Cossy Samuel : « j’ai mis mon handicap au service des non-handicapés »

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5 déc 2014

Cossy Samuel : « j’ai mis mon handicap au service des non-handicapés »

Photo : Jean Etiome Dorcent - UN/MINUSTAH Photo : Jean Etiome Dorcent - UN/MINUSTAH

 

 

Un volontaire pas comme les autres. Cossy Samuel, 39 ans, arrive non seulement à surmonter son handicap physique, mais aussi à supporter d’autres personnes à besoins spéciaux et aider même des personnes « non-handicapées ». Son histoire.

Il rentrait de l’école, dans le brouhaha de la rue et la chaleur suffocante dégagée d’un autobus de transport public à Port-au-Prince. Le 23 avril 1991, Cossy Samuel, à l’époque, 16 ans, ne saurait imaginer ce qui l’attendait sur le chemin du retour : un terrible accident de la circulation.

« Pendant huit jours, j’étais inconscient », se rappelle-t-il. Et quand il a repris connaissance, une autre mauvaise nouvelle l’attendait. Il devait être amputé de sa jambe droite. « Le médecin était radical », poursuit-il, l’air pensif.

Et il avoue : «  J’ai même pensé au suicide ». Ecoutez son témoignage.

 

 

 

 

Pendant deux ans, Cossy ne pouvait plus aller à l’école, à cause de son état de santé. Il avait aussi peur des moqueries de ses camarades et les éventuelles « humiliations des gens du quartier ».

En Haïti, les personnes à besoins spéciaux sont en général stigmatisées. Il a dû ainsi se battre pour surmonter non seulement son handicap physique mais surtout les obstacles psychologiques de son entourage. « Je savais que l’école était la seule et unique chance qui me restait », explique cet homme du haut de ses 39 ans aujourd’hui, fier de son étude universitaire en science administrative.

Transformation de fruits pour améliorer la vie

Le bourdonnement d’un monteur retentit dans l’entourage. Sur la cour du Centre national de défense des démunis et handicapés (CNDDH), trois jeunes s’activent. Ils doivent moudre les ingrédients d’un aliment protéiné en poudre composé de maïs, des arachides, de la farine de manioc, entre autres. Ce produit est mis sur le marché local, il y a un an par cette organisation fondée par Cossy.

A quelques mètres, également un petit atelier de transformation de fruits. On y fabrique plusieurs types de confiture, des beurres d’arachides, de petits gâteaux et du « chanm-chanm », un dérivé du maïs. Propre à Haïti, le « chanm-chanm » est un mélange en poudre de maïs, d’arachides et de sucre.

Une fois emballés et étiquetés, les produits sont remis à un prix dérisoire et à crédit à une trentaine de vendeurs vivant avec un handicap physique. Ces derniers doivent, après avoir tout vendu, retourner la partie du prix de vente qui correspond à leur achat en gros, pour permettre la continuité de la production. Sept ouvriers, pour la plupart des personnes à besoins spéciaux, travaillent aussi dans ce projet. Parmi eux, Berthony Cias, le chef de production. Pour lui, cette activité est très importante. Il précise.

 

 

 

 

« J’ai du volontariat dans le sang »

Les difficultés auxquelles faisait face Cossy ne l’empêchaient pas d’investir son temps et son énergie dans le volontariat. En 2003, alors que le pays connaissait une grande crise politique, il lance le CNDDH. Une initiative qui lui a permis d’atteindre en grande partie son objectif d’aider les « handicapés ». « J’ai du volontariat dans le sang. Aider les autres est pour moi une seconde nature », confie l’homme de grande taille, fort en caractère et costaud, l’air fier.

L’atelier de transformation n’est pas l’unique corde à son arc. A travers cette organisation, Cossy intervient dans d’autres domaines comme l’éducation, en offrant des bourses à des enfants démunis et vivant avec un handicap. A Carrefour, commune d’Haïti, il procure une assurance décès aux familles de personnes à déficience physique et mentale en appui aux couts des funérailles. En 2012, il ouvre un restaurant communautaire où des repas chauds sont offerts à 0,10 dollars américains.

« Certes les personnes à besoins spéciaux sont prioritaires. Mais ma plus grande joie est voir que même des personnes sans infirmités viennent manger chez nous. C’est quelque chose d’extraordinaire dans un pays comme Haïti où la personne vivant avec un handicap est marginalisée par la société.», argumente-il, sourire aux lèvres.

Aujourd’hui, le CNDDH compte plus de 1.300 membres, avec des bureaux dans d’autres régions du pays comme Jacmel, Léogane, Petit-Goave et Petite Rivière de l’Artibonite.

L’heure arrive pour Cossy de laisser le centre. « Bonjou papa lavi / Bonjour père de la vie», lance son chauffeur de taxi-moto, un jeune du quartier, arrêtant le moteur, le temps pour Cossy de monter derrière lui. Encore un signe que les activités de Cossy sont bien appréciées dans sa communauté.

Rédaction : Jean-Etiome Dorcent