Tous contre le travail des enfants en Haïti

13 juin 2012

Tous contre le travail des enfants en Haïti

La célébration officielle de la Journée mondiale contre le travail des enfants a eu lieu ce mardi 12 juin au Karibe Convention Center à Port-au-Prince. Une journée marquée par l’engagement des participants à « aider Haïti à gagner la bataille pour la dignité de ses enfants et pour un développement durable fondé sur la justice sociale ».

Journée mondiale contre le travail des enfants : Haïti et la communauté internationale se mobilisent pour «un pays digne de ses enfants »


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Photo : Logan Abassi– UN/MINUSTAH

Placée sous le thème « Droits Humains et Justice Sociale : Eliminons le travail des enfants », la cérémonie s’est déroulée en présence du Ministre des Affaires Sociales et du Travail, (MAST), Ronsard St-Cyr, de la conseillère technique principale auprès de l'Organisation Internationale du Travail (OIT), Nancy Robinson, de l'Envoyée spéciale de l'Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et la Culture (UNESCO) pour Haïti, Michaëlle Jean, de la Secrétaire de l´Ambassade brésilienne à Port-au-Prince, Luciana Farnesi, du Président de la Commission des Affaires Sociales du Sénat de la République, Maxime Roumer, de la Directrice de l’Institut du Bien-être Social et de Recherches (IBESR), Arielle Jeanty Villedrouin, et de représentants d’organisations syndicales et patronales.

Selon le Représentant spécial adjoint du Secrétaire général des Nations Unies en Haiti, Coordonnateur résident et Coordonnateur humanitaire, Nigel Fisher, « si nous ne faisons rien (…) pour restaurer la dignité de ces jeunes et leur droit à l’enfance », nous serons « complices de  l’hypothèque » de leur avenir et contribuerons à la « spirale infernale de pauvreté » qui affecte plus de 225,000 enfants en Haïti et 110 millions en Amérique latine. Ainsi a-t-il promis en ouverture de cette Journée le soutien du système des Nations Unies au gouvernement haïtien et à la société civile « en vue d’aider Haïti à gagner la bataille » d’un monde sans travail des enfants à l’horizon 2016, conformément à la feuille de route adoptée lors de la Conférence mondiale sur le travail des enfants tenue le 11 mai 2010 à La Haye. Invitant les jeunes à devenir des « leaders » aptes à façonner leur propre avenir, Nigel Fisher a expliqué qu’« il n’est pas nécessaire d’être plus âgés, plus riches, plus puissants, plus célèbres pour être leaders », à l’instar de Claudel Zaka Chery, venu pour l’occasion témoigner de son expérience personnelle de la domesticité, vécue de l’âge de trois à 11 ans.

Montrer la beauté dans la misère

Dormir sur la plage ou ne manger qu’une fois par jour - seulement à l’école -, était le lot du jeune Claudel qui aujourd’hui se présente comme un artiste peintre de « renommée internationale ». Fuyant « le fouet et les humiliations », il a tourné le dos à la maison de celle qu’il appelait sa « tante », à l’âge de 11 ans, a-t-il raconté aux participants à la cérémonie. Claudel Zaka qui fait du slogan « montrer la beauté dans la misère » son leitmotiv, a souhaité que « tous ceux qui se trouvent dans la salle prennent l’engagement d’aider les enfants, spécialement ceux vivant en domesticité » pour en finir avec le système dit des « Restavek ». Un terme haïtien qui, selon Michaëlle Jean, « dépersonnalise (…) et banalise des situations infiniment graves et deshumanisantes ». Aussi l’Envoyée spéciale de l’UNESCO pour Haïti invite-t-elle chaque Haïtien à considérer « sienne » la lutte contre le travail des enfants. « Il n’y a plus de temps à perdre. Il faut travailler avec un sentiment d’urgence », a insisté la diplomate d’origine haïtienne.

L’expérience du Brésil

Mais cette lutte sera loin d’être gagnée tant que persisteront une « passivité complice, une certaine tolérance » face à ces pratiques dans la société haïtienne, qui fonctionne jusqu’à présent avec des instruments légaux « peut-être trop faibles » ou « très peu utilisés », estime Ronsard St-Cyr. L’occasion pour lui de réitérer la volonté du gouvernement de travailler en vue de « changer l’ordre des choses et répondre aux besoins des plus vulnérables », notamment en mettant en application « des lois et conventions relatives à la protection de l’enfance ». En écho à cet engagement, la représentante de la Chancellerie brésilienne Luciana Farnesi suggère la mise en œuvre d’une politique nationale de « prévention et d’élimination » du travail des enfants en « encourageant l’éducation, la génération de revenus et la protection sociale ». Une politique que le Brésil a déjà testé « avec succès » dans le cadre d’un vaste programme de lutte contre la pauvreté passant par la création, en 2003, d’une « bourse familiale » versée aux parents pauvres qui scolarisent leurs enfants. En effet, selon une étude de l'Institut Brésilien de Recherche Economique Appliquée (IPEA), le nombre d'enfants âgés de 5 à 14 ans contraints de travailler a diminué de plus de moitié entre 1992 et 2008 suite à ces efforts. Une initiative qui, déjà, inspire l’Etat haïtien avec la mise en place récente de programmes de protection sociale pour les plus vulnérables, comme « Aba Grangou » et « Ti Manman Cheri ».

Pierre J. Richard