Haïti : les violences sexuelles, un mal social, aussi source de transmission du VIH

1 déc 2014

Haïti : les violences sexuelles, un mal social, aussi source de transmission du VIH

Alors que la population tend à faire le silence sur les impacts des violences sexuelles, notamment le viol, ce mal mondial continue à faire son chemin vers la destruction d’une frange non négligeable de la société.

« J’ai pensé très sérieusement à me faire du mal. Je m’étais même trouvée une corde. N’était-ce les interventions de certains proches… »

Guénale (pseudonyme), est âgée de 16 ans. Originaire de Bombardopolis, sa première relation sexuelle fut doublement douloureuse. Car, c’est à l’occasion d’un viol qu’elle affirme avoir perdu sa virginité.

 

 

Pour parvenir à ses fins, son agresseur qu’elle dit avoir rencontré une fois dans les environs du centre où elle a l’habitude d’étudier, l’avait supplié de monter à bord du véhicule d’une organisation pour laquelle il travaillait, sous prétexte de la déposer près de chez elle.

Les quinze jours suivant le viol furent «de toute mon existence les plus terribles moments que j’ai vécu jusqu’à présent dans ma chair». Des moments qu’elle a dû en grande partie passer à l’hôpital avec des douleurs un peu partout notamment au bas ventre, avec le sang qui lui a coulé pendant quelque 12 jours.

Aujourd’hui encore, près de trois ans après, elle est hantée par les souvenirs de cet assaut « avilissant » qu’elle a dû subir.

Pour ses parents également, c’était la mort dans l’âme. « Ma mère ne pouvait se tenir debout en voyant mes sous-vêtements maculés de sang. Ma grande sœur qui allaitait, ne pouvait trouver une seule goutte de lait pour son enfant ».
« Heureusement, mon père travaille dans un hôpital de la zone. Il m’y a tout de suite conduite. Et, j’ai pu recevoir des soins et des médicaments pendant près d’un mois », raconte-elle. Elle ajoute : « ces précautions étaient pour m’éviter d’être contaminée, au cas où l’homme en question avait le virus du Sida », m’a dit une infirmière.

Les agressions sexuelles, source probable de VIH/SIDA

Les impacts des agressions sont souvent mal connus et mal abordés par la société. Classées 2e parmi les violences faites aux femmes en Haïti, les agressions sexuelles sont souvent sources de maladies. En effet, au cours de la période de Juillet 2009 à Juin 2011, il y a 2 127 cas de violences physiques, et 683 cas d’agressions sexuelles. Et, dans cette catégorie, les viols prédominent, selon la ‘’Concertation nationale contre les violences faites aux femmes’’.

Soeurette Policard Mont Joie, coordonnatrice de terrain pour les violences sexuelles contre les jeunes, au sein de l’ONG Organisation pour le Développement et la Lutte contre la Pauvreté , (ODELPA), relate qu’une enquête réalisée en 2010 avec des survivantes de viols sur la région métropolitaine de Port-au-Prince, dont les résultats sont présentés dans un document intitulé ‘’Beyong shock’’, en 2013, a démontré que les victimes faisaient face à deux types de problèmes : Les grossesses précoces et les maladies sexuellement transmissibles (MST) dont le VIH.

« Au lieu de se rendre d’abord dans un centre hospitalier, les victimes et leurs parents vont à la police ou à la justice », déplore-t-elle, voyant dans cette attitude, « un manque d’information » sur le risque de contamination dans les premières 72heures.

Aussi ayant pris conscience du fait que les violences sexuelles constituent aussi un facteur de transmission du sida, l’Unité VIH/ Sida de la MINUSTAH vient d’appuyer des responsables d’associations de la société civile haïtienne dont certaines travaillent notamment avec des personnes vivant avec le VIH (autrement appelée PVVIH), dans l’organisation de séances de formation entre février et mai 2014, sur les relations entre violences sexuelles et le VIH/ Sida.

 
 

 
 

Claude Adrien, officier national, à l’Unité VIH/Sida

Selon le dernier rapport de l’ONUSIDA sur l’état de la lutte contre le sida dans le monde, Haïti regroupe 140.000 PVVIH connus. Le taux de prévalence est de 2 %. Un taux d’infection au VIH qui a fortement baissé depuis 2001, grâce à une accélération de la riposte à la pandémie, incluant l’accès aux médicaments qui a considérablement augmenté.

A cet effet, le Programme des Nations Unies pour le développement, PNUD, a souligné en aout dernier que près de 50 000 personnes vivant avec une infection avancée du VIH bénéficient d’une thérapie antirétrovirale et de conseils psychologiques. Et, dans le cadre d’une campagne d’information et de prévention, 15.000 jeunes de 10 à 24 ans ont été sensibilisés au VIH/sida et 3.126 travailleuses de sexe ont suivi des séances d’information et de prévention. Quelque 18 millions de préservatifs ont aussi été distribués gratuitement à la population entre 2012 et 2014.

Célébrée le 1er décembre de chaque année, la Journée mondiale de lutte contre le sida vise à continuer la sensibilisation à travers le monde avec pour thème pour la période 2011 et 2015 «Objectif zéro: zéro nouvelle infection au VIH, zéro discrimination, zéro décès lié au sida».

 

 

Rédaction : Pierre Jérôme Richard