Transcript de l'interview de la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies en Haïti, Mme Sandra Honoré sur Radyo Boukman

20 aoû 2013

Transcript de l'interview de la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies en Haïti, Mme Sandra Honoré sur Radyo Boukman

RB : Bonjour Mme Honoré. Quel est le but de votre visite à Cité Soleil, un mois après votre prise de fonction en Haïti ?

Mme HONORE : Bonjour à tous les auditeurs de Radio Boukman et de MINUSTAH FM. Je suis arrivée en Haïti, comme vous l’avez dit, il y a un mois. Et le but de ma visite aujourd’hui à Cité Soleil est de voir de près, personnellement : premièrement, de rencontrer les autorités, avec la municipalité, la mairie de Cité Soleil et de voir d’autres autorités. J’ai visité le contingent BRABAT des militaires brésiliens et le commissariat de la Police nationale haïtienne. Evidemment j’ai profité de l’occasion pour voir de près certains projets qui sont réalisés ici à Cité Soleil et à Cité Féquière par la MINUSTAH.

RM : Vous étiez, il y a quelques instants, avec les administrateurs de Cité Soleil, et durant cet entretien quelles sont les priorités identifiées par l’administration de Cité Soleil pour la commune ?

Mme HONORE : En tant que Chef de la MINUSTAH, ils m’ont signalé évidemment la question de la sécurité, la préoccupation avec tout ce qui peut être fait pour encourager les jeunes dans la bonne direction et un plan de sécurité communale qui intéresse les autorités municipales.

RB : Madame dites-nous comment comptez-vous aider la mairie de Cité Soleil à organiser les projets que vous venez de mentionner.

Mme HONORE : Je ne suis pas en mesure en ce moment de dire exactement ce que l’on va faire en réponse aux préoccupations exprimées par l’agent exécutif intérimaire, le principal et l’adjoint. La MINUSTAH travaille depuis fort longtemps évidemment avec la communauté de Cité Soleil dans plusieurs aspects et nous allons continuer à appuyer les efforts de certains groupes et des organisations non gouvernementales. Nous allons également continuer à parler avec la municipalité sur certains projets qui avaient été entrepris dans le passé et analyser avec eux comment collaborer pour l’avenir.

RM : Alors il y a les femmes qui vivent dans des situations très difficiles, quelles seront vos approches pour améliorer ces conditions et accorder beaucoup plus de chances aux citoyennes de Cité Soleil.

Mme HONORE : Parmi les projets que j’ai visités il y a un projet qui rentre dans le cadre de la réduction de la violence communautaire qui s’appelle «  plis espas pou fanm nan site solèy »  avec  l’organisation non gouvernemental APSI qui m’a expliqué qu’ils ont aujourd’hui une journée de consultation gynécologique pour les femmes. Je crois que la santé des femmes est un élément très important. Je vais voir dans quelle mesure nous pouvons continuer à appuyer ce projet et aussi  voir ce que l’on peut faire en ce qui concerne l’appui à tout programme d’éducation auquel les femmes peuvent avoir accès.

J’ai visité le centre pilote de formation professionnelle et je constate qu’il y a beaucoup d’adolescentes et de jeune filles qui sont des étudiantes du centre et je crois que le centre est un modèle pour servir  les intérêts non seulement des femmes mais aussi des jeunes hommes pour assurer une formation professionnelle dans la mesure où les femmes peuvent aussi avoir accès à ce genre de programme  éducatif. Je crois  que ce serait un acquis important.

RB : Face aux conflits qui existent entre les différents quartiers de Cité Soleil, certaines personnes trouvent que la MINUSTAH est passive. Pensez-vous qu’ils ont raison, Madame ? 

Mme HONORE : Le rôle de la MINUSTAH en Haïti est évidement de contribuer à  la sécurité et à la stabilisation dans le pays à travers un certain nombre de programmes et de projet. En ce qui concerne la sécurité, à Cité Soleil aussi, ce que je dirais c’est qu’il faut garder à l’esprit le fait  que tant que la MINUSTAH fournit un appui pour la sécurité, la première ligne d’activité consiste à supporter la Police nationale. La MINUSTAH et la Police des Nations Unies travaillent de concert avec la Police nationale haïtienne. Je viens de visiter le commissariat de police, nous avons constaté qu’il y a eu un certain nombre de progrès importants dans la mise en place de la police haïtienne.  Donc en première ligne, ce sera la Police nationale Haïtienne en ce qui concerne les rivalités et les conflits auxquels vous avez fait référence, en deuxième lieu il y aura l’appui de la Police des Nations Unies et en troisième lieu et en ultime instance, s’il s’avère  nécessaire, vient la contribution du contingent militaire.  Ce n’est pas que la MINUSTAH est passive, la MINUSTAH joue le rôle qu’elle est appelée à jouer en ce qui concerne la sécurité dans la zone de Cité Soleil.

RM : Madame Sandra Honoré, c’est le moment d’aborder d’autres aspects de votre mandat et l’actualité l’oblige. Les débats et discussions en cours se portent sur le processus électoral. Certains observateurs parlent d’impasse, d’autres disent que c’est une crise politique. Mais vous avez une expérience en Haïti en matière électorale puisque vous étiez à la tête d’une mission d’observation électorale de 1995 à 1996. Quelle est votre analyse de la situation actuelle ?

Mme HONORE : Premièrement  laissez-moi corriger quelque chose, je n’étais pas à la tête d’une mission électorale. J’ai servi dans une mission d’observation électorale  au cours de la période que vous avez mentionnée. Il est évident que le terme élections est d’actualité en Haïti en ce moment. Tout le monde est concerné, tout le monde est préoccupé. La MINUSTAH depuis fort longtemps  a lancé plusieurs appels pour l’organisation des élections sénatoriales, municipales et pour les  collectivités territoriales.  Une chose est certaine : le dialogue national sur la question des élections est nécessaire. Les autorités ont entamé ce dialogue et ce que moi j’espère personnellement est que les parties prenantes haïtiennes, les parties intéressées arrivent à un consensus mutuel sur la voie à suivre et la manière dont ces joutes seront organisées.

RB : Dites-nous comment la mission onusienne peut-elle aider le pays à sortir de cette impasse électorale ?

Mme HONORE : La MINUSTAH depuis plusieurs années fournit une assistance en ce qui concerne la question électorale au gouvernement d’Haïti. Nous travaillons et nous avons travaillé de près avec le Conseil Electoral Provisoire et maintenant avec le Collège Transitoire du Conseil Electoral Permanent, avec d’autres partenaires internationaux et d’autres organisations dédiées à la question de l’organisation des élections  pour s’assurer d’une bonne organisation de tous les éléments qui entrent dans la préparation pour avoir de bonnes élections.

RM : Quelles sont les priorités de la MINUSTAH au regard de la situation socio-politique actuelle ?

Mme HONORE : Un des mandats de la MINUSTAH est  la promotion de la bonne gouvernance, la promotion du respect des droits humains, la promotion du respect de la personne en générale.  Le travail de la MINUSTAH en ce qui concerne la situation sociale et politique en Haïti serait de continuer avec la promotion, comme je l’ai dit, de la bonne gouvernance, la promotion du dialogue entre tous les acteurs concernés, avec la société civile, la classe politique, le secteur privé pour travailler de concert, mais aussi pour contribuer au développement  continu du pays.  C’est dans ce sens que la MINUSTAH va continuer à travailler à Port-au-Prince et dans les régions où nous sommes  présents.

RB : Voilà, parlant des droits humains, la situation des droits de l’homme en Haïti est critique, selon les derniers rapports. Dites-nous, quel est votre approche pour promouvoir les droits humains dans le pays ?

Mme HONORE : Je crois qu’il y a certaines règles cardinales en ce qui concerne la promotion des droits humains, nous allons poursuivre le travail que nous faisons avec les institutions nationales qui ont la tache de veiller au respect des droits humains. C’est un travail que nous devons continuer, c’est aussi un travail que nous pouvons renforcer. Nous entendons le poursuivre pendant toute la période de l’existence de la MINUSTAH dans le pays.

RM : Non seulement les droits humains, il y a aussi la situation sécuritaire qui est préoccupante non seulement à Cité Soleil, mais aussi dans les autres zones du pays, c’est l’un des volets importants du mandat de la MINUSTAH, tout le monde le sait, la stabilisation et la paix, quels sont les axes d’intervention de la MINUSTAH dans un proche avenir ?

Mme HONORE : En ce qui concerne la situation sécuritaire, j’ai fait mention de la collaboration de la police des Nations Unies dans la formation des policiers de la PNH. Il y a une promotion, je crois que c’est la 24e, dont la formation académique arrivera bientôt à terme. La Police des Nations Unies est placée également dans certains commissariats, dont celui de Cité Soleil, pour accompagner la Police nationale haïtienne. Comme résultat, les indices de criminalité sont actuellement en baisse. Evidemment il y a toujours du travail à faire, mais on commence à voir déjà du progrès en ce qui concerne la réduction du taux de criminalité. Et nous poursuivons notre travail conjoint avec la police haïtienne pour augmenter l’effectif de la PNH. En ce moment, l’effectif de la PNH atteint le niveau de 10 000 personnes. Avec la poursuite des séances de formation, nous espérons augmenter son effectif jusqu’à 15 000 d’ici à l’an 2016.

RB : Un mois après votre prise de fonction, quelle est votre projection pour le pays ? Etes-vous optimiste ou pessimiste ? 

Mme HONORE : Je suis optimiste. Je pense que tous les Haïtiens ont le désir de voir le pays avancé. Les Haïtiens ont démontré dans plusieurs domaines leur grande capacité. Je suis donc optimiste que cette grande capacité, expertise et intelligence de la population haïtienne contribuera à l’avancement socio-économique du pays.

RM : Sur le plan logistique, dites-nous, comment la MIUSTAH compte-t-elle accompagner les autorités haïtiennes.

Mme HONORE : La MINUSTAH accompagne les autorités haïtiennes de plusieurs façons. J’ai fait allusion à la collaboration entre la Police des Nations Unies, la Police haïtienne, et le ministère de l’Intérieur. Le contingent militaire des Nations Unies fournit un support important pour la stabilisation et la sécurité par son implication dans des campagnes et des patrouilles. Ce contingent fournit également de la collaboration en réalisant des travaux d’ingénierie. En ce qui concerne la justice, nous travaillons de concert avec le ministère de la Justice, de l’Education nationale, de la Santé publique et de la population, pour ne citer que ceux-là.  Nous accompagnons les autorités haïtiennes. Nous tenons des rencontres régulières avec le Président Martelly, le Premier ministre qui est le chef de gouvernement. Il existe un groupe de travail conjoint entre la MINUSTAH et le gouvernement. Maintenant que la MINUSTAH est à une phase de consolidation de sa présence en Haïti, nous travaillons avec les autorités haïtiennes pour nous assurer du bon déroulement de ce travail de consolidation et pour nous assurer que tout ce que nous sommes en train de faire est appuyé par les autorités haïtiennes.

RB : Alors Mme Honoré, pensez-vous qu’il y a lieu de s’inquiéter suite à l’alerte émise par le gouvernement américain ?

Mme HONORE : Je ne pense pas que c’est à moi de me prononcer sur un avis émis par le département d’Etat sur une question qui relève de l’autorité américaine. Je ne me préoccupe pas à propos de cet avis parce que je crois que les personnes auxquelles le message est destiné sauront quelle décision adoptée. La MINUSTAH est en Haïti pour faire un travail qui a été décidé par le Conseil de sécurité des Nations Unies et nous continuerons  à apporter notre appui aux efforts du gouvernement haïtien.

RM : Lors de votre prise de fonction, vous avez parlé du retrait progressif de la MINUSTAH et beaucoup d’haïtiens en parlent aussi, qu’est ce qui va déterminer le départ de la MINUSTAH ? Quels sont les signes qui indiqueront que la MINUSTAH va partir ?

Mme HONORE : Je crois que la résolution actuelle qui fixe le cadre des opérations et du travail de la MINUSTAH est déjà claire en ce qui concerne la réduction de l’effectif de la MINUSTAH. Evidemment ce retrait progressif fait partie de la phase de consolidation à laquelle j’ai fait référence. Les principaux signes du retrait seront basés sur certains indicateurs. J’ai fait tantôt mention d’un progrès certain constaté au niveau de la Police nationale haïtienne. En tenant compte des indicateurs en relation avec le mandat accordé à la MINUSTAH, les résultats pourraient servir d’indice de l’avancement du processus de consolidation et pourraient déterminer la nature de la réduction progressive de la MINUSTAH.

RB : Pouvez-vous nous dire quelques mots en Créole ?

Mme HONORE : Avan nou fini ti koze sa a, m ap di tout oditè radio Boukman ak MINUSTAH FM yon gwo mèsi pou atansyon yo. Se men nan men tout ayisyen kapab bati peyi a. Gen prensip konbit an ayiti, mwen ta espere ke tout moun ap travay nan gran konbit pou pwogrè ak devlopman peyi sa a. MINUSTAH ak tout ajans nasyonzini epi lot manm kominote entenasyonal la ap travay avèk nou pou yon avni miyò nan peyi dayiti.

RB : Pour clore cette émission spéciale, nous avons avec nous le premier citoyen de la commune de Cité Soleil,  Jean Reynold Philippe. Monsieur le maire comment avez-vous accueilli cette visite ?

Maire Jean Raynold Philippe : Je suis vraiment enthousiaste de la décision de Mme Honoré de nous rendre visite. Je profite de l’occasion pour remercier au nom de la mairie et de la population de Cité Soleil Mme Honoré d’avoir rendu cette visite à la commune. Je remercie également M. Pedro, Mme Loredana, la RVC, les affaires civiles, et les journalistes de MINUSTAH FM et de Radio Boukman. Je voudrais dire à Mme Honoré que la mairie compte sur elle pour poursuivre des projets dans la commune. Car, elle en a grandement besoin.

RB : Mme Honoré, le mot de la fin…

Mme HONORE : Je voudrais remercier M Jean Reynold Philippe pour ses propos encourageants en ce qui concerne le travail de la MINUSTAH au sein de la communauté de Cité Soleil. Comme je lui ai dit, nous allons continuer à appuyer la communauté dans la mesure du possible dans le cadre des projets RVC et QIPS tout en espérant que ces projets peuvent aider au développement continu, notamment des jeunes de Cité Soleil, et nous souhaitons beaucoup de courage et du succès à la commission communale de Cité Soleil.