Justice/Artibonite : Des comités de suivi pour lutter contre la détention préventive

7 fév 2013

Justice/Artibonite : Des comités de suivi pour lutter contre la détention préventive

Réduire le nombre de personnes en détention préventive prolongée et sa durée ont toujours constitué un défi pour les autorités judiciaires du pays. Depuis 2011, des comités multisectoriels s’activent pour affronter le problème dans 4 départements d’Haïti. Une initiative qui donne déjà des résultats en Artibonite.

Justice/Artibonite : Des comités de suivi pour lutter contre la détention préventive

Photo : Taïna Noster - UN/MINUSTAH

Astride Erdain est membre du comité de suivi de la détention préventive prolongée des Gonaïves (Artibonite). Elle représente la Section justice de la MINUSTAH au sein du groupe. Elle se rend régulièrement à la prison des Gonaïves pour inventorier les prisonniers. « Pour avoir la liste des détenus, je me réfère soit au greffe de la prison, soit directement aux prisonniers. Je classe leurs dossiers en fonction de leur ancienneté ou de la gravité de l’infraction mise à leur charge », explique la juriste.

En Haïti, 80% des personnes incarcérées ne sont pas jugées, attendant parfois jusqu’à 6 voire 10 ans pour être fixés sur leur sort.

Etabli en décembre dernier afin de lutter contre la détention préventive prolongée – dite ‘illégale’ - qui mine le système carcéral et juridique haïtien, le comité de suivi de la détention préventive prolongée des Gonaïves rassemble diverses entités. « Sa finalité est de parvenir à l’éradication de la détention préventive prolongée dans le Haut de l’Artibonite », souligne le substitut du commissaire du gouvernement en charge de la prison des Gonaïves, Friscat Gilles. Ses treize membres se réunissent tous les quinze jours pour identifier les causes des retards enregistrés dans le traitement des dossiers et assurer leur suivi pour qu’ils soient jugés.

« Depuis la création du comité, 11 détenus sont déjà passé devant un juge et attendent un verdict, et 27 dossiers sont en cours d’examen. La répartition des tâches se fait sur la base de consensus entre les représentants des différentes institutions », précise Maître Gilles. Parmi elles figurent l’Institut du bien-être social et des recherches (IBESR), l’Office de la protection du citoyen (OPC), la Brigade de protection des mineurs (BPM), le Barreau des Gonaïves, le greffe du tribunal de première instance et la Section des droits de l’Homme de la MINUSTAH.

Entre défis et espoirs

Actuellement, 250 personnes sont en garde à vue, dont 11 mineurs et 10 femmes. « Ces chiffres changent au jour le jour. Certains rentrent et d’autres sortent, parfois, sans que le greffe en soit informé », regrette Oldnick Joseph, greffier à la prison des Gonaïves.

Depuis la démolition de la prison civile des Gonaïves lors d’émeutes populaires en 2004, les conditions de détention sont précaires. Le substitut du commissaire du gouvernement est catégorique. «  L’espace est inapproprié et trop exigu pour être un centre de détention même s’il dessert, dans la pratique,  les 15 communes du  haut de l’Artibonite », lance Maître Friscat Gilles.

En attendant la construction d’un nouveau centre de détention, le comité de suivi de la détention préventive prolongée reste, pour ses membres, une solution pour lutter contre la détention préventive prolongée. Pour le moins, l’officier des affaires juridiques à la mission onusienne, Ervé Dabonne, y croit. «Nous l’avons déjà expérimenté à la Croix-des-Bouquets et à Petit Goâve. C’était prometteur. Plusieurs dossiers ont pu être débloqués grâce à la diligence du comité ». Et pour  Friscat Gilles, « le fait même d’identifier les obstacles rapproche déjà du but ».

Une structure similaire a été installée le 25 janvier 2013 à Saint-Marc, dans le Bas Artibonite.  Toutefois, le Doyen du Tribunal civil, Noé Pierre-Louis Massillon, reconnait que des efforts ont déjà été consentis pour résoudre le problème avant la mise en place du comité. « La prison de Saint-Marc est, présentement, à près de 89% de condamnés et nous avons 20 dossiers en attente de jugement pour les assises criminelles de février 2013 », précise, optimiste, le Doyen.

A terme, la MINUSTAH, en soutien aux autorités de la justice haïtienne, prévoit la mise en place d’un comité dans chacune des 18 juridictions du pays. Pour l’heure, 6 comités travaillent dans les juridictions de la Croix-des-Bouquets et Petit Goâve (Ouest), Les Cayes (Sud), Cap Haïtien (Nord), Saint Marc et Gonaïves.

Taïna Noster