Haïti/Genre: l’École de la Magistrature donne le ton

Igor Rugwiza - UN/MINUSTAH

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23 nov 2015

Haïti/Genre: l’École de la Magistrature donne le ton

Port-au-Prince, 17 novembre, 2015 – « Décider sur le sort, la liberté, les biens de quelqu’un c’est sacré», estime Rebecca Luc. Pour elle la fonction de Magistrat relève du divin. L’exercer n’est rien de moins qu’un privilège.

Sur un ton de révérence, elle a confié que « devenir Magistrate a toujours été son plus grand rêve ». Pour matérialiser cet idéal, il y a tout un chemin à parcourir, notamment, obtenir son diplôme à l’école de la magistrature (EMA).

Consciente de la faible présence des femmes dans le milieu juridique haïtien, Rebecca n’entend pas lâcher prise. Elle se dit convaincue que les données vont s’améliorer progressivement car, des combattantes comme elles, vont lutter jusqu’au bout pour faire reconnaitre leur égale et légitime compétence.

« Les femmes ont déjà fait leurs preuves, il faut juste que la société s’y fasse et cesse de les voir comme des créatures un peu spéciale qu’il faut soit surprotéger soit éclipser à tout prix», a-t-elle martelé.

Pour rectifier le tir, elle croit qu’il n’existe qu’une seule et unique porte de sortie à savoir la formation à chance égale pour tous. Et, estime-t-elle, avec l’arrivée de la 6ème promotion, la direction de l’École en a donné le ton…

Au sein de ladite promotion Rebecca n’est pas la seule pour qui devenir magistrat constitue un projet de vie. Joseph Raphaël Jacques Alex, Juriste et fils de magistrat est « fier » de suivre les traces de son père qui a été tantôt juge d’instruction au Cap Haïtien (Nord) tantôt Commissaire du Gouvernement à Hinche, dans le Plateau central. Il est d’autre en plus satisfait de faire partie de la promotion historique qui compte 50% de femmes.

Joseph reconnait que la magistrature en Haïti a toujours été masculinisée. Et,  il est temps, selon lui, de rompre avec cette mentalité qui tend à associer le genre à un secteur bien déterminé d’activités. « Sans fausse modestie, j’estime que l’heure a sonné pour que les femmes intègrent comme il se doit le système judiciaire haïtien », a-t-il affirmé. La question d’homme ou de femme, n’a plus de place. « Ce qui compte, c’est la potentialité et la capacité de la personne », a soutenu l’aspirant magistrat.

 

A l’EMA, la question d’égalité de chance ne se pose plus

 1995-2015, deux décennies depuis que la Constitution Haïtienne a créé l’ÉMA, avec la principale mission de contribuer à l’amélioration du fonctionnement du système judiciaire haïtien par la formation des futurs magistrats et d’assurer la formation continue des cadres du système. Pendant vingt ans, cette institution d’enseignement supérieur a favorisé l’émergence d’une kyrielle de fonctionnaires mieux préparés et plus avisés, précise le directeur a.i. de l’institution, Kesner Michel Thermezi.

Cette nouvelle génération d’acteurs prête main-forte à la justice à travers les 5 juridictions du pays. M. Thermezi s’estime heureux de faire partie non seulement des premiers diplômés mais par la suite, du groupe des formateurs de l’École.

« Ma satisfaction va au-delà de ma contribution à la formation d’une centaine de professionnels de la justice », a confié l’homme de loi. Sa plus grande satisfaction c’est d’avoir réussi à lancer une promotion, avec une présence égale de femmes et d’hommes, rappelant que la première promotion de l’EMA ne comptait que 11% de femmes sur une soixantaine de récipiendaires.

Loin de s’améliorer avec le temps, ce pourcentage avait tendance à diminuer.  Or, aujourd’hui, on ne jure que par l’intégration des femmes qui, pendant des siècles, ont été opprimées, victimes de discrimination sexistes. « Des années plus tard, à force de motivation, l’actuelle classe comprend 34 femmes sur les 68 étudiants en formation. Il y a matière à être fier », a-t-il poursuivi avec un grand sourire.

Plus de femmes pour réduire les vides juridiques

L’exclusion, sous quelque forme qu’elle puisse être pratiquée n’a jamais favorisé le développement d’une société. Aussi, tout pays qui veut progresser se doit forcément d’avoir une politique d’inclusion en faveur de tous ses citoyens, en commençant par son système judiciaire. « Ce n’est pas sans raison que le symbole de la justice est une balance », a souligné Kléberson Jean Baptiste, lui aussi de cette dernière promotion.

Une position partagée Me Maguy Florestal, juge à la Cour d’appel de Port au Prince. Elle, aussi, croit que l’intégration de plus de femmes dans la justice haïtienne ne ferait que la rendre plus forte et plus efficace.

Elle se réfère par-là, à certaines facultés qui sont caractéristiques chez les femmes. « La sensibilité naturelle à comprendre, à interpréter et à porter un jugement de manière impartiale sont des avantages que la justice doit exploiter », affirme l’actuelle directrice des études à l’EMA, également l’une des 7 ayant fait partie de la classe 1995-1997 de l’institution.

 

Rédaction : Marie Yolette B. Daniel