Dufresnay, si près, si loin de la capitale haïtienne

6 fév 2013

Dufresnay, si près, si loin de la capitale haïtienne

De récents travaux d’aménagement à l’école primaire St Roch, une localité rurale aux abords de Port-au-Prince, permettent de lever le voile sur la 2e section communale de Carrefour (Ouest), encore isolée malgré sa proximité avec la capitale.

Dufresnay, si près, si loin de la capitale haïtienne

Photo : Pierre J. Richard - UN/MINUSTAH

A 30 minutes de Port-au-Prince, Dufresnay contemple, perchée sur une colline, le tohu-bohu de la capitale. Seule la fête patronale de la Paroisse de Saint Roch, l’un des trois quartiers de cette section communale de Carrefour, vient en troubler la quiétude habituelle entre le 15 et le 17 août de chaque année. A ce moment-là des pèlerins de partout montent à Saint Roch qui « prend alors l’aspect d’un carnaval », raconte Jocelyn, un jeune agriculteur de la localité.

Mais, pour se rendre à ce lieu de pèlerinage catholique, il faut de la volonté. Les transports en commun n’arrivent pas jusqu’à la bourgade isolée. On a le « choix » de continuer à pied pendant près de 45 minutes ou s’assurer les services d’un taxi-moto pour 2,50 dollars US sur une piste rocailleuse en pente.

Et même pour les motos dont la présence sur cette route date de moins de cinq ans, la tâche est difficile. Jasmin, chauffeur de taxi-moto, dit user et abuser de ses suspensions et de ses pneus. Un moyen de transport qui pose problème, car, selon le père Jean Jacques Cabioch qui gère la Congrégation Saint Jacques, les chauffeurs « oublient souvent qu’ils ont des freins », en dévalant la pente qui passe juste devant l’école mixte et la chapelle Saint Roch, à l’entrée de Dufresnay.

Et c’est pour assurer la sécurité des 200 écoliers que les Casques bleus guatémaltèques de la MINUSTAH ont réalisé les travaux inaugurés le 30 janvier dernier.

« Maintenant, nous avons un site paroissial sécurisé », se réjouit le père Cabioch. « Avant [la construction du mur d’enceinte], n’importe qui venait y passer la nuit en y laissant toutes sortes de détritus après son passage », explique le responsable de cette Congrégation, initiatrice du projet.

Le contingent de police militaire y a construit une clôture en béton de 150 mètres de long et un terrain de sports de 105 mètres carrés. Les soldats de la MINUSTAH ont aussi construit et électrifié une salle communale de 250 mètres carrés pouvant héberger des rencontres à caractère socioculturel pour toute la bourgade.

Des travaux qui, comme le souligne le Colonel Luis Morales Perez, commandant du contingent guatémaltèque, « contribuent à la sécurité des locaux et du même coup à l’éducation des enfants ». Car estime-t-il, « si les enfants sont bien formés, le pays peut espérer un bel avenir ».

D’un coût de 25.500 dollars US, les travaux ont été financés par le programme des Projets à effet rapide (QIPs) de la MINUSTAH.

« S’il ne pleut pas, nous perdons nos récoltes »

Comme dans de nombreuses communes rurales d’Haïti, peu d’élèves continuent les études après le primaire. Il y a quelques années encore, tous ceux qui ont pu poursuivre leurs études secondaires classiques le faisaient, pour la plupart, à Port-au-Prince.
A Saint Roch, on cultive le mais, le pois, le millet, la patate douce ou encore le manioc, comme l’explique Jocelyn, rencontré en plein travail sur son lopin de terre qu’il prépare en attendant l’arrivée des pluies. Car la réussite de la récolte dépend des caprices de la météo.

« S’il ne pleut pas, alors nous perdons nos récoltes », dit Michelet Dorisca, responsable d’Assemblée de section communale (ASEC), qui, à l’instar d’autres membres de la communauté, pratique aussi l’élevage pour s’assurer un maigre revenu.

Et quand il pleut, on utilise aussi l’eau dans les foyers car il n’y a pas de système d’adduction d’eau. Jeanine, 22 ans, un gros récipient de plastique entre les bras, raconte devoir marcher une demi-heure pour se procurer le précieux liquide.

Mais Jeanine a aussi la possibilité de s’approvisionner gratuitement deux fois par semaines au centre de santé de Dufresnay, l’unique de la zone desservant 3.000 habitants, où une fondation locale y a construit une fontaine à eau. Selon l’infirmière Ernante Horace, l’approvisionnement en eau a permis de diminuer les cas de typhoïde et de maladies diarrhéiques. Mais l’isolement relatif de la commune constitue encore un obstacle pour les cas nécessitant une hospitalisation plus poussée.

Bien que l’électrification de la zone soit en cours à l’initiative de la Congrégation Saint Jacques, de nombreux défis restent encore à relever pour que Dufresnay se rapproche vraiment de la capitale.

Pierre Jérôme Richard