Haïti : La sensibilisation s’impose pour prévenir le cancer du sein

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12 mai 2014

Haïti : La sensibilisation s’impose pour prévenir le cancer du sein

14-04-08-Hospital Bernard Mevs, Project Medishare Photo: Nektarios Markogiannis - UN/MINUSTAH

En Haïti comme ailleurs dans le monde, le cancer du sein progresse chaque année. En s’attaquant aux femmes en âge de procréer et actives, cette pathologie constitue un frein au progrès socioéconomique d’Haïti. D’où l’urgence d’une grande sensibilisation pour le diagnostic précoce.

Dans la salle réservée aux malades du cancer à l’hôpital Bernard Mevs, Port-au-Prince, une dizaine de femmes atteintes du cancer du sein reçoivent des soins intensifs. Une centaine de malades sont prises en charge dans cet hôpital par une équipe médicale dirigée par Dr Vincent DeGennaro, le responsable de Medishare, un projet d’assistance humanitaire.

Shela*, une femme de 29 ans, vient de se faire soigner par le responsable du projet. Dans ses yeux rougis par la douleur du pansement, se lit un espoir de survivre, se mêlant à l’angoisse que suscite son état de santé.

Cela fait bientôt deux ans que cette jeune femme lutte contre la maladie. Il y a un an et demi, elle avait reçu des soins sans connaitre la guérison. Depuis six mois, elle est prise en charge par Medishare alors que le Dr DeGennaro nous informe que son cancer tend vers la phase 4, dite terminale.

«  Le docteur m’a donné des produits à prendre et m’a dit que je devais être opérée », dit la patiente, apeurée.

« Nous n’avons pas d’autres solutions que de l’opérer, mais il est difficile de prédire l’issue du traitement », confie le Dr DeGennaro, avec un pincement au cœur. Ce développement est dû au retard pris dans le traitement de la maladie, explique-t-il, avant de préciser que 85% de femmes admises à l’hôpital Bernard Mevs souffrent d’un cancer avancé, soit en phase 3 ou 4 ».

Fin décembre 2013, l’équipe du projet n’a pas pu sauver la vie de Daniela, une malade qui a succombé à son cancer du sein, malgré la qualité des soins qu’elle recevait. « Lorsque le cancer est avancé, tout ce que nous pouvons faire, c’est de prolonger la vie de la patiente, mais il est presque impossible d'en guérir ».

« Nous enregistrons en moyenne 3 nouveaux cas de cancer par séance de consultation, en particulier de cancer du sein », informe encore le Dr Suprien Caleb de l’hôpital Bernard Mevs. A ce rythme, cet établissement de Port-au-Prince peut dépister plus de 300 nouveaux cas par an, sachant que l’hôpital organise trois consultations gratuites par semaine. Dr Jean Kantal, chirurgien cancérologue de l’institut haïtien d’oncologie, avance le même chiffre, tout en plaçant le cancer du sein en tête des types de cancer connus.

 

Photo: Nektarios Markogiannis -UN/MINUSTAH Photo: Nektarios Markogiannis -UN/MINUSTAH

 

L’urgence de la sensibilisation

Sous l’impulsion de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les acteurs impliqués dans la lutte contre le cancer en Haïti mettent l’accent sur le dépistage précoce. L’OMS prédit pour les deux prochaines décennies, une progression annuelle de 22 millions de nouveaux cas de cancer, alors qu’en 2012 elle n’était que de 12 millions avec une forte prévalence pour le cancer du sein. C’est pourquoi l’organisation veut éviter au monde 25% de cette menace.

A partir de 2014, l’OMS va accompagner le ministère haïtien de la Santé publique et de la Population (MSPP) à la mise en place du registre national du cancer, « afin de produire un rapport régulier sur la maladie. A long terme, l’OMS basera son action sur la  surveillance de la maladie et ses facteurs de risque, la prévention, le diagnostic précoce,  le traitement, et les soins palliatifs », annonce le Dr Jean-Marie Rwangabwoba, l’un des représentants de l’organisation en Haïti.

 

14-04-08-Hospital Bernard Mevs, Project Medishare Photo : Nektarios Markogiannis - UN/MINUSTAH

 

De concert avec le Groupe de Support Contre le cancer, une association d’anciens malades, hôpital Bernard Mevs utilise les relais communautaires pour sensibiliser et inciter les femmes à pratiquer l’autopalpation des seins et à se faire consulter par un médecin lorsqu’elles ressentent une masse douloureuse à la poitrine. « Le cancer est désormais une maladie guérissable s’il est diagnostiqué précocement », insiste Dr DeGennaro.

La société Haïtien d’oncologie quant à elle, organise au mois de mai de chaque année une campagne spéciale de dépistage du cancer dans les 10 départements du pays. « Beaucoup de femmes décédées de cancer ne savaient pas de quoi elles souffraient. C’est pourquoi nous invitons au diagnostic précoce dans le cadre de notre 14e campagne annuelle du 19 au 29 mai 2014 », lance Dr Kantal, par le message « Toute femme âgée de 20 ans ou plus doit faire l’autopalpation des seins chaque mois, une semaine après les règles ».

 

Photo : Nektarios Markogiannis - UN/MINUSTAH Photo : Nektarios Markogiannis - UN/MINUSTAH

 

Une masse dans le tissu mammaire…

Le Dr DeGennaro décrit le cancer du sein comme une masse qui croît dans le tissu mammaire de la femme. La taille de cette masse augmente au fur et à mesure que le mal grandit. « A la première phase de son évolution, la tumeur mesure moins d’un centimètre, elle atteint 2 cm à la deuxième phase, et peut mesurer 5 cm et plus en phases 3 et 4.», explique le spécialiste du cancer de l’hôpital Bernard Mevs.  Cette masse peut donc croître et provoque une plaie, qui ronge la poitrine de la malade, avant d’envahir le sang de cellules cancéreuses, entraînant une dégradation voire la mort du patient.

Il y a 200 types de cancer dans le monde. Le cancer du sein,  de l’estomac, des poumons, du col de l’utérus, de l’os… Parmi les facteurs qui contribuent à l’apparition du cancer, figurent le « tabagisme, l’alcoolisme, le surpoids, l’espacement excessif des naissances, les grossesses tardives et d’autre prédispositions génétiques », cite le Dr Jean Ronald Cornelly, promoteur du projet de construction du Centre national de traitement du cancer. Aussi, ce spécialiste conseille à la population d’éviter les comportements à risque tout,  en adoptant une bonne hygiène de vie.

 

Antoine Adoum Goulgué –UN/MINUSTAH

* Le nom Shela est un pseudonyme