« Haïti dans mon cœur » : Après 20 mois de mandat, le Chef de la MINUSTAH se confie avant de quitter le pays

31 jan 2013

« Haïti dans mon cœur » : Après 20 mois de mandat, le Chef de la MINUSTAH se confie avant de quitter le pays

A l’occasion de la fin de son mandat à la tête de la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti (MINUSTAH) le 31 janvier 2013, Mariano Fernández Amunátegui fait le point sur ses 20 mois d’exercice dans le pays. 20 mois d’un dialogue politique constant avec les autorités haïtiennes dans la recherche de la stabilisation et de plus d’état de droit, mais aussi 20 mois d’un « apprentissage marquant » au contact d’un peuple dont le diplomate chilien s’estime marqué par sa dignité intrinsèque. Dans sa dernière interview en tant que Chef de la MINUSTAH, Mariano Fernández Amunátegui parle des défis de son mandat mais aussi d’art et de photo, et se dit optimiste quant à l’avenir d’Haïti. Il répond aux questions de Alban Mendes de Léon, de MINUSTAH TV.

Photo : UN/MINUSTAH

MINUSTAH TV : Vous revenez de votre dernière mission au siège à NY en tant que représentant spécial du SG en Haïti, quels sont les dossiers prioritaires pour la mission ?

 

Mariano Fernández Amunátegui : La priorité des Nations Unies est d’aider au renforcement des institutions sécuritaires et de soutenir l’état de droit pour pouvoir quitter le pays aussi tôt que possible. Si, en tenant compte des réalités du terrain, nous avons 16.000 policiers et si la situation de l’état de droit continue de s’améliorer, alors la MINUSTAH sera prête à partir et les Nations Unies pourront repenser quel type de mission poursuivre en Haïti.

 

20 mois après avoir pris fonction à la tête de la MINUSTAH, pouvez-vous affirmer « mission accomplie » ?

 

La MINUSTAH, en son ensemble, a fait beaucoup pendant les 20 mois que j’étais ici, notamment en matière d’état de droit. Certes cela n’est pas de notre ressort direct mais nous avons soutenu et contribué aux décisions du Gouvernement de mettre à jour la Cour de Cassation, publier la Constitution amendée ou établir le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire. Nous travaillons aussi dans le domaine des droits de l’homme, des prisons et de la détention illégale. Il y a eu des progrès du point de vue du dialogue politique. Mais dire ‘mission accomplie’ serait un peu arrogant. J’ai essayé de faire mon devoir du mieux possible.

Au cours de votre mandat, quel a été votre défi le plus difficile à surmonter ?

 

Le défi le plus difficile est que les Haïtiens parviennent à un accord politique pour avoir une démocratie beaucoup plus stable. Les élections sont retardées depuis 14 mois, et, à l’heure où je quitte le pays, il n’y a toujours pas de Conseil électoral. L’élite haïtienne politique, économique et sociale doit se mettre d’accord pour faire avancer le pays dans une direction qui n’est pas si difficile à trouver car le pays a un grand potentiel. Pour moi, en tant qu’étranger, l’autorité électorale est plutôt technique que politique, alors qu’ici sa mise en place suscite des tensions politiques.

 

Nous venons de voir venir une vingtaine de touristes venus du Canada en voyage organisé. Ce sont les premiers depuis plusieurs années. Est-ce un bon signe ? Comment voyez-vous l’avenir économique et social dans ce pays ?

 

C’est un bon signe. Je crois que le tourisme est une option forte pour Haïti. Mais il faut beaucoup travailler afin de permettre un développement touristique propre, par le nettoyage des plages, l’amélioration de l’offre hôtelière, des aéroports, des routes… La MINUSTAH a fait de petites contributions dans ce domaine comme par exemple la restauration des façades historiques de la rue 19 au Cap Haïtien.

 

On vous voit souvent prendre des photos lors de vos déplacements sur le terrain. Avez-vous une relation particulière avec Haïti ?

 

J’aime beaucoup la photographie et Haïti suscite chez moi la passion et fut un grand apprentissage. Je suis impressionné par la dignité de l’Haïtien de la rue et j’apprécie l’art et l’artisanat haïtiens que je trouve uniques, originaux. Ceux-ci devraient être encore plus encouragés dans les secteurs privés comme publics car ils suivent leur propre école. Haïti a une élite très cultivée et sophistiquée au potentiel énorme. Le paysage haïtien est aussi d’une grande beauté. Alors il y a beaucoup de raisons de photographier Haïti, ses paysages et ses gens, pour la beauté générale qui transparait du pays, et je garderai toujours Haïti dans mon cœur.

Vous quittez le pays en tant que représentant des Nations Unies. Quelle impression en gardez-vous ? Aurez-vous envie de revenir ?

 

Oui, j’aimerai beaucoup revenir ici comme touriste! En tant que Représentant spécial du Secrétaire général, j’ai parcouru le pays mais de façon restrictive, encerclé par un dispositif de sécurité que je ne peux refuser. Mais j’aimerais un jour voyager dans le pays de façon beaucoup plus libre.

 

Comment voyez-vous le futur d’Haïti ?

 

Je suis optimiste quant au futur d’Haïti. Qu’Haïti gère sa propre sécurité pour parvenir à un développement économique et social important. La paix et la sécurité sans développement sont impossibles. Les deux doivent être menés de manière parallèle. Je souhaite à Haïti tout le succès qu’elle mérite et je souhaite que les Nations Unies puissent quitter le pays en temps voulu pour qu’Haïti se développe de manière complètement souveraine.

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