Reconstruire le social : une nécessité à Fort national

Photo : Jerome Pierre Richard - UN/MINUSTAH

31 juil 2015

Reconstruire le social : une nécessité à Fort national

« Je dirais que compte tenu du chômage et de la pauvreté affectant la zone, certains jeunes acceptent d’être soudoyés par des hommes politiques ou des proches de candidats », estime David, travaillant comme ouvrier dans un chantier de reconstruction à la rue Estimé, voie principale de Fort National. Quartier défavorisé de la capitale, Fort national est situé au Nord-Ouest du Champs de Mars et du Palais présidentiel. Ce quartier permet de dominer la baie de Port-au-Prince. Aussi appelé haut Bel-Air, ce quartier apparemment paisible en cette matinée du 28 juillet, est habituellement réputé chaud, souvent considéré comme une zone rouge, dans le langage policier. Cette classification est due, notamment, à la présence d’individus armés et au taux élevé de délinquance et de violence communautaire qui généralement le caractérise. Cette situation, de l’avis de Jean Pierre, n’est pas l’œuvre des « fils » de la zone. Ce sexagénaire au profil bien soigné, visage bien rasé, coiffé de béret noir et de lunettes solaires, déplore que la réputation de sa zone, ordinairement calme ait été altérée par les exactions de « gens venus habiter ici et qui ont profité de certaines circonstances telles le séisme de 2010 pour ternir la réputation de notre quartier ». « Personnellement, je crains qu’il y ait une répétition de la violence qui prévalait en 2004, à l’occasion des prochaines législatives et municipales », s’empresse d’ajouter David, jeune homme aux cheveux crépus et au teint foncé. Il a évoqué, à titre de preuve, des tirs d’armes à feu entendus quotidiennement la nuit sans connaitre leur origine. « Et si ces joutes sont gâchées, c’est encore nous autres les plus vulnérables, qui allons payer les pots cassés », ajoute-t-il d’un air inquiet. « Je ne peux pas être aussi catégorique que David. Je dirais, moi, que les actes de banditisme ont grandement diminué depuis les trois dernières années», intervient Walter, père de famille, un tantinet plus jeune que Jean Pierre. Selon lui, cette baisse résulte des activités liées au processus de reconstruction avec le déblayage et nettoyage des sites appelés à recevoir les nouvelles constructions.  

Photo : Jerome Pierre Richard - UN/MINUSTAH Photo : Jerome Pierre Richard - UN/MINUSTAH

 

  Agir sur le social En effet, un projet de gestion des débris a été élaboré et implémenté par le gouvernement haïtien dans l’aire métropolitaine. Supporté par des agences des Nations Unies, il a permis la collecte de plus d’un million de mètres cube de débris de maisons détruites lors du séisme du 12 janvier 2010. Des débris qui ont ensuite été recyclés avant d’être réutilisés dans certains travaux de réhabilitation relatifs au Projet 16/6, (16 quartiers, 6 camps). Le processus de reconstruction permet donc à certains résidents de trouver des emplois temporaires. « Cependant, la situation demeure volatile à cause des frustrations dues au fait que tout le monde ne puisse en bénéficier », soutient Walter assurant la sécurité d’un chantier supervisé par l’UNOPS.  

  Ce besoin d’argent, pour satisfaire des besoins souvent de nécessité de base, pousse aussi de nombreux jeunes à accepter de porter illégalement des armes. Une fois armés et soudoyés, ces derniers se transforment automatiquement en des éléments perturbateurs de la société haïtienne, contribuant à créer de l’insécurité et de la délinquance. « Je vis très mal dans mon quartier (corridor Bastia). On est obligé de côtoyer des gens de mauvaise vie au quotidien. Il y a souvent des prises de gueules, et les gens lancent n’importe quel propos, sans trop se soucier des enfants », raconte Monica, 13 ans, danseuse en herbe, en 8e année fondamentale. Evoquant le fait que « les jeunes artistes ont une responsabilité dans la construction d’une Haïti plus stable, comme messagers de paix et vecteurs de messages civiques de respect et de vivre-ensemble », l’association culturelle « Haïti en scène », supportée par la MINUSTAH de la grande campagne nationale Ann Chwazi Lapè, se propose de réaliser le 1er aout prochain un spectacle pour la paix dans la zone. Une idée bien accueillie par certains jeunes de ce quartier populaire dont Fabienne. À l’instar de ses voisins artistes, Fabienne invite ses camarades à privilégier la recherche de la connaissance. Seule façon, estime-elle, de s’assurer un meilleur futur.  

  A quelques jours des élections parlementaires en Haïti, le spectacle baptisé « Chante Danse Lapè » (Chanter et danser la paix), devrait permettre aux jeunes et à leur communauté de se mobiliser autour de messages positifs tels la non-violence, et pourquoi pas s’engager pour la construction d’une culture de paix, selon Haïti en scène.   Rédaction : Pierre Jérôme Richard  

Photo : Jerome Pierre Richard - UN/MINUSTAH Photo : Jerome Pierre Richard - UN/MINUSTAH

 

 

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