L’eau potable, un frein à la violence communautaire

4 mai 2016

L’eau potable, un frein à la violence communautaire

Photo : Taina Noster - UN/MINUSTAH

 

« C’est terminé les bagarres  pour les flaques d’eau des ravins après chaque pluie. Fini les périples à 4h du matin pour s’approvisionner en eau » jubilent les femmes présentes à la cérémonie  inaugurale d’adduction d’eau devant desservir la localité de Mémé. Par petit groupe, les dames de Sédren, localité de la 2ème section communale des Gonaïves, commentent l’événement car, cette cérémonie signifie pour elles et les autres habitants de la zone, l’accès à une eau potable et le début d’une nouvelle vie sans maladies hydriques.

Sur l’estrade érigée à quelques mètres du premier point d’eau, Pierre Erick Jean Baptiste, l’ingénieur- agronome responsable des ouvrages, signale que le projet,  divisé en trois étapes, a été exécuté en six mois. Dans un premier temps, l’eau captée à plus de 300 mètres d’altitude, est amenée à Mémé. Une fois parvenue à cet endroit, trois fontaines, équipée chacune de deux robinets, ont été installées pour la rendre plus accessible et prévenir d’éventuels conflits entre les membres de la population.

Dans un deuxième temps, 3000 plantules incluant des arbres fruitiers, forestiers et des bambous sont mis en terre autour de la source pour la  protéger. Et pour couronner le tout, la population a eu droit à des séances de sensibilisation sur la nécessité de bien gérer le système.

La cérémonie n’avait pas encore touché à sa fin que certaines femmes, récipients en main, s’approchaient timidement mais certainement des points d’eau, où le précieux liquide était déjà disponible. Et, les fillettes ne s’étaient pas fait prier pour les suivre.

En Haïti, dès qu’il s’agit d’approvisionner les ménages en eau notamment pour les usages domestiques, les femmes et les fillettes sont les premiers impliqués. Ce sont elles qui se lèvent tôt le matin et parfois marchent des heures pour alimenter la maison.

« L’eau est agréablement fraiche. J’en avais vraiment besoin. Je ne peux pas attendre », justifie cette dame avant de remplir un nouveau récipient du précieux breuvage incolore, si important pour l’organisme humain.

 Et, ce ne seront ni les discours, ni les nombreux véhicules, ni la musique du Disc-Jockey, ou tout le décor créé pour la circonstance qui détourneront l’attention de cette femme. Visiblement pressée de ramener l’eau propre et potable à la maison, un récipient en équilibre sur la tête, elle s’éloigne sans trop se soucier des regards attentifs des membres du comité d’exécution de l’ouvrage.

Face aux difficultés, la communauté s’engage

« Sans la coopération de la communauté, on n’aurait pas pu réussir le projet » concède M. Jean Baptiste. En effet, nombreux sont les agriculteurs qui ont accepté de perdre quelques plantules d’haricots  et/ou de défaire leur clôture pour faciliter la mise en place de la tuyauterie. « Le plus grand défi a été de faire arriver les matériaux sur le site pour la construction des bassins de sédimentation et de régulation muni d’une chambre de chloration » explique-t-il. Les paysans-ouvriers devraient marcher plus de trois kilomètres pour parvenir au site.

A côté de ces menus sacrifices, il fallait également aller au-delà du document de projet en raison de l’érosion accélérée du sol et des nombreuses crevasses laissées par la tempête Jeanne en 2004 et les cyclones Hannah/Ike en 2008. Les habitants se souviennent, d’ailleurs, que leur calvaire avait commencé à ce moment-là ; car, à l’époque, ils disposaient d’un système, certes désuet et dysfonctionnel à certains endroits, mais encore utile.

Entre le temps nécessaire à l’élaboration du projet et son financement, la dégradation du sol s’est accrue.  Les riverains, particulièrement membres de l’Association des jeunes paysans de Mémé (AJPAM) qui en assuraient l’exécution, ont du se serrer les coudes et mettre la main à la caisse pour surmonter les défis.  « Nous avons installés des poteaux et traité 2400 mètres de ravins en lieu et place des 1500 mètres prévues dans le document de projet. Nous avons érigé des seuils en pierres sèches et des murs de soutènement pour protéger les installations » explique avec fierté l’ingénieur Jean-Baptiste.

 

 

Une source de revenu

Pour Antoinette Noel, 45 ans et mère de six enfants, qui comme d’autres natives de la zone ont obtenu un emploi temporaire, ce projet lui a été doublement bénéfique.

 

 

Certaines femmes ont même utilisé leurs fonds gagnés pour monter de petits commerces de confiserie ou de produits alimentaires. Elles étaient près de 150 personnes à bénéficier directement du projet et près de 10,920 de manière indirecte.

Pour l’année budgétaire 2014-2015, la section ‘’Réduction de la violence communautaire, (Rvc)’’ de la MINUSTAH a déboursé un montant de près de 560,085.53 dollars américains pour la réalisation de trois ouvrages liés à gestion de l’eau dans le département de l’Artibonite. « Tous nos projets n’ont qu’un objectif, prévenir ou réduire la violence dans les communautés » explique Elyes Hassine, coordonnateur du bureau de la RVC pour l’Artibonite. L’identification se fait en collaboration avec les autorités locales et les acteurs de la société civile. Tout ce qui peut déboucher sur des frustrations et/ou des conflits sont pris en compte. Les travaux ont été réalisés sous la supervision de la Direction nationale de l’eau potable et de l’assainissement (Dinepa) et de la Direction départementale de l’agriculture.

Un comité de gestion composé de notables de la zone a été mis sur pied pour assurer la pérennité de l’ouvrage. Une contribution mensuelle de 25 gourdes par famille est exigée pour assurer les frais de maintenance du système.

 Selon des chiffres fournis par le responsable de communication de la Dinepa, Roméo Des Cars, la couverture d’eau potable pour les départements de l’Artibonite est passée de 32% à 62% en 10 ans.

 

Rédaction : Taïna Noster