Ensemble pour faire face au diabète, cause probable de décès

3 juin 2016

Ensemble pour faire face au diabète, cause probable de décès

Taina Noster  -  UN/MINUSTAH

 

« Ma mère ne s’est pas blessée. On a juste remarqué une sorte d’égratignure au niveau du tibia en juillet dernier. Malgré les médicaments  qui lui ont été prescrits à l’Hôpital, la blessure continue de s’étendre», se désole Guerda Saint-Juste, accompagnant sa mère pour un test tel que recommandé par le médecin soignant.

A côté d’elles, sur un banc  à l’Hôpital la Providence’’, des Gonaïves, une sexagénaire avec une plaie béante à la jambe droite. Elle est diabétique depuis 2004. Une de ses filles a déjà été amputée des deux jambes. Cette dernière est en quête de prothèse pour s’assurer un minimum d’autonomie. « Le diabète est une maladie familiale », lâche Ilvernise Simonvil d’une voix lasse.

En quête de soins ou pour en avoir le cœur net concernant certains signes s’apparentant au diabète, une vingtaine de personnes visiblement anxieuses, espère et redoutent à la fois l’arrivée du spécialiste. Celui-ci leur avait demandé de faire le test de glycémie en raison des symptômes décrits.

Des signes tels une envie fréquente d’uriner, une soif intense, et même un appétit grandissant, des fois une haleine à l’odeur d’'acétone, des maux de ventre et des vomissements.

«  Le diabète n’est pas une fatalité. Il faut juste apprendre à vivre avec » conseille Pierre Sonic. Ce professionnel d’une cinquantaine d’années, père de quatre filles, a été diagnostiqué diabétique à la fin  de mars dernier. « L’important pour toute personne atteinte c’est d’apprendre à vivre avec, explique-t-il. 

Connu comme un  "taux de sucre" ou "taux de glucose" trop élevé dans le sang, le diabète est aussi défini  comme « une hyperglycémie chronique ». Selon l’Organisation Mondiale de la Santé(OMS), le diabète survient lorsque le pancréas ne produit pas suffisamment d’insuline, - hormone régulateur de la glycémie - ou  que l’organisme n’utilise pas correctement cette substance.

Pouvant toucher plusieurs catégories d’âges le diabète peut être provoqué par certains facteurs tels que l’âge, le régime alimentaire, l’obésité, la sédentarité et l’hypercholestérolémie. A cette liste s’ajoutent les facteurs héréditaires et environnementaux.

Si pour l’âge et l’hérédité, la personne ne peut pas grand-chose, Dr Roseline Augustin, interniste, croit, par contre, que l’on peut agir sur les autres éléments pour, à défaut de prévention, retarder l’apparition de la maladie. « Sur le long terme, un indice glycémique élevé peut gravement affecter les principaux systèmes organiques du corps, provoquer des crises cardiaques, des AVC, des atteintes nerveuses, une insuffisance rénale, une cécité, l’impotence ou des infections risquant d’entraîner des amputations »,  révèle le docteur Augustin.

 

 

Taina Noster  -  UN/MINUSTAH

 

Pour ce médecin, le diabète est un sujet quotidien de conversation. En plus de recevoir quotidiennement des diabétiques, elle en parle à l’Université où elle enseigne et accompagne sa mère diabétique dans son traitement. Ajouté à cela, à la maison elle en discute avec son mari chirurgien qui se bat au quotidien pour sauver ou empêcher la gangrène d’atteindre un ou des membres de ses patients atteints d’hyperglycémie.

Une question de comportement

 

Dans le but de mieux faire face à cette maladie Dr Augustin estime que « les médicaments sont pour la vie ; le patient doit apprendre à vivre avec la maladie».

Selon elle, le plus grand défi,  dans la prise en charge personnelle. C’est à dire d’amener le patient  à changer de comportement. En effet, une personne diabétique doit, à priori, équilibrer son alimentation et éviter certains produits comme l’alcool et le sucre raffiné.

«  Très souvent, les gens pensent qu’il leur faut beaucoup d’argent pour manger ou bien qu’ils ne doivent plus consommer les féculents comme le riz. C’est faux » affirme le médecin. Le diabétique, souligne-t-elle, doit juste apprendre à prioriser ou à intégrer des aliments que, peut-être, il négligeait avant. Mais, ce sont tous des aliments disponibles au marché comme la carotte ou l’épinard.

Il doit aussi s’adonner à une activité physique comme la marche. «  De nos jours, les gens ne marchent plus », regrette  la praticienne. Ils préfèrent les véhicules à moteur à ce sport simple mais bénéfique pour la santé en tout temps. Il s’agit, selon elle, pour le patient de « maintenir un poids normal, pratiquer régulièrement des exercices physiques et d’avoir une alimentation saine » s’il veut amoindrir les risques de diabète.

 

 

Ce même défi constitue également le lot des infirmières affectées à cette unité. « Une fois sortis de l’hôpital, les patients renouent avec les mauvaises habitudes et parfois négligent de contrôler leur taux de glycémie. Or, le diabète se soigne au jour le jour» se plaignent-elles.

Un point de vue que plusieurs patients ne partagent pas. De l’avis de Guerda Saint-Juste,  le traitement a un coup économique,  surtout pour les familles à faible revenu.  Elle cite en exemple le fait que sa mère à une diète différente du reste de la famille. Avant, elle pouvait boire n’importe quel jus et partager le repas de la famille. Maintenant, elle doit surtout consommer du jus naturel sans ajout de sucre. Or, les fruits sont de plus en plus chers à cause de la sécheresse et en fonction des saisons.

 

Même cas de figure pour les légumineuses qui, pourtant, devraient être privilégiées dans l’alimentation d’un diabétique. A cela s’ajoute les rendez-vous médicaux payants puisqu’ils n’ont pas les moyens de s’acheter le glucomètre- permettant d’évaluer la quantité de sucre présent dans le sang-, encore moins les bandelettes qui l’accompagnent. « Le diabète  augmente nos dépenses » concède cette femme souffrant aussi d’hypertension artérielle.

L’accompagnement, aussi un remède

 

« Les gens ont vraiment besoin d’un accompagnement soutenu et continu pour chasser les idées reçues ». Et, c’est justement ce que fait une institution comme la Fondation Haïtienne de Diabète et de maladies cardio-vasculaires, (FHADIMAC), la seule spécialisée dans le domaine en Haïti, comme l’a fait remarquer Dr Augustin. «  Il en faudrait davantage », plaide le médecin.

La FHADIMAC, institution privée à but non lucratif, basée à Port-au-Prince accompagne les diabétiques, les hypertendus et leurs parents par l'éducation et une bonne prise en charge en vue de les aider à mieux vivre avec la maladie.

Une pathologie qui en 2012, a été la cause directe de décès de 1,5 million, dont plus de 80% ont été enregistrés dans des pays à revenu faible ou intermédiaire. A ce rythme, « le diabète tend à devenir, la 7e cause de décès dans le monde d’ici 2030 », présage l’OMS.

Cette organisation insiste aussi sur la nécessité de mener des actions d’envergures pour  réduire d’un tiers, d’ici à 2030, la charge de mortalité prématurée liée aux maladies non transmissibles, comme prévu dans  l’Objectif 3 de Développement durable adopté par les Nations Unies. Ces objectifs, au nombre de 17,  visent à transformer le monde en agissant pour éradiquer la pauvreté, protéger la planète et garantir la prospérité pour tous.  Dans le cadre du diabète, l’OMS souhaite que l’accompagnement des malades inclut tous les secteurs à savoir,  pouvoirs publics, employeurs, éducateurs, producteurs, société civile, secteur privé, médias, sans oublier les intéressés eux- mêmes.  

 

Taina Noster