Deux femmes pour une nouvelle vie – que sont-elles devenues après quatre ans sous les tentes ?

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14 avr 2014

Deux femmes pour une nouvelle vie – que sont-elles devenues après quatre ans sous les tentes ?

De quoi est faite la vie des rescapés du séisme qui ont vécu quatre ans sous les tentes ? Comment voient-elles l’avenir ? Juliata et Fanèse viennent de quitter l’ex - camp Golf de Pétion ville pour une nouvelle vie. Nous avons suivies ces deux femmes.

Photo: Pierre Jerome Richard-UN/MINUSTAH Photo: Pierre Jerome Richard-UN/MINUSTAH

Juliata Faustin a deux enfants. Fanèse Lamartinière, elle, en élève seule sept. Ces deux rescapées du séisme du 12 janvier 2010 vivent de la débrouille en tenant un petit commerce de produits de première nécessité. Elles ont quitté les tentes, mais cette nouvelle vie est pleine d’incertitudes. Bien qu’elle ait quitté le camp, près d’un an déjà, elle n’a pas perdu les réflexes de protection acquis pendant son séjour dans cet endroit qu’elle juge « malsain ».

Photo: UN/MINUSTAH Photo: UN/MINUSTAH

De ses quatre ans dans le camp, elle en garde une habitude principale. Garder un œil ouvert. « Souvent je reste éveillée une bonne partie de la nuit », dit Fanèse. Les visites intempestives étaient courantes, comme quand des hommes ont percé sa tente et dérobé des pièces d’identité de la famille qu’elle avait cachées dans une vielle valise. Abandonnée par le père de ses enfants juste après le séisme, elle a vite appris la vigilance. « On ne pouvait rien conserver d’important sous la tente, de peur que les bandits ne nous surprennent », explique-t-elle assise à côté de sa collègue Juliata sur un petit banc recouvert de coussins en plastique.

Une patience qui paie

Pour quitter le camp, chaque famille a reçu une subvention de l’organisation en charge du site, l’ONG Jenkins Penn/HRO, devant permettre de payer un loyer pendant un an. « Les plus vulnérables, notamment les femmes chefs de famille de plus de quatre enfants ont reçu une aide supplémentaire », de produits destinés à la vente comme fonds de commerce, explique Richardson Louissaint, gestionnaire adjoint du projet de relocalisation de JP/HRO. Suivant le type de clientèle et de commerce envisagé par les bénéficiaires de ce projet, certaines ont reçu des produits cosmétiques, d’autres des produits alimentaires.

Pour mieux organiser leur nouvelle vie, les ex-déplacées ont bénéficié des séances de formation. « Nous les sensibilisons sur la santé communautaire et sur l’entreprenariat et la gestion », souligne Natacha Doliscar, travailleuse sociale et formatrice. « Faire des économies est important car il faut penser aux besoins quotidiens de la famille, au loyer et aussi se préparer à faire face à des situations exceptionnelles telles que la maladie », explique Juliata. « Ah, moi je n’aimerais pas revivre ce que j’ai vécu dans le camp. J’en ai vu de toutes les couleurs », lance-t-elle.

Au marché de Delmas 75, Juliata s’efforce tant bien que mal d’écouler ses produits composés de denrées alimentaires et autres épices. Mais les bénéfices ne sont pas toujours au rendez-vous. Il arrive qu’elle passe une journée sans rien vendre alors qu’elle débourse plus de 500 gourdes (environ $12,50 US) le mois pour louer un petit espace où elle garde sa marchandise le soir venu. Cependant, il « vaut mieux le faire. Cela permet de garder l’espoir », souffle-t-elle, repliant machinalement les bords de petits sacs en nylon pour laisser voir les produits qu’ils contiennent.

Photo: Pierre Jerome Richard-UN/MINUSTAH Photo: Pierre Jerome Richard-UN/MINUSTAH

« C’est grâce à ça que je vais payer mon loyer », et régler certains petits problèmes puisque « l’homme avec qui je vis, le père ma fille, ne travaille que temporairement comme maçon et ne gagne pas grand-chose », regrette-t-elle. De temps en temps, ces femmes bénéficient de la visite d’agents humanitaires leur apportant conseils et venus « jeter un œil pour voir comment marchent les choses », souligne Natacha Doliscar. Question pour l’organisation « d’assurer la transition de la condition de sans abri, vers l’établissement de communautés durables et prospères tout en améliorant les conditions de vie », conclut, optimiste, M. Louissaint.

De l’optimisme, il en faut à ces femmes dont la vie a radicalement changé,le 12 janvier 2010 en l’espace de deux minutes et 30 secondes, selon l’Institut d’études géologique des États-Unis . Mais Juliata et Fanèse gardent espoir, déterminées à ne pas regarder en arrière, vers le champ de tentes de leurs nuits sans sommeil.

 

Pierre Jerome Richard –UN/MINUSTAH