« Femmes à aimer » : L’artiste haïtien Belo offre un concert à 300 détenues

16 fév 2013

« Femmes à aimer » : L’artiste haïtien Belo offre un concert à 300 détenues

A l’occasion de la Saint Valentin, célébrée le 14 février, l’artiste haïtien Jean Belony Murat alias ‘Belo’ a chanté à la prison civile de femmes de Petionville à Port-au-Prince, afin d’offrir aux 300 détenues amour et espoir.


« Femmes à aimer » : L’artiste haïtien Belo offre un concert à 300 détenues


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Photo : Igor Rugwiza – UN/MINUSTAH

« D’habitude la Saint Valentin c’est une journée comme une autre pour nous en prison. C’est incroyable qu’il soit venu chanter pour nous ! », s’exclame Barbie*, maquillée et vêtue d’un haut fleuri laissant à découvert des épaules athlétiques.

Le temps d’une matinée, la cour commune de l’unique prison de femmes d’Haïti s’est transformée en salle de concert, décorée de fleurs et ballons roses siglés ‘I love you’. Dans une ambiance familiale mais survoltée, les 289 détenues ont chanté, dansé et sauté, hilares, au rythme des kompas, ballades et merengues de l’artiste haïtien Belo, à l’initiative de ce deuxième concert intitulé ‘Femmes à aimer’.

« Nous sommes des êtres humains avant tout et nous avons toujours notre place dans la société, même derrière les barreaux », explique Barbie, déterminée. « Avec ce concert, c’est comme si [Belo] ouvrait les portes de la prison pour y faire entrer, l’espace d’un jour, l’ambiance de la rue, une ambiance que l’on n’a pas ici ».

Comme la quasi-totalité des 289 détenues de la prison de femmes de la capitale haïtienne, construite à l’origine pour accueillir 50 détenues, Barbie, 29 ans, attend depuis plus de deux ans de passer devant un juge pour être fixée sur son sort.

Une situation qui a poussé l’artiste, connu pour son humilité et son engagement en faveur des femmes, à organiser, deux années de suite, ce concert atypique au cours duquel il a aussi distribué des dons récoltés auprès de ses amis et de ses fans.

« Ça m’est égal de savoir pourquoi elles sont ici mais il est important qu’elles soient jugées », explique calmement l’artiste, sa guitare emblématique en bandoulière. Belo promet de « continuer le combat pour la réforme du système judiciaire afin d’en finir avec des pratiques qui font que les détenus passent des années en prison pour un délit qui leur vaudrait, s’ils étaient jugés, trois mois d’emprisonnement ».

En Haïti, 80% des personnes incarcérées ne sont pas jugées. Et dans la capitale, le taux de détention préventive prolongée passe à 90%, une situation qui mine le secteur judiciaire haïtien, avec des prisons surpeuplées et des détenus en situation d’abandon.

L’Inspecteur Marie-Yolaine Mathieu, responsable de la prison civile de Pétionville, connaît bien celles qu’elle appelle « ses chères détenues ». « Ce sont des mères, des enfants, des épouses qui ont besoin de partager et de vivre cet amour avec leurs enfants, leurs familles qu’elles ont laissées, pour certaines d’entre elles, depuis plus de 7 ans ».

« Les prisonnières sont des gens comme les autres »

Quand Belo entame une chanson intitulée ‘Les prisonnières sont des gens comme les autres’, des centaines de femmes reprennent en cœur le refrain, les mains levées, comme transfixées. Dans un coin de la cour en bas de la scène, la Directrice de la prison, vêtue de son uniforme bleu de la Police Nationale d’Haïti, disparaît au milieu d’un groupe de détenues qui l’étreignent dans une danse endiablée.

Le temps de quelques heures, la prison n’est plus un lieu de détention mais plutôt un lieu de joie et de partage. Des prisonnières ont interprété des chansons, que l’artiste a chantées avec elles. Au premier rang, la Ministre chargée des droits humains et de la lutte contre la pauvreté extrême, se retient de se lever pour rejoindre la danse.

« Ce n’est pas parce que nous sommes privées de liberté qu’on ne peut pas continuer à aimer et recevoir l’amour. L’amour c’est un droit », sourit Marie Carmelle Rose Anne Auguste.

A l’initiative de Belo qui jouait gracieusement avec ses 8 musiciens pour l’occasion, le concert a reçu le soutien du Comite International de la Croix-Rouge (CICR) pour la distribution de kits d’hygiène aux détenues et de la Section de la Réduction de la Violence Communautaire (RVC) de la MINUSTAH qui a financé la location du matériel sonore. L’artiste Belo a aussi offert un repas chaud aux 289 détenues à l’issue du concert.

Sophie Boudre

*nom d'emprunt