Entre tôles et toits, un village modèle fait la différence à Cité Soleil

27 nov 2013

Entre tôles et toits, un village modèle fait la différence à Cité Soleil

Finis les toits de tôle et les allées boueuses de Cité Soleil. Depuis le 8 novembre dernier, 23 familles vivent désormais dans une maison en dur dans la zone de Cité Féquière, aujourd’hui baptisée Village La Différence. Elles bénéficient d’un projet social visant à réduire la violence dans cette communauté populaire.

Des ruelles propres séparent des maisonnettes multicolores en béton. Un poste de police, une boulangerie et un centre de santé accueillent les visiteurs à l’entrée du village… bienvenue au Village la Différence à Cité Féquière. La zone, située en bordure de mer dans la commune de Cité Soleil, est plus connue pour ses ruelles marécageuses, que ses maisons rutilantes.

Photo : Jonas Laurince UN/MINUSTAH Photo : Jonas Laurince UN/MINUSTAH

Depuis que 23 familles ont quitté leur masure en tôle et toile pour de beaux murs en béton, il y a de cela deux semaines, les activités vont bon train dans ce quartier.

Une femme nettoie la galerie de sa maison fraichement peinte, au rythme des chants et des battements des mains qui s’échappent de la maison avoisinante, où se sont regroupés quelques fidèles.

Juste en face, un homme est venu acheter des friandises chez une voisine qui étale sur une table son petit commerce.

Photo : Jonas Laurince UN/MINUSTAH Photo : Jonas Laurince UN/MINUSTAH

Plus loin, à côté de l’entrée principale du village La Différence, un bâtiment préfabriqué en bleu et blanc abrite le sous-commissariat de police. « Ici on ne porte pas d’uniforme afin de mieux cibler des bandits, c’est une stratégie », explique Gérard*, l’un des cinq policiers qui assurent tour à tour la sécurité dans ce nouveau quartier.

En vue de de s’assurer de la sécurité des résidents et pour protéger les enfants des motos et voitures qui entrent dans la cité, la barrière principale du Village reste toujours fermée et ne s’ouvre que sur demande. « C’est un moyen de protéger tout le monde et plus principalement les enfant qui jouent un peu partout à travers les rues de la cité », précise Gérard.

Le balai à la main, dans l’une des maisons bien alignées de ce quartier, Chantal Jean-Philippe n’en revient pas. Il y a encore trois semaines, elle vivait sous une tente infestée de moustiques et entourée de boue. « Quand il pleuvait, j’étais obligée de rester debout à creuser un chemin pour que l’eau n’envahisse pas ma tente avec l’aide des voisins », se rappelle-t-elle, pointant du doigt un espace boueux à quelques mètres de là.

Cette jeune mère de deux enfants fut parmi les 23 familles ayant tiré au sort la clé de sa maison lors d’une cérémonie officielle le 8 novembre dernier organisée par les bailleurs du projet, à savoir la Section de la Réduction de la Violence Communautaire (RVC) de la MINUSTAH, et ses partenaires d’exécution, le Ministère Pasteur Enock (MPE), l’Action Chrétienne pour le Développement (ACD) et la Fondation Saint Luc.

« Aujourd’hui on m’a offert gratuitement de vivre avec toute ma famille, j’en suis reconnaissante et heureuse », se réjouit la jeune femme de 21 ans.

Juste en face d’elle, Guerdy Beauvoir nettoie, avec l’une de ses filles, l’intérieur de sa maison. Une fois terminé le lavage de la vaisselle, Guerdy arrange plats et ustensiles dans une étagère. Dans sa nouvelle maison, tout est en ordre : la table, les chaises, les tableaux et les bibelots… tout est à sa place.

Photo : Jonas Laurince UN/MINUSTAH Photo : Jonas Laurince UN/MINUSTAH

Cette mère de trois enfants a déménagé le jour même de la cérémonie. « Aujourd’hui je me sens confortable dans ma nouvelle maison », se réjouit Guerdy, qui se souvient encore de son ancienne maison en tôle qui se remplissait d’eau à chaque averse. « Le MPE, La Fondation Saint Luc et la MINUSTAH m’ont extrait de la misère noire dans laquelle je vivais », jubile cette native de Dame-Marie dans la Grande’Anse qui se rappelle fièrement avoir participé au transport des matériaux destinés à la construction de sa maison.

Ces 23 maisonnettes viennent s’ajouter à une cinquantaine d’autres dont la construction a été financée par la Fondation Saint Luc. Elles mesurent chacune 43 mètres carrés et ont une cuisine, deux chambres, une toilette à couvercle connectée à une fosse septique individuelle et une galerie.

« Ce confort moderne, c’est du jamais vu à Cité Soleil », sourit le Pasteur Jean Enock Joseph, qui ajoute qu’il « reste encore beaucoup de travail à faire pour améliorer les conditions de vie de beaucoup plus d’habitants de Cité Féquière ».

En effet, quelques 200 familles vivent encore sous les tôles, juste en face de ce nouveau village.

Afin de permettre aux résidents de mieux entretenir leur maison ainsi que leur environnement, l’ACD a mis sur place un comité de 10 personnes dont la mission est de former ces nouveaux locataires. « C’est une très grande transformation pour eux, en passant de la tôle au béton. Alors il faut par exemple leur montrer comment utiliser les toilettes hygiéniques », explique l’une des responsables, Michaëlle Sévinier qui ajoute que « les bénéficiaires ont bien pris note et gardent leur environnement sain ».

Financée à hauteur de 300 000 dollars américains par la RVC, la construction de ces 23 maisonnettes entre dans le cadre du Projet « Fòs lakay » (Force locale en français) qui vise à l’amélioration des conditions de vie de la population.

Ce nouveau village est éclairé à l’aide des lampadaires solaires et l’approvisionnement en eau se fait à partir d’un puits artésien.

Jonas Laurince

 

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*Gérard, nom d’emprunt du policier