Haïti/droits humains : en 2016, l’eau potable encore un luxe

22 mar 2016

Haïti/droits humains : en 2016, l’eau potable encore un luxe

 

Photo: Marie Yolette B. Daniel - UN/MINUSTAH

Photo: Marie Yolette B. Daniel - UN/MINUSTAH

 

 « Nous nous approvisionnons dans la même marre d’eau utilisée pour abreuver les animaux. Pourtant,  pour se procurer cette eau boueuse, il faut se lever à  3 heures du matin chaque jour », raconte Maginaud Sonia, mettant l’accent sur l’affluence qui généralement s’y approvisionne. Âgée d’un demi-siècle, Sonia est la gardienne d’une famille de dix (10) enfants.

Physiquement forte, prototype des femmes rurales de son âge, Sonia habite Savane Paul, une localité de la commune de Thomassique, située à environ 15 minutes de marche du centre-ville. Comme tout être vivant, ce liquide précieux, elle en a besoin pour ses multiples activités domestiques.

« Certaine fois comme aujourd’hui, je n’arrive même pas à remplir un sceau pour débarbouiller mes enfants avant de les envoyer à l’école » confie-t-elle avec une nuance de tristesse dans la voix.

 

 

Photo: Marie Yolette B. Daniel - UN/MINUSTAH

Photo: Marie Yolette B. Daniel - UN/MINUSTAH

 

Sans s’en rendre compte, Sonia vient de se faire la porte-parole de milliers de femmes haïtiennes dont l’un des soucis quotidiens est la chasse à l’eau potable. L’une d’entre elles est Manise Étienne, mère de quatre enfants. « C’est dans les ravins que je puise mon eau même après la pluie », se désole, cette dame qui vit depuis 30 ans dans la localité de Mémé, 2ème section communale de Bassin Magnan, 10 minutes de voiture des Gonaïves.

Et, comme elle, nombreux sont les riverains qui sont obligés d’utiliser ce liquide à la couleur jaunâtre et de qualité douteuse.

 

 

L’accès à l’eau, un droit fondamental peu satisfait en Haïti

Thomassique, dans le département du Centre,  et Bassin Magnan, dans le Haut Artibonite ne sont pas les seules communes d’Haïti dont la population souffre de carence en eau potable. On peut citer par exemple les communes de Thomonde, Cerca-La-Source, Boucan Carré et certains quartiers de Hinche dans le Centre, Anse Rouge, Terre-Neuve et Gros-Morne dans l’Artibonite.  

Pourtant, ces deux régions sont connues pour leur richesse en eau.

 « Notre département n’a pas un problème d’eau mais un problème d’eau potable » reconnait Wilson Jean, résidant aux Gonaïves. « Il y a au contraire, un problème d’infrastructure », selon cet observateur estimant que « même dans les endroits dits secs, on peut trouver une source ».

De son côté, Augustin Illus enseignant et membre du comité de protection de l’enfance de Thomassique, ne cache pas son désappointement quant à son devoir de « sensibiliser les enfants et les jeunes sur les principes fondamentaux d’hygiènes et le danger que représente l’usage de l’eau insalubre », alors qu’à l’instar des autres membres de sa communauté, il est contraint d’utiliser les mêmes sources de fortune.

 

En Haïti l’ONU met son grain de sable

Photo: Marie Yolette B. Daniel - UN/MINUSTAH

Photo: Marie Yolette B. Daniel - UN/MINUSTAH

 

D’après le Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF), en Haïti le taux de couverture nationale en eau potable est de 68%.  Dans les zones urbaines 65% y ont accès alors que ce taux est seulement 48% dans les zones rurales.

En vue d’empêcher que près de 3 millions d’Haïtiens continuent de puiser leur « eau de boisson dans les rivières et/ou dans des sources non protégées », la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti (MINUSTAH) à travers son unité de projet à impact rapide (Qips) a  implémenté entre 2010 et 2016, des centaines de projets de gestion d’eau potable à travers les 10 départements du pays, dont 48 dans les départements du Centre et de l’Artibonite.

Des actions qui ont été réalisées en appui aux efforts du gouvernement d’Haïti visant à renforcer l’accès aux services de bases à la population, en particulier, l’accès à l’eau potable.

Des projets à multiples retombées

Durant cette période, la mission onusienne a donc commandité la construction d’infrastructures d’eau potable dans les 12 communes du département du Centre dont Thomassique, Lascahobas, Mirebalais et Hinche. Des travaux qui résolvent en blocs des problèmes à multiples facettes, en témoigne Maxime Maxilus, habitant de Mirebalais.

 Photo: Logan Abassi - UN/MINUSTAH

Photo: Logan Abassi - UN/MINUSTAH

 

10 des 15 communes du département de l’Artibonite, ont aussi bénéficié d’un ou de plusieurs projets d’adduction d’eau potable. Ces ouvrages sont très souvent combinés à des travaux de conservation de sol et/ ou de protection de l’environnement.

Un total de (USD) 2,123, 039.42 dollars américain ont été employé dans le cadre de ces réalisations. Ces projets changent la qualité de vie de 535,154, personnes sur une population totale de 2, 249,646 habitants dont de 52% de femmes. Ils ont aussi pour effet notamment de mettre fin à des disputes entre les résidents  pour un filet ou une marre d’eau, dépendamment de la saison.

Des chiffres fournis par le responsable de communication de la direction nationale de l’eau potable et de l’assainissement (DINEPA), Roméo Des Cars, dans l’Artibonite, soulignent qu’en 10 ans, la couverture en eau potable des départements du centre et de l’Artibonite est passée de 32% à 62%.

La construction des ouvrages d’eau potable a aussi facilité la création d’emplois temporaire à des centaines d’habitants des zones bénéficiaires. Pour assurer la pérennité des ouvrages réalisés, des membres des communautés ont également reçu une formation en gestion et des notions de base sur les principes d’hygiène afin d’en assurer le suivi.

Selon l’ONU, la pénurie d’eau, le manque d’infrastructures ou la mauvaise qualité de celle-ci ont un impact négatif sur la qualité et le choix de vie des populations, y compris sur leurs chances en matière d’éducation, notamment  pour les familles pauvres à travers le monde. Pour l’organisation internationale, l’idéal serait que « l’eau propre qui est un élément essentiel du monde de rêve dans lequel nous voulons vivre  soit accessible à tous».

Il y a assez d’eau sur la planète pour réaliser ce rêve, reconnait-elle. Cependant, du fait d’économies déficientes ou de mauvaises infrastructures, chaque année des millions de personnes, des enfants pour la plupart, meurent de maladies liées à l’insuffisance et/ou à l’utilisation de l’eau insalubres.

Aussi, en Septembre 2015, les Nations Unies ont adopté un nouveau programme de développement durable adressé autour de 17 objectifs. Cet accord est le résultat d’un travail de concertation des gouvernements, des membres de la société civile et d’autres partenaires de l’ONU à fin de mettre à profit l’élan donné par les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Ce droit est reconnu comme droit fondamental par l´Assemblée générale des Nations Unies depuis 2010 et prioritaire dans l´agenda des Objectifs de Développement Durable (ODD) à l’horizon 2030, et notamment reflété dans l´ODD numéro 6. Objectif visant à  « Garantir l’accès de tous à l’eau et à l’assainissement et assurer une gestion durable des ressources en eau ». Construire un monde meilleur est la grande ambition des initiatives de l’ONU et de ses partenaires d’après 2015.

 

Photo: Marie Yolette B. Daniel - UN/MINUSTAH

Photo: Marie Yolette B. Daniel - UN/MINUSTAH

 

 

Rédaction : Marie Yolette B. DANIEL & Taïna Noster