la PNH, la réforme institutionnelle et le renforcement de l’Etat de droit, les droits de l’homme, la bonne gouvernance et le processus démocratique et par les bons offices du Représentant spécial.

Je reviens d'une réunion du Conseil de sécurité convoquée pour exposer le dernier rapport du Secrétaire général des Nations Unies sur la situation en Haïti. Nous avons parlé des avancées en matière de sécurité et de développement de la PNH, mais aussi des retards pris dans le cadre de la tenue des élections.

Lors du débat du Conseil j’ai aussi fait part de l’engagement de la MINUSTAH et des organismes des Nations Unies de continuer d’aider le Gouvernement à renforcer les moyens des institutions nationales de santé publique pour l’élimination du choléra dans l’ile d’Hispaniola au travers des différents programmes.

Lors des débats du Conseil de sécurité, dans leurs discours, 28 intervenants ont unanimement renouvelé l'engagement de continuer à soutenir les institutions haïtiennes en vue de consolider l'Etat de droit et le processus démocratique. Tous les orateurs se sont félicités de l'amélioration rapportée dans la situation de la sécurité ainsi que les gains réalisés par la Police nationale haïtienne.

Toutefois, les participants ont exprimé leur inquiétude concernant le retard continue de la tenue des élections sénatoriales partielles, municipales et locales et ont exhorté les dirigeants politiques d'Haïti à travailler ensemble à l’élaboration d’une loi électorale permettant la tenue d'élections crédibles et transparentes.

La MINUSTAH reconnaît la complexité et les défis auxquels Haïti est confronté aujourd'hui, mais aussi, et surtout, reconnaît le besoin de stabilité politique. J'ai commencé aujourd’hui par vous dire quelques mots au sujet de mon intérêt de longue date pour Haïti. Je tiens à préciser que je reconnais les efforts et les réalisations importantes qui ont été faites au cours des dernières décennies pour conduire Haïti sur la voie de consolidation de la démocratie.

Malgré les difficultés qui vont de pair avec une transition vers la démocratie, on peut noter qu’au cours de la dernière décennie, la PNH a augmenté sa capacité et son professionnalisme.

Au cours de la dernière décennie, les débats publics ont contribué à l'adoption de lois importantes, telles que la loi bancaire, la loi sur la paternité, les trois lois sur l'indépendance de la magistrature et l’établissement du CSPJ. Néanmoins il reste encore à faire. Il faut notamment continuer à travailler ensemble à consolider le respect de l’état de droit, le respect d’autrui, la tolérance, et les droits de l’homme.

Tel que noté par le Conseil de Sécurité, le processus démocratique en Haïti demeure vulnérable aux reculs liés à l'instabilité qu’Haïti n’a pas de luxe de s’offrir. Dans le climat actuel de polarisation, la MINUSTAH renouvelle son appel aux principaux acteurs politiques d'Haïti à promouvoir le dialogue dans la sérénité, pour parvenir à un consensus politique minimum sur la voie à suivre, en particulier concernant les élections.

A cet égard, l’accord entre l'Exécutif et le Parlement du 24 Décembre 2012, est un exemple de compromis ayant fait avancer le processus électoral.

Aujourd’hui, comme je l’ai fait au Conseil de Sécurité, j'appelle tous les acteurs à continuer le dialogue afin de s'assurer que le processus démocratique se poursuit et que la continuité des institution est assurée dans l’intérêt de tous les acteurs et tout particulièrement dans l’intérêt du peuple haïtien.

Mesdames, Messieurs,

Depuis mon arrivée j’ai utilisé mes bons offices pour promouvoir le dialogue lors de mes conversations, avec le Président de la République, le Premier ministre, le président du Sénat et le président de la Chambre des députés, les acteurs politiques et la société civile, le secteur privé et le secteur religieux. Il y a encore beaucoup d’acteurs que je souhaite rencontrer pour encourager leur appui au dialogue.

En ce qui concerne la MINUSTAH, dans le cadre du plan de consolidation, la composante militaire a déjà été reconfigurée en cinq pôles de sécurité. Les unités de police constituées (FPU) ont été redéployées, en appui à la PNH, pour couvrir le territoire et éviter tout vide sécuritaire.

La reconfiguration a aussi vu la transformation de 10 bureaux régionaux de la MINUSTAH.

Et comme vous le savez, le Secrétaire General a recommandé au Conseil de sécurité d’envisager de réduire encore l’effectif militaire de la Mission de 15 %, au vu des avancées du programme de formation de la Police nationale et des améliorations progressives de la situation sur le plan de la sécurité.

Cette réduction va de pair avec le processus de stabilisation dans le pays.

Mesdames, Messieurs,

(Traduit à partir du créole, ndlr) Je voudrais terminer par vous dire que le dialogue et le consensus entre les haïtiens est un facteur indispensable pour apporter des réponses concrètes face aux nombreux défis qu’il reste à surmonter, et pour permettre à Haïti de sortir de la crise institutionnelle cyclique qui caractérise le pays et qui l’a souvent paralysé.


Questions / Réponses
Scoop Fm : Le sénateur Annick Joseph a sévèrement critiqué les Nations Unies parce que vous avez mentionné dans votre dernier rapport que des progrès ont été réalisés dans le pays dans divers domaines. Ce qu’il qualifie d’ingérence dans les affaires internes du pays. Il estime que les Nations Unies n’ont pas le droit de dire que des progrès ont été réalisés alors que la réalité, dit-il, prouve le contraire. Quelle est votre réaction ?
SRSG : Merci beaucoup. Comme vous savez, la MINUSTAH est une mission établie par décision du Conseil de sécurité des Nations Unies et le Secrétaire général des Nations Unies à l’obligation de rendre un rapport au Conseil de sécurité deux fois par an. Dans son rapport, le Secrétaire général présente au Conseil de sécurité son opinion sur l’état de la situation et sur le travail de la Mission en Haïti.
Les rapports du Secrétaire général sont normalement une photographie de la manière dont il voit, dont la Mission voit le travail en cours. La Mission est établie pour appuyer le gouvernement d’Haïti, pour appuyer l’État d’Haïti dans quatre domaines principaux :
•la sécurité qui implique un renforcement de la capacité et la professionnalisation ou la contribution à la professionnalisation de la Police nationale haïtienne,
•l’appui au renforcement des capacités électorales dans le pays,
•l’appui au renforcement de l’état de droit et des droits de l’homme
•et l’appui également au renforcement des capacités des institutions publiques au niveau central et local,
De sorte que le rapport du Secrétaire général rend compte du progrès que le Secrétaire général a noté ou bien des failles qui apparaissent dans ces quatre domaines. Avec tout le respect que je dois aux Haïtiens, je ne partage pas l’avis que le rapport du Secrétaire général constitue une ingérence dans les affaires internes haïtiennes
Scoop FM : Il y a une situation qui se développe dans la commune de Petit-Goave : des individus armés dépouillent les passagers des véhicules qui empruntent la route nationale 2 en direction du Sud du pays. C’est arrivé récemment à un membre de la presse et selon ce qui nous est rapporté, les soldats de la MINUSTAH présents sur les lieux n’interviennent pas. Pourquoi n’interviennent-ils pas ?

SRSG : En ce qui concerne la situation à Petit-Goave, il faut que j’explique que la police de Nations Unies appuie les efforts opérationnels quand le besoin est requis. Si vous voulez, la première ligne pour traiter de quelconque situation sécuritaire est la Police nationale haïtienne. S’il y a un besoin, l’UNPOL vient en appui, et si les efforts conjoints de la Police nationale haïtienne et de l’UNPOL n’arrivent pas à résoudre la situation, c’est là qu’intervient en deuxième ligne l’apport de la composante militaire de la MINUSTAH. Donc, je vous explique à nouveau – je suis sure que vous avez déjà entendu cette information – notre police, la Police des Nations Unies joue ce rôle d’appui à la Police nationale haïtienne et j’espère que l’appui que la Police des Nations Unies pourra aider à résoudre cette situation qui est de la responsabilité première de la Police nationale haïtienne.

Radio Vision 2000 : Mme Honoré, comme la MINUSTAH et les Nations Unies supportent les élections en Haïti, comment appréciez-vous le vote de la loi électorale à la Chambre des députés où le document a été déjà transmis au Sénat de la République?

SRSG : En ce qui concerne le projet de loi électorale qui a été voté par la Chambre des députés et transmis au Sénat, évidemment, le Sénat suivra le processus qui incombe à cette Chambre du Parlement et je me réserve en ce moment de me prononcer ou de donner un avis sur le projet de loi parce qu’évidemment le projet de loi étant encore à l’étude au Sénat de la République. Oui, il est vrai que je prône le dialogue parce que je suis d’avis que c’est par le dialogue que les parties concernées vont arriver à un consensus politique parce que, c’est ma conviction qu’un consensus politique est nécessaire pour aller au-delà et pour résoudre la situation actuelle. Ceci n’implique en aucun cas qu’il y ait réticence parmi les parties impliquées.

Dans les conversations que j’ai eues, j’ai noté la manifestation de toutes les parties concernées d’une disponibilité pour le dialogue, comme je l’ai souligné au Conseil de sécurité. Et je crois qu’il est urgent que cette disponibilité se manifeste concrètement pour effectivement aider à éviter les situations complexes et compliquées auxquelles vous avez fait mention.

Radio Vision 2000 : Comme vous venez de le mentionner à plusieurs reprises, le dialogue entre les différents acteurs pour pouvoir arriver à l’organisation des prochaines élections est nécessaire. Mais à plusieurs reprises, les forces de l’ordre ont dispersé de manière brutale des mouvements de protestation de l’opposition. Est-ce que cela ne vous préoccupe pas?

SRSG : Une des tâches de la MINUSTAH est la promotion des droits de l’homme. Un élément des droits de l’homme est la libre expression d’opinion. Nous continuons à prêcher pour la liberté d’expression et nous conseillons dans les sphères concernés, en ce qui a trait à la liberté d’expression. Je ne peux pas vous répondre pour une action prise par une instance ou une autorité nationale, mais je peux vous dire que toutes les inquiétudes de la MINUSTAH sur les domaines où elle travaille en appui au gouvernement à l’État haïtien, sont communiquées.

Radio Vision 2000 : Lors de votre présentation au Conseil de sécurité des Nations Unies, j’ai pu constater une différence entre votre point de vue concernant l’organisation des prochaines élections et le point de vue du Représentant d’Haïti à l’ONU, Denis Régis. Il a mentionné la volonté du gouvernement de réaliser des élections pour deux tiers du Sénat alors que, selon ce que je crois comprendre, ce n’est pas tout à fait votre point de vue?

SRSG : S’il vous parait que les points de vue sont différents, je dois dire que je ne peux parler que pour la MINUSTAH et les Nations Unies. Le Conseil de sécurité a appelé à maintes reprises à l’organisation des élections en Haïti. Évidemment cette organisation des élections va dépendre de la loi électorale qui sera adoptée pour gérer ces élections. Comme j’avais répondu à la question au préalable, on attend de voir la loi électorale qui sera adoptée par l’Assemblée nationale et la suite qui en sera donnée.

Radio Caraïbes : Madame Honoré on vous félicite pour votre créole, c’était très bien. Dans le rapport de l’année dernière, M. Ban-ki-moon a fait mention de ses inquiétudes s’agissant de la situation politique et de la situation électorale et ces mêmes inquiétudes ont été mentionnées dans le rapport de cette année. Donc concrètement qu’est ce qui a été fait en terme d’avancée. Puisque le processus électoral est toujours dans l’impasse, est ce que des pas réels ont été franchis dans la stabilité en Haïti ?
SRSG : Merci beaucoup pour votre encouragement en ce qui concerne mon créole qui reste un travail en cours. Oui, il est vrai que le rapport qui a été considéré par le Conseil de Sécurité, le 28 août a fait écho d’inquiétudes sur la question électorale de même que le rapport présenté au mois de mars et avant. Et votre question demande spécifiquement s’il y a eu un pas réel en avant et s’il y a eu un progrès sur la question électorale ?
Comme vous le savez, le projet de loi électorale a été transmis au Parlement la veille de la séance du Conseil de Sécurité, c’est-à-dire le 28 août. C’était en soi un pas vers l’organisation des élections mais évidemment ce n’est pas le seul pas à franchir. Le projet de loi est maintenant avec le Sénat on attend la fin du travail de l’Assemblée Nationale sur le projet de loi qui va gérer les élections.
Entretemps et depuis le rapport du Secrétaire général du mois de mars, mes prédécesseurs ont entamé des discussions constantes et continues avec les trois pouvoirs, les partis politiques et la société civile. Ils ont tous mis l’accent sur la nécessité d’un dialogue qui va aider à créer un cadre propice à l’organisation d’élections crédibles, transparentes et inclusives dans le pays.
Le fait que les élections n’ont pas eu lieu depuis que ce travail a commencé, est un fait que l’on doit reconnaitre mais notre travail pour faciliter le dialogue va continuer et on espère qu’avec les pas qui ont été franchis jusqu’à date et les signaux positifs que l’on voit, de disponibilité pour le dialogue, vont augmenter, pour pouvoir nous conduire à ce dialogue dont j’ai parlé.

Radio Express Jacmel : Est-ce que la MINUSTAH est pour les élections de cette année ou une seule élection en 2014 ? (question posée en visio-conférence depuis Jacmel, ndlr)
SRSG : Bonjour à Jacmel et aux journalistes de Jacmel. La MINUSTAH n’est pas le Collège Transitoire du Conseil Électoral Permanent qui, si j’entends bien, doit établir la date en base de la loi électorale qui est, comme je l’ai dit déjà à deux reprises, devant l’Assemblée Nationale sous considération par le Sénat.
La MINUSTAH, il est vrai, a appelé pour que les élections aient lieu avant la fin de 2013. Comme je l’ai indiqué au Conseil de Sécurité, il parait peu probable que celles-ci se fassent étant donné l’état des lieux, étant donné la situation en ce qui concerne la loi et tout ce qui doit être fait pour organiser les élections.
De toute façon, les membres du Conseil de Sécurité et les autres États membres qui sont intervenus au cours de ce débat le 28 août ont tous exhorté que les élections aient lieux le plus rapidement possible. Notre désir est de nous assurer et d’assurer au peuple haïtien que les élections soient crédibles, inclusives et transparentes et je crois que notre devoir est de ne ménager aucun effort pour garantir cette crédibilité et cette transparence des élections quand elles seront organisées, le plus rapidement possible.
Merci.