L’albinisme, un sujet fondamental à approfondir

15 juin 2017

L’albinisme, un sujet fondamental à approfondir

Photo : Marie Yolette B. Daniel - UN/MINUSTAH

 

A la plaine de Duvivier, Route neuve, commune de Cité Soleil, il existe une de ces grandes familles de 8 personnes, comme on en trouve partout en Haïti. Gesly Zéphire, 54 ans est la cheffe de ce foyer, le paternel ayant fait choix de continuer sa vie seul. Catheline est le prénom de sa dernière-née et elle est atteinte d’albinisme. Intelligente et dotée d’une forte personnalité, Catheline Jacinthe est aujourd’hui âgée de 19 ans.

« J’avais toujours rêvé d’avoir un petit blanc. Etant enceinte, je passais mon temps à regarder Casper, une bande dessinée qui raconte l’histoire d’un bébé qui est mort, pour ensuite revenir sous forme de fantôme. Il était tout blanc et il est très intelligent. Alors, j‘ai prié en demandant à Dieu de me donner un petit blanc comme Casper…« Confie Gesly Zéphire, avec un éclat de rire. Comme par miracle, au terme de sa grossesse, elle met au monde son septième enfant. Il s’agit de Catheline Jacinthe sa « fille chérie », précise cette dame souriante et fière.  

Peu importe sa différence apparente des autres, Catheline est très spéciale pour sa famille. « C’est ma petite sœur, je l’aime au-delà de sa soi-disant différence qui n’est que physique », plaide Jeff Jacinthe, frère cadet de Catheline. Lui, sa mère ainsi que les autres membres de la famille sont très content d’avoir une sœur différente.

 

Photo : Marie Yolette B. Daniel - UN/MINUSTAH

Petite taille, silhouette frêle, l’air timide, fragile et peureuse, Catheline présente toutes les caractéristiques de quelqu’un qui manque d’assurance. Cependant,  à en croire son entourage, y compris Fils-Aimé Sainçoir, directeur de l’institution mixte de Martiale, Catheline est l’une des écoliers les plus méticuleux de l’école.

« Catheline est très réservée et solitaire. Si cela arrive qu’elle participe à un jeu, elle ne le ferait qu’avec les élèves de sa classe qui ont une certaine habitude avec elle, et en qui elle a confiance », explique M. Sainçoir, directeur de cet établissement où elle a fait tout son cycle d’étude classique jusqu’à aujourd’hui. Cependant, elle est l’une des élèves les plus appliqués de sa classe. Elle n’est pas comme les autres enfants qui sont très actifs pendant les heures de recréation. On sent que seules ses études la tiennent à cœur.  « Pendant les heures de pause, alors que les autres jouent sur la cour, elle profite du temps libre pour réviser ses leçons ou encore s’exercer », souligne M Fils-Aimé

 

Photo : Marie Yolette B. Daniel - UN/MINUSTAH

Les personnes atteintes d’albinisme sont en effet, pourvues de toutes leurs capacités physiques et mentales, affirme Nastasia Colimon, enseignante spécialisée. « L’enfant atteint d’albinisme est normal physiquement et mentalement. Son unique obstacle réside dans son intégration sociale. Il faut qu’il ait une forte estime de soi pour s’intégrer », indique-Nastasia, soulignant que la discrimination touchant les albinos de certaines régions d’Afrique est pire qu’en  Haïti. En Tanzanie plus particulièrement, ils sont perçus comme des non-humains, munis de pouvoir mystique.

Par ailleurs, Nastasia est consciente qu’en Haïti, un enfant qui présente une différence quelconque, qu’il s’agisse d’un handicap physique ou autre, éprouve déjà des difficultés à s’adapter. Pour elle, c’est un manque de sensibilité eu égard au respect des droits de l’homme, qui veut que chacun respecte les droits d’autrui quel que soit sa situation économique ou physique, son appartenance sociale, ethnique ou encore sa croyance religieuse. Nonobstant que les points de vue à ce sujet soient un peu divergents en Haïti. 

   

 

« Donc, la meilleure option pour faciliter l’intégration des albinos c’est l’éducation », précise l’éducatrice. Elle entend par-là, d’une part l’éducation des personnes atteintes d’albinisme pour  renforcer leur estime de soi, et d’autre part, informer et former la communauté à travers des émissions de radio, des spots, des séances de sensibilisations, des causeries sur le statut des personnes atteintes de cette achromie, qui n’est ni une maladie contagieuse ni un phénomène surnaturel.

C’est dans ce cadre-là que le bureau Stratégique de la Communication et de l’Information Publique de la MINUSTAH (SCPI), a lancé une programmation spéciale radio et vidéo, en support à la campagne de sensibilisation à l’albinisme lancée ce 13 juin par l’artiste James Germain, à l’occasion de la Journée internationale de sensibilisation à l’albinisme, dont le thème est : « Nou tout se menm [Nous sommes tous pareils] ».

 

Photo : Marie Yolette B. Daniel - UN/MINUSTAH

Outre les émissions radiophoniques et télévisées, cette campagne comprend aussi deux journées de soins médicaux en faveur des albinos. Une initiative largement appréciée par les albinos dont Jeandry Atilus, chimiste éducateur. Il a profité de l’occasion pour s’adresser aux autorités concernées, leur demandant de mettre en place des mécanismes pouvant faciliter leur intégration. 

L’albinisme, une anomalie génétique, pas une maladie

L’albinisme est, selon les spécialistes en santé, une anomalie qui se caractérise par l’absence de pigmentation cutanée, capillaire et oculaire. Elle est due à une carence ou à l'absence totale de production de mélanine, pigment responsable de la teinte des cheveux, des poils, de l’iris des yeux et de la peau. Elle est génétique et congénitale. Pour sa part, Shesly Jean louis, médecin dermatologue estime que sur le plan immunitaire, un albinos n’est pas plus fragile qu’un individu normal.

« Une personne atteinte d’albinisme n’a aucune déficience. À cause de leur carence en mélanine, les albinos ont tout simplement une grande sensibilité au soleil et à la lumière vive. Ainsi, toutes les personnes atteintes d’albinisme ont une défaillance visuelle et sont susceptibles de développer un cancer de la peau », explique-t-elle. Selon le médecin, dans presque tous les cas d’albinisme, les deux parents doivent être porteurs du gène pour le transmettre à leur progéniture, même s’ils ne sont pas eux-mêmes albinos.

 

Photo : Marie Yolette B. Daniel - UN/MINUSTAH

 

« Le seul ennemi des albinos reste le soleil. Ils doivent absolument se protéger contre le rayonnement solaire », insiste Dr Shesly. Elle en a profité pour déconseiller aux albinos la pratique de certains métiers comme : la mécanique, le jardinage, chauffeur d’automobile etc. (Pour voir l’interview dans son intégralité cliquez sur ce lien : https://youtu.be/SzzsMoXHGMQ.)

 

« Ma différence avec les autres ne peut pas m’empêcher de matérialiser mon rêve », débite Catheline dont la plus grande aspiration est de devenir infirmière.  En plus de ses activités académiques, Catheline Jacinthe se passionne des travaux domestiques et elle assiste volontier sa maman dans ses entreprises commerciales. « J’invite les jeunes albinos comme moi à faire peu de cas des railleries des autres qui ne visent qu’à nous intimider. Si je les avais écouté, je ne serais pas en classe de seconde aujourd’hui », lance-t-elle en guise de conseils aux jeunes atteints d’albinisme comme elle.  

 

Rédaction et Photo : Marie Yolette B. Daniel