Comment vaincre l’insécurité alimentaire en Haïti ?

22 oct 2013

Comment vaincre l’insécurité alimentaire en Haïti ?

Le nombre de personnes touchées par l’insécurité alimentaire en Haïti a baissé, selon un rapport publié par la Coordination nationale de la sécurité alimentaire (CNSA), à l'occasion de la Journée mondiale de l'alimentation célébrée le 16 octobre dernier. Une tendance qui devrait se maintenir si le climat reste stable.

La situation alimentaire devrait être « relativement stable » au cours des prochains mois, s’il n’y a aucun choc lié à la saison cyclonique, révèle le dernier rapport de la Coordination nationale de la sécurité alimentaire (CNSA) sur l'Evaluation nationale de la sécurité alimentaire (ENSA), publié le 16 octobre, à l’occasion de la Journée mondiale de l’alimentation.

Selon cette étude, 3 millions d’Haïtiens sont actuellement en situation d’insécurité alimentaire. Au deuxième semestre de l’année 2012, après les chocs des ouragans Isaac et Sandy, elles étaient 6,7 millions. Les cas d’insécurité alimentaire élevée ont aussi baissé en 2013, passant  1,5 million à 600 000 personnes.

International day of food

La prévalence de l'insécurité alimentaire sévère et modérée a donc atteint des niveaux similaires à la mi-2012, période ayant précédé les ouragans, souligne l’instance gouvernementale. Selon l’agronome Pierre Garry Mathieu, le coordonnateur de la CNSA, ces résultats sont obtenus grâce aux « bonnes » récoltes de maïs, haricots, banane, manioc et d’igname liées à la campagne agricole du printemps 2013, à l’assistance humanitaire et à l’appui au développement communautaire par le gouvernement et ses partenaires tant locaux qu’internationaux.

Soutenir les plus vulnérables

« Au marché, on trouve un peu de tout,  mais on ne peut pas acheter parce qu’on n’a pas d’argent », se désole Venièse. Près de quatre ans après le séisme dévastateur du 12 janvier 2010, cette mère de trois enfants habite dans une tente en lambeaux dans le camp Michico, dans le quartier populaire de Cité Soleil.

Cette femme de 26 ans dont le conjoint est sans travail, dit vivre au jour le jour, tout comme les 160,000 sinistrés du séisme vivant toujours dans les camps de déplacés. C’est aussi le cas de certains paysans décrits par le CNSA comme sans jardins, sans bétail, sans activité génératrice de revenus : les plus vulnérables, donc les plus touchées par l'insécurité alimentaire sévère.

Et, pour leur venir en aide, le gouvernement appuyé par des partenaires, a mis en œuvre plusieurs programmes. Parmi eux, « Aba Grangou » ‘A bas la faim’ en Français) et « Kore plantè », (‘Assistance aux planteurs et pêcheurs’), rappelle, Klaus Eberwein, le directeur du Fonds d'Assistance Economique et Sociale, (FAES).

Dans le cadre de ces efforts, le Programme alimentaire mondial (PAM), soutient plusieurs projets et programmes dont le « Supplementary Feeding Programme » qui fournit des repas chauds aux élèves, femmes enceintes et allaitantes, ainsi qu’aux enfants de moins de 5 ans.

De concert avec l'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO), le PAM finance aussi des projets en vue d’améliorer  la production  agricole et d’offrir des emplois temporaires par  la conservation des sols, le curage de ravines et des canaux d’irrigation ou la formation des paysans en technique de réhabilitation de terrain. Ce genre de projets est mis en œuvre à Marigot (Sud-est) et à Jean Rabel, dans le Nord-ouest, comme l’indique  Janne Suvanto, le directeur adjoint du PAM.

Et, ce que ces gens gagnent en monnaie « peut aider à acheter la nourriture, qui parfois est disponible », renforce Georg-Friedwich Heywell, directeur de cette agence en Haïti.

Aussi, des projets de sécurité alimentaire et nutritive, financés par l’Union européenne, ont été mis en œuvre par la FAO, par exemple fin avril dernier dans le Nord-Est.

Agir sur le structurel

Pratiquement autosuffisant en 1980, Haïti importait en 2010 80% de son riz et 60% de ses denrées alimentaires présentes dans le pays venaient de l’étranger, note une enquête du FIDA (Fonds international de développement agricole) datée de Juin 2010.

Pour remonter la pente, le président du Sénat haïtien, Simon Dieuseul Desras, recommande la mise en place de « politiques publiques qui s'attaquent aux causes structurelles » affectant le secteur, et d’apporter des réponses « efficaces, adaptées et durables ».

D’ailleurs, soutient-il, une proposition de loi sur la souveraineté alimentaire du pays est à l’étude au Parlement.

Du côté du gouvernement, un « Programme Triennal de Relance Agricole » (PTRA) (2013-2016) a été élaboré par le ministère de l’Agriculture, des ressources naturelles et du développement rural (MARNDR), pour permettre au pays d’améliorer sa sécurité alimentaire et augmenter sa croissance économique.

Un plan qui devrait permettre entre autres, de développer des filières et des infrastructures participant à la réduction de 25% des importations de produits alimentaires.

Se félicitant du « micro climat exceptionnel qu’offre le pays permettant de produire toute l’année », le secrétaire d’État à la relance agricole, Vernet Joseph, estime qu’ « il y a une véritable nécessité d’investir » pour permettre au pays de profiter pleinement des «  richesses et potentialités » de son agriculture.

Un secteur qui, au cours des vingt dernières années a souffert d’un  manque d’investissement. « L'Etat avait en réalité abandonné les agriculteurs », avait déploré en juin dernier le Premier ministre, Laurent Salvador Lamothe, participant à des assises sur la sécurité alimentaire tenues à Port-au-Prince.

Cependant, dans un pays comme Haïti, où sévit la pauvreté et à la merci des cyclones, une « combinaison » entre l’humanitaire et les programmes structurels est nécessaire, conclu le chef de la CNSA.

Pierre Jérôme Richard