Cap sur la frontière bleue

5 juil 2013

Cap sur la frontière bleue

Dans le Sud d’Haïti, l’Initiative Côte Sud permet aux pêcheurs d’augmenter la qualité de leurs prises tout en préservant les fonds marins. 

« Ce projet est tombé à un moment où beaucoup de pêcheurs des Anglais ne pouvaient payer la réparation de leurs canots qui étaient en piteux état. Un canot se répare au moins chaque six mois, tandis que plus de trois ans avaient déjà passé quand nous avons été sollicités », explique Soliman Thomas de l’Association des pêcheurs des Anglais (APZ).

Comme Soliman, 200 pêcheurs de la zone côtière du Sud ont bénéficié d’un projet de rénovation de canots et de formation sur les techniques de pêche organisées par l’Initiative Côte Sud (CSI), d’août 2011 à novembre 2012. Au total, 60 canots ont été réhabilités, 24 artisans formés et 37 emplois créés.

Myrline Mathieu Lucien - UN /MINUSTAH Myrline Mathieu Lucien - UN /MINUSTAH

Selon une étude menée par The Nature Conservancy (TNC) pour le compte de CSI en mars 2011, sur un total de 500 pêcheurs environ, 51% possèdent des pirogues, communément appelées ‘bois fouillés’, et 27% possèdent des canots à voile, pour la plus part en mauvais état. Seulement 2% des pêcheurs disposent d’une embarcation à moteur.

Quoique marginal en Haïti, entouré de plus de 1770 km de côtes, le secteur de la pêche constitue une source indispensable de protéines et de revenus pour de nombreuses communautés côtières, estime le ministère de l’Agriculture, dont dépend ce secteur.

« Je n’ai pas d’autre profession, c’est avec le maigre revenu tiré de la pêche que je prends soin de ma famille et envoie mes enfants à l’école », explique Syto Samedi, de l’Association des pêcheurs de Torbeck (APT).

Parallèlement, alors que le secteur rapporte peu, il peut aussi contribuer à la destruction de l’environnement marin. Une autre étude réalisée par The Nature Conservancy a en effet recensé 12 classes d’habitats subaquatiques et 7 zones de protection marines d’Aquin à Saint-Jean du Sud.

« En combinaison des pratiques de pêche intensive et l'épuisement d’herbivores importants, les récifs sont stressés à des niveaux auxquels ils ne sont pas habitués, à cause des impacts du changement climatique », peut-on lire dans le rapport d’étude de 2011. Pire, l’étude montre que la côte Sud a perdu un total de 140 hectares de mangroves en 10 ans, de 1990 à 2000.

Des dispositifs de concentration de poissons

Afin de freiner la pêche abusive tout en préservant les revenus des pêcheurs, des dispositifs temporaires de concentration de poissons ont été installés à Port-Salut, Saint Jean du sud, Torbeck, Saint Louis du Sud, Aquin et Ile à Vache. Pendant deux mois, ces sortes de bouées immergées attirent les gros poissons pélagiques à un endroit précis au large. Les pêcheurs se concentrent ainsi sur ces sites au lieu d’attraper des petits poissons en pleine croissance.

Déjà utilisés avec succès en 1990 dans la Grand-Anse et le Sud, ils sont installés par les pêcheurs eux-mêmes. Au total, 24 artisans et pêcheurs de ces 6 communes ont été formés aux techniques de pêche et à l’installation du dispositif.

 « Les pêcheurs ont acquis de nouvelles techniques et rapportent maintenant de gros poissons, dont des daurades, des bonites, du thon et des marlins que nous revendons à des restaurants et des poissonneries », explique, satisfaite, Vanie Voltaire, porte-parole de l’Association des pêcheurs de pointe Abacou (APAB) à Saint-Jean du Sud.

Selon les experts, les eaux de la côte Sud, riches en éléments nutritifs apportés par des courants en provenance de Cuba, peuvent se repeupler rapidement grâce à une bonne gestion de la pêche.

L’Initiative Côte Sud vise au développement durable, à terme, du Sud d'Haïti. Programmé sur 20 ans, il est mis en œuvre par le ministère de la Planification et de la Coopération externe (MPCE) avec d’autres ministères, en coordination avec le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) et le Bureau des Nations Unies d’appui aux projets (UNOPS).

Myrline Mathieu Lucien