Communiqué de presse : Deuxième visite de l’Expert indépendant sur la situation des droits de l’Homme en Haïti, M. Gustavo Gallón

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22 juil 2014

Communiqué de presse : Deuxième visite de l’Expert indépendant sur la situation des droits de l’Homme en Haïti, M. Gustavo Gallón

Port-au-Prince, le 22 juillet 2014 - Du 15 au 22 juillet, l’Expert indépendant sur la situation des droits de l’Homme en Haïti, M. Gustavo Gallón a effectué sa deuxième visite officielle au pays depuis sa nomination en août 2013. Plus précisément, M. Gallón a fait le suivi des avancées réalisées quant aux cinq axes prioritaires mentionnés dans son rapport au Conseil des droits de l’Homme en 2014.

Le premier de ces axes se réfère aux droits sociaux, économiques et culturels, dont la réalisation est très précaire dans le pays, dû au niveau aigu d’inégalité sociale qui caractérise la société haïtienne. Pour transformer substantiellement cette inégalité, un facteur clé, parmi d’autres, est l’assurance du droit à l’éducation de qualité pour tous et l’éradication de l’analphabétisme dans un délai raisonnablement court.

Un deuxième aspect qui mérite un traitement de choc, c’est l’abolition de la pratique de la détention préventive prolongée et les conditions de détention. « Il est urgent de prendre de mesures au niveau national […] Ces lieux de détention sont actuellement surpeuplées à l’extrême et constituent un traitement inhumain, cruel et dégradant » a dit l’Expert indépendant.

Un troisième aspect pour lequel M. Gallón a demandé un traitement de choc est celui de la confusion autour des règles relatives aux élections. « Cela fait partie de la faiblesse de l’État de droit, qui doit être traitée substantiellement en Haïti pour surmonter l’incertitude que subissent les citoyens sur plusieurs domaines concernant leurs droits fondamentaux », a-t-il dit.

Un quatrième aspect inquiétant est celui de l’impunité qui est encore plus accentuée en ce qui concerne les graves violations des droits humains du passé, pour lesquelles il faut prendre des mesures urgentes afin de s’assurer le droit à la vérité, à la justice et la réparation, aux nombreuses victimes. En particulier, l’Expert indépendant a fait référence à l’affaire Duvalier, pour laquelle il a demandé que le juge responsable du complément d’instruction, bénéficie des garanties d’indépendance, des mesures de sécurité renforcées et des ressources supplémentaires pour mener à bien ce dossier emblématique.

Le cinquième aspect souligné par l’Expert indépendant concerne les graves violations des droits humains provoquées par d’autres facteurs ou acteurs, tels que le déplacement forcé à cause de catastrophes naturelles et l’apatridie. M. Gallón note le progrès indéniable dans la réduction de personnes vivant dans les camps, tout en insistant sur l’importance d’assurer des solutions durables pour les personnes déplacées. Pour l’apatridie, l’Expert indépendant suit avec attention le déroulement du dialogue entre les autorités haïtiennes et dominicaines.

Quant au choléra, l’Expert indépendant exprime son appréciation pour la récente visite du Secrétaire-général des Nations Unies. De plus, M. Gallón réitère sa recommandation de créer une commission de réparation pour les victimes du choléra.

L’Expert indépendant salue les avancées réalisées quant à la ratification de traités internationaux des droits de l’Homme, l’adoption et la promulgation de plusieurs lois ; la soumission du rapport mi- parcours sur l’Examen périodique universel ; le lancement du Plan d’action triennal pour l’accélération de la réduction de la pauvreté ; la préparation du Plan national des droits de l’Homme.

M. Gallón attire l’attention sur l’importance de la révision d’Haïti par le Comité des droits de l’Homme en octobre : « Il s’agit d’un rendez-vous très important étant donné que le rapport aurait dû être soumis en 1996 […] et sera une évaluation de la situation au cours de ces 18 dernières années » Il invite les acteurs concernés à suivre les débats et à diffuser les recommandations du Comité.

Durant sa visite, M. Gallón a rencontré des autorités étatiques, l’Office de la protection du citoyen, des membres du corps diplomatique, de la société civile et du Système des Nations Unies, des journalistes et des membres de différents partis politiques. Il a aussi participé à un séminaire sur les droits économiques, sociaux et culturels organisé par la Ministre déléguée chargée des droits de l’Homme et de la lutte contre la pauvreté extrême avec la participation le Comité interministériel des droits de la personne. Par ailleurs il s’est rendu dans le département du Sud et a visité le camp pour déplacés internes, Carradeux, à Port-au-Prince.

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Le Conseil des droits de l’homme a nommé M. Gustavo Gallón comme Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme en Haïti en juin 2013. M. Gallón a plus de 30 ans d'expérience en tant que défenseur des droits de l'homme et professeur universitaire en droit public et droits humains. Il a été le Représentant spécial de la Commission des droits de l'homme des Nations unies pour la Guinée équatoriale  (1999-2002). Il est actuellement le Directeur de la Commission colombienne des juristes depuis sa création en 1988. M. Gallón est indépendant de tout gouvernement et effectue son mandat en sa seule capacité individuelle. Pour en savoir plus : http://www2.ohchr.org/french/countries/ht/mandate/index.htm 
 
Pour davantage d’informations et pour toute demande de presse, veuillez contacter :
A Genève (avant la visite): Santiago Martinez de Orense (+41 22 928 93 52  smartinez-orense@ohchr.org)
A Port Prince (pendant la visite): Sophie Boutaud de la Combe (+ (509) 2229-6700 (ext 2691) /  boutauddelacombes@un.org)

 

CONFERENCE DE PRESSE DES NATIONS UNIES

Mardi 22 juillet 2014

 

Note de la Conférence de presse de  l’Expert indépendant des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme en Haïti, M. Gustavo  Gallón

 

INTERVENTION DU PORTE-PAROLE ADJOINT DE LA MISSION DES NATIONS UNIES POUR LA STABILISATION EN HAITI,  MONSIEUR VICKY DELORE NDJEUGA.

 

Bonjou tout moun. Bonjour Mesdames, mesdemoiselles et messieurs. Bonjour également à tous les auditeurs de MINUSTAH FM qui nous écoutent en ce moment. Je suis Vicky Delore Ndjeuga, porte-parole adjoint de la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti. Bienvenue une fois de plus à la conférence de presse de l’Expert indépendant des Nations Unies sur la situation des droits de l’Homme en Haïti. Toutes nos excuses pour le léger retard enregistré. M. Gustavo  Gallón au terme de sa visite de sept jours dans le pays va vous faire une déclaration et ensuite répondre à vos questions. Merci d’éteindre vos téléphones et de vous présenter avant de poser vos questions le moment venu. Merci. M. Gustavo  Gallón.

 

 

INTERVENTION DE L’EXPERT INDEPENDANT DES NATIONS UNIES SUR LA SITUATION DES DROITS DE L’HOMME EN HAITI, M. GUSTAVO GALLÓN.

Mesdames et messieurs bonjour. Permettez-moi de vous présenter un bref rapport de la deuxième visite que j’ai faite en Haïti comme Expert indépendant du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme en Haïti, entre le 15 et le 22 juillet 2014. Lors de cette visite, en plus des autorités du pays, je me suis rendu à Aquin et Les Cayes dans le département du Sud, et j’ai également participé à un atelier sur les droits économiques et sociaux, lequel a été organisé par la Ministre déléguée aux Droits de l’homme et à La lutte contre la pauvreté extrême.

Suite à ma nomination comme Expert indépendant l’année dernière, j’ai effectué ma première visite au pays en octobre 2013 et j’ai présenté un premier rapport au Conseil des droits de l’homme au mois de mars de cette année. Dans ce rapport,  j’ai souligné cinq aspects  particulièrement  importants dans la crise des droits humains en Haïti qui méritent une attention spéciale,  à travers des mesures urgentes visant à corriger, dans un délai raisonnablement court. Certaines situations  trainent depuis de nombreuses années et qui doivent être éradiquées de façon diligente ; car elles constituent un degré extrême et inacceptable de violations des droits humains. De surcroît, elles jouent, de façon structurelle, un rôle négatif pour la jouissance des droits humains de la population haïtienne dans  son ensemble, rôle négatif qui doit être désactivé définitivement. J’ai focalisé cette visite, que je viens d’achever, sur l’observation de l’avancement de ces cinq aspects.

Le premier de ces aspects se réfère aux droits sociaux, économiques et culturels, dont la réalisation est très précaire dans le pays, due au niveau aigu d’inégalité sociale qui caractérise la société haïtienne. Pour transformer substantiellement cette inégalité, un facteur-clé, parmi d’autres, est l’assurance du droit à l’éducation de qualité pour toutes les personnes, sans exception. Ce qui implique tout d’abord de concentrer tous les efforts disponibles sur l’éradication de l’analphabétisme dans un délai raisonnablement court. Pendant ma présente visite, les autorités responsables de l’alphabétisation dans le pays ont raconté à l’Expert indépendant qu’il y a une campagne en cours d’exécution pour alphabétiser 450.000 personnes sur une période de deux ans. Ces mêmes autorités m’ont informé que la population analphabète en Haïti est constituée de trois millions et demi de personnes environ. Cette campagne d’alphabétisation est faite en langue créole et ne tient pas en considération l’autre langue officielle du pays, le français. Sans négliger l’importance de la campagne en cours, il faut noter que, à ce rythme, et sans tenir compte de la croissance de la population dans l’avenir, l’éradication de l’analphabétisme prendrait au minimum 15 ans, au bout desquels la population alphabétisée continuerait à être analphabète en Français. Pourtant le Français est la langue utilisée pour les démarches formelles, aussi bien administratives que judiciaires et d’autres. Il faut le connaitre pour assurer la réalisation des droits des citoyennes et citoyens en Haïti. Un traitement de choc pour ce problème devrait être basé sur une augmentation significative des ressources humaines et économiques consacrées à ce but, de façon à assurer une réduction drastique du temps nécessaire pour alphabétiser toute la population illettrée, y compris en langue française.  Il est également important de mettre à disposition de la population les services administratifs et judiciaires en créole.

Je viens de parler avec la ministre déléguée aux Droits humains à ce propos, et elle m’a expliqué que le but du gouvernement et celui personnel, de son cabinet est de transformer le rapport entre les deux langues et de développer de façon prédominante la langue créole. Je partage cet objectif  et ce n’est pas là la question. Mais, la question c’est que quand il y a deux langues pour une population qui est analphabète dans les deux langues, cela rend beaucoup plus longue la période pour mener à bien cette campagne d’alphabétisation.

Un deuxième aspect qui mérite un traitement de choc, c’est l’abolition de la pratique de la détention préventive prolongée. Environ 80% des prisonniers en Haïti sont privés de liberté pendant des années, sans avoir été entendus par un juge. Il existe des mécanismes importants qui peuvent contribuer à éviter que le problème ne devienne plus grave, comme la création, sur l’initiative du Parquet, d’un comité de suivi de la détention dans, par exemple, la ville des Cayes (département du sud) , qui siège une fois par semaine pour faire le suivi des cas de personnes en détention préventive et prendre des décisions de mise en liberté quand il le faut. Mais,  c’est évident qu’il est urgent de prendre de mesures au niveau national, aussitôt que possible, pour permettre de juger les cas de la plupart des 8,000 de prisonniers en détention préventive, parmi les 10,000 et demi de personnes qui passent leurs jours dans les lieux de détention haïtiens bien trop surpeuplés. Ces lieux de détention ont une capacité d’accueil de 4 000 détenus seulement, et qui sont actuellement surpeuplés à l’extrême, ce qui  ne rend pas les conditions d’existence dignes et constitue un traitement inhumain, cruel et dégradant.

Il y a d’autres mesures de justice au niveau national, tel que la nécessité  de modifier le système selon lequel les juges d’instruction ne peuvent pas être reconduits immédiatement après l’expiration de leur mandat, parce qu’ils doivent attendre pendant des mois une certification de bonne conduite permettant au ministre de la Justice de les nommer de nouveau. Cette pratique paralyse l’administration de la justice, comme c’est le cas actuellement avec plus de cent juges d’instruction qui ne peuvent donc pas étudier ni juger les cas des prisonniers en détention préventive prolongée. La procédure de certification pourrait s’organiser différemment pour qu’elle soit déjà prête avant l’expiration du mandat, si bien que les juges puissent être nommés de nouveau sans suspendre leur activité.   Lors de cette visite j’ai remarqué le manque de confiance que la population a sur le fonctionnement de la justice. Ceci a été frappant dans le cas des victimes d’expropriation des terrains pour l’agrandissement de l’aéroport des Cayes qui ont parlé avec l’Expert indépendant à ce sujet.

Un troisième aspect pour lequel l’Expert indépendant a demandé un traitement de choc est celui de la confusion autour des règles relatives aux élections. Cela fait partie de la faiblesse de l’État de droit, qui doit être traitée substantiellement en Haïti pour surmonter l’incertitude que subissent les citoyens dans plusieurs domaines concernant leurs droits fondamentaux, tels que le système cadastral ou l’accès à la justice et aux services publics, parmi bien d’autres. Mais, l’incertitude concernant les règles électorales est un problème qui affecte le cœur de la vie institutionnelle en Haïti, méritant pour cela une solution urgente. Dans le rapport que j’ai présenté au Conseil des droits de l’homme au mois de mars, j’ai signalé que « Des élections parlementaires et municipales auraient dû avoir lieu en 2012 mais, en décembre 2013, il n’y avait aucune certitude quant aux dates des élections ». Je remarquais aussi que des observations pareilles avaient été faites par mes prédécesseurs, comme Monsieur Joinet qui a écrit en 2006 que  «au moment de terminer son rapport, l’Expert indépendant ignore, de report en report, à quelle date et dans quelles conditions politiques auront finalement lieu les élections». Lors de ma présente visite, j’ai constaté que le Gouvernement a fixé la date du 26 octobre pour le premier tour et du 28 décembre pour le deuxième tour des élections parlementaires et locales. C’est un pas en avant. Mais, il y a certains événements qui contribuent à se demander si les élections pourront véritablement avoir lieu à ces dates. Ces éléments sont, entre autres,  l’approbation de la loi électorale par le Parlement avant la fin de la présente législature le deuxième lundi de septembre ; l’acceptation du Conseil Électoral Provisoire qui est contestée par six partis de l’opposition, ou la préparation logistique des élections pour laquelle il est nécessaire de compter sur un délai de 120 jours à partir de l’adoption de la loi électorale. La confrontation politique a toujours été un sujet très sensible en Haïti et elle continue à l’être aujourd’hui, ce qui rend d’autant plus pressante la nécessité de trouver un accord de base sur les règles du jeu électoral entre les forces politiques en concurrence.

Un quatrième aspect d’importance est celui de l’impunité, qui est très inquiétante en Haïti par rapport à tous les crimes. Cette impunité est encore plus accentuée en ce qui concerne les graves violations des droits humains du passé, pour lesquelles il faut prendre des mesures urgentes, afin de rendre réel aux nombreuses victimes leur droit à la vérité, la justice et la réparation. Avant la publication de mon rapport, la décision de la Cour d’appel de Port-au-Prince n’avait pas encore été rendue. Le 20 février 2014, la Cour d’appel a rectifié l’ordonnance du juge d’instruction du Tribunal de première instance de Port-au-Prince qui n’avait pas admis de plaintes portées par des victimes de violations de droits de l’homme perpétrées par l’ancien dictateur Jean-Claude Duvalier. Tout en étant une décision très importante, qui a prescrit un supplément d’instruction pour corriger la dénégation de justice faite en première instance, il est impératif d’offrir au juge Durin Duret Jr., responsable du complément d’instruction, des garanties d’indépendance, des mesures de sécurité renforcées et des ressources supplémentaires (humaines, matérielles, financières) pour mener à bien ce dossier emblématique. Il s’agit de crimes contre l’humanité perpétrés sur une période de 15 ans, qui sont connus par la justice depuis la fin du régime, donc depuis 28 ans, et où il y a une trentaine de plaignants et témoins à auditionner.  La nouvelle instruction a démarré à la mi-mai 2014, mais jusqu'à aujourd’hui, seulement six (6) plaignants et plaignantes ont été entendus par le juge d’instruction, soit une moyenne d’un plaignant par semaine. De par sa nature et son ampleur, l’affaire Duvalier requiert toute l’attention du juge instructeur. Le juge devrait être déchargé des autres dossiers et disposer d’une équipe d’enquêtes et d’un greffier pour pouvoir se consacrer en exclusivité à l’affaire Duvalier. Sans ces mesures, le délai de trois mois imparti par la loi pour boucler l’instruction ne pourra pas être respecté, et celle-ci risque de se prolonger sur une durée indéterminée ou de ne pas être conduite selon toutes les exigences requises.

De manière plus générale, pour les victimes des violations graves commises dans le passé, sous le régime des Duvalier (père et fils) et des militaires, ainsi que lors des actes de violence perpétrés par des groupes partisans ou opposants au Président Aristide, j’ai rappelé dans mon rapport qu’une commission nationale de réparation aurait dû être créée dès 1995, quand elle a été recommandée par la Commission nationale de vérité et de justice, pour les victimes du coup d’État de 1991. Outre les mesures de réparation physique et les déclarations judiciaires de responsabilité, cette commission pourrait, à moyen et à long terme, contribuer à la définition d’activités pédagogiques visant à rétablir le droit à la mémoire. Je tiens à réitérer cette recommandation au moment où se termine ma deuxième visite au pays.

Le cinquième aspect souligné dans le rapport que j’ai présenté le mois de mars au Conseil des droits de l’homme est relatif aux graves violations des droits humains, provoquées par d’autres facteurs ou acteurs, tels que le déplacement forcé à cause de catastrophes naturelles, l’apatridie et le choléra. Quant au déplacement forcé, j’avais mis en exergue dans mon rapport qu’il y avait encore 140.000 personnes dans les camps de réfugiés en décembre 2013. J’ai été informé pendant cette visite que le nombre de personnes dans les camps a diminué à 104.000 en juin 2014. C’est un progrès indéniable, mais il faut maintenir et même accroître l’intensité des activités visant à trouver, aussitôt que possible, un logement digne aux familles qui continuent à habiter les camps dans des conditions pénibles. Tout de même, il y a des habitants des camps qui sont en train de transformer positivement leurs logements. C’est le cas du camp Carradeux que j’ai visité dimanche dernier, où la communauté a réussi à obtenir de l’État un terrain de 12 hectares, où elle se propose de développer, avec l’aide de la coopération internationale, un projet de logement de la communauté. Le projet a commencé il y a neuf mois et compte finir, au bout des prochains 17 mois, la construction de 125 bâtiments dans sa première phase. C’est une initiative encourageante.

Pour ce qui est de l’apatridie, l’Expert indépendant suit avec attention le déroulement du dialogue entre les autorités haïtiennes et dominicaines, et aurait voulu avoir un entretien avec le Ministre des Haïtiens vivant à l’étranger, ce qui n’a pas été possible cette fois-ci. Espérons pouvoir le faire lors de la prochaine visite, avant la fin de cette année 2014.

Quant au choléra, l’Expert indépendant note que le Secrétaire Général des Nations Unies a visité le pays  et s’est rendu le 14 juillet dans le Plateau Central, où le choléra est apparu pour la première fois. Il y a lancé une campagne d’assainissement. J’espère que cette visite pourra contribuer à mettre en œuvre la recommandation que j’ai faite dans mon rapport de mars 2014 sur la nécessité de créer une commission de réparation pour les victimes du choléra, afin de permettre le recensement des dommages, l’indemnisation ou la compensation correspondante, l’identification des responsables, l’arrêt de l’épidémie et d’autres mesures. Comme Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme en Haïti, je saisis cette occasion pour réitérer cette recommandation.

Je réitère aussi mon invitation aux autorités haïtiennes, ainsi qu’à la communauté internationale, pour prendre en considération l’adoption des mesures urgentes pour le traitement de choc relatif aux cinq axes remarqués dans mon rapport. Pour avancer dans ce but, il très positif de voir que depuis ma dernière visite, plusieurs instruments internationaux des droits humains ont étés intégrés à la législation haïtienne, notamment les deux Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’Enfant (concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés et concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants). De même, le Gouvernement a soumis le dossier pour la ratification de la Convention contre la Torture ; la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille; la Convention de 1954 relative au statut des apatrides; et du deuxième protocole facultatif du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort. Le Ministère des Affaires Etrangères a aussi signé la Convention interaméricaine contre le racisme, la discrimination raciale et les formes connexes d’intolérance, ainsi que la Convention interaméricaine contre toutes les formes de discrimination.

Toujours sur les instruments internationaux, il est important de souligner la soumission du rapport mi-parcours sur l’Examen périodique universel (EPU), ainsi que la finalisation du rapport étatique dû au Comité pour l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes, après consultation nationale de la société civile et qui se trouve en cours de révision par le Comité interministériel des droits de la personne (CIDP).

Haïti a aussi promulgué la loi sur la paternité, la maternité et la filiation responsable, la loi sur la prévention et répression de la corruption, la loi sur la lutte contre la traite des personnes,  ainsi que la loi réformant l’adoption.

Il est important de signaler aussi qu’une ébauche d’un Plan d’action pour la promotion et protection des droits de l’homme en Haïti a été préparée par le bureau de la Ministre déléguée chargée des Droits de l’homme et de la Lutte contre la pauvreté extrême et sera discuté lors d’ateliers de consultation nationale qui se dérouleront bientôt. La préparation de ce Plan constitue une opportunité inouïe pour y incorporer les mesures d’urgence recommandées sur les cinq axes remarqués dans le rapport de l’Expert indépendant. Dans sa forme actuelle, le projet de Plan fait une discrète référence au droit à l’éducation, il serait souhaitable que la version finale du plan prenne en compte les cinq axes remarqués dans le rapport.

Permettez-moi de rappeler que les mesures à mettre en œuvre de façon urgente, recommandées dans le rapport, sont nécessaires pour trois raisons. Tout d’abord, pour mettre fin à de graves violations des droits humains qui, sinon, continueront à être commises à chaque instant contre des milliers de personnes. Ensuite, pour transmettre à la population haïtienne et à la communauté internationale une volonté d’engagement pour le redressement de la situation des droits humains. Enfin, pour paver la voie sur laquelle devront être menées à terme les autres recommandations en matière de droits humains formulées pendant les trois dernières décennies. L’Expert indépendant est prêt à apporter son concours à ce projet comme je l’ai dit dans le rapport écrit du mois de mars.

Je tiens à remercier les autorités Haïtiennes pour avoir rendu possible cette visite, et notamment à la ministre déléguée chargée des Droits humains et de la Lutte contre la pauvreté extrême, qui m’a invité à participer à un atelier avec les membres du Comité interministériel pour les droits de la personne. Il s’agit des représentants du Ministère des Affaires Sociales et du Travail, l’Institut du Bien-Être Social et des Recherches, le Ministère de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales, la Direction de la Protection Civile, le Ministère de la Santé Publique et de la Population, l’Office National d’Identification, le Conseil National de la Sécurité Alimentaire, le Centre National d’Information Géo-Spatiale, l’Observatoire National de la Pauvreté et de l’Exclusion Sociale, le Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique, l’Institut Haïtien des Statistiques et de l’Informatique, le Fonds d’Assistance Économique et Sociale, la Présidence, la Primature et le Ministère des Affaires Étrangères. J’ai trouvé fort intéressante cette rencontre puisque j’ai pu apprécier de près les efforts que le Comité et ses membres sont en train de faire pour mettre en commun leurs travaux comme fonctionnaires de différents ministères, en vue de contribuer à développer une politique en matière de droits humains. Ceci est une condition nécessaire pour assurer la coordination des agences gouvernementales dans ce domaine.

Je remercie aussi le Président du Sénat, la Protectrice de l’Office de Protection du Citoyen, le Directeur Général de la Police Nationale d’Haïti, l’Inspecteur Général de la Police Nationale d’Haïti, le Secrétaire d’État à l’Alphabétisation, le Doyen du Tribunal de Première Instance d’Aquin, le Commissaire du Gouvernement auprès du Tribunal de Première Instance d’Aquin, le Commissaire de Police et le Greffier de la station de Police d’Aquin, l’ancien Commissaire du Gouvernement des Cayes, le Doyen du Tribunal de Première Instance de Coteaux, le Commissaire du Gouvernement auprès du Tribunal de Première Instance de Coteaux, le Substitut du Commissaire du Gouvernement de l’Ile-à-Vache, le Substitut du Commissaire du Gouvernement auprès du Tribunal de Première Instance des Cayes avec qui j’ai eu des entretiens.

Grâce à l’Organisation d’États Américains, j’ai pu rencontrer aussi le corps diplomatique et je remercie les ambassadeurs et diplomates de plusieurs pays avec qui j’ai pu échanger des informations.

L’appui de MINUSTAH a été décisif pour cette mission, et je remercie la Représentante Spéciale du Secrétaire Générale, ainsi que tous ses collaborateurs, et en particulier la Section des Droits de l’homme, ainsi que les représentants des agences des Nations Unies en Haïti.

Je remercie également mes interlocuteurs lors des rencontres maintenues avec des représentants de partis politiques, journalistes, et membres de plusieurs organisations non gouvernementales de droits humains de Port-au-Prince et du département du Sud.

Pour terminer, permettez-moi de souligner qu’Haïti sera révisé en octobre prochain à Genève par le Comité des droits de l’homme, qui est l’organe de surveillance créé par le Pacte International de Droits Civils et Politiques. Il s’agit d’un rendez-vous très important étant donné que le rapport aurait dû être soumis en 1996 et donc la révision de la situation par les membres du Comité sera une évaluation de la situation dans ces 18 dernières années. Les recommandations qui résulteront de cette révision seront des outils précieux pour améliorer la situation des droits civils et politiques en Haïti. Je vous invite à suivre les débats et à diffuser les recommandations du Comité.

Merci beaucoup.

 

Questions / Réponses

Radio RCH 2000: M. l’Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme en Haïti, comment voyez-vous la grève de la faim entamée par le député de Delmas-Tabarre, Arnel Bélizaire, autour de ces motifs : la révocation du président du CSPJ en raison de sa mauvaise gestion et la question de nomination de la juge Wendelle Coq et autour de la question de violation des droits humains en Haïti ?

M. Gustavo Gallón : La décision au sein du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire a été prise hier. Je viens d’en être informé. Je crois qu’il faut du temps pour établir les relations à ce sujet. Ce qui est  (pause). Je me réfère au Conseil Electoral Provisoire. Ce qui est important c’est de résoudre les difficultés, comme je l’ai dit dans la version écrite, les difficultés auxquelles on fait face en vue de mener à bien les élections. Il y a beaucoup de facteurs là-dessus, il faut les résoudre. Du point de vue des droits humains, tout en respectant les options politiques différentes qui sont représentées par les partis politiques qui participent dans la vie politique haïtienne. Je fais un appel à l’accord pour trouver une solution à ces situations, permettant d’avoir des élections qui ont été apportées comme je l’ai dit pendant plusieurs années et qui ont besoin d’une solution à court terme.

 

Radio Vision 2000 : Ma question concerne votre recommandation au sujet du choléra. Vous avez dit que vous avez recommandé dans votre récent rapport qu’une commission de réparations soit mise sur pied. Depuis la publication de ce rapport, quelles ont été les réactions des Nations Unies, des personnes qui vous ont engagé ? Est-ce que vous vous engagez à faire des efforts pour que ces recommandations ne restent pas lettres mortes ?

M. Gustavo Gallón : Jusqu’à présent il n’y a pas eu de réaction officielle. J’ai présenté cette recommandation au Conseil des droits humains des Nations Unies à Genève au mois de mars. Je la réitère ici aujourd’hui. J’ai insisté là-dessus ici aussi en privé. Et on attend. On attend, pour voir comment cette recommandation peut être mise en œuvre.

 

Radio Caraïbes : C’est un fait évident que l’impunité règne en Haïti, surtout quand il s’agit des proches du président de la République. Vous est-il déjà arrivé d’enquêter sur les agissements de Roro Nelson, un proche du président de la République ? Son dernier agissement en date remonte à environ un mois et demi. Ce dernier a tabassé plusieurs étudiants de l’université Quisqueya. Le recteur de cette université a déposé une plainte contre Roro Nelson.

M. Gustavo Gallón : Non je ne suis pas au courant.

 

Radio Caraïbes : Vous êtes au courant maintenant. Au cours de votre prochaine visite en Haïti, est-ce que vous comptez enquêter sur les agissements des proches du président de la République, notamment Roro Nelson ?

M. Gustavo Gallón : Je prends note de ce que vous venez de dire et je vais veiller dans mon mandat à ce que la  question soit posée au gouvernement concernant le cas que vous indiquez.

 

Radio RCH 2000: Etes-vous au courant de la demande des juges de l’ANAMH au CSPJ du  rapport d’enquête autour de la mort du juge Jean Serge Joseph ? Jusqu’à date, le rapport n’est  connu ni des juges ni de la communauté haïtienne ?

M. Gustavo Gallón : Oui, ça a été consigné dans mon rapport de mars et j’espère le règlement de l’inquiétude qui existe là-dessus. On attend des explications et le déroulement de ces évènements sur cette situation.

 

 

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FIN