Le nécessaire renforcement du système pénitentiaire haïtien

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3 sep 2014

Le nécessaire renforcement du système pénitentiaire haïtien

Photo : Victoria Hazou - UN/MINUSTAHPhoto : Victoria Hazou - UN/MINUSTAH

 

Construction d’infrastructures, renforcement de la capacité des agents, appui à la sécurité et à l’éclairage, réinsertion sociale… les initiatives de la MINUSTAH en appui de l’Administration pénitentiaire sont diverses et variées. Reportage.

Bloc sanitaire du Pénitencier national, 12 : 50 minutes. La chaleur est suffocante. Le vacarme des prisonniers laisse à peine entendre le bruit des marteaux. Pourtant, sur le toit d’une partie du bloc sanitaire, des agents du contingent péruvien de la MINUSTAH sont à pied d’œuvre. Trempés de sueurs, certains tiennent l’échelle, alors que deux autres arrivent à s’agripper sur la grille, après avoir mis de côté le fil de fer barbelé. Ils doivent boucler, dans les prochaines minutes, l’installation du sixième lampadaire fonctionnant à l’énergie solaire.

« La particularité de ces installations c’est que nous devons à chaque fois les adapter à la réalité du site et à nos moyens », explique Juan Luis Sánchez Pachacama, le technicien en chef qui vient à peine de descendre l’escabeau.

En fait, contrairement à l’implantation classique d’un pylone métallique dans le sol, les techniciens doivent surtout faire appel à leur savoir-faire et leur capacité d’innover pour ces genres de travaux. Les points d’implantation de ces lampadaires ne sont pas toujours faciles d’accès. « Tout travail est difficile, ajoute M. Sánchez Pachacama. Mais ce que nous réalisons ici est gratifiant, car il s’agit d’une assistance sociale », commente-t-il, les yeux rivés sur la lampe.

Depuis le 25 juillet 2014, l’équipe conduite par Sánchez installe ces lampadaires au Pénitencier national, le plus grand centre carcéral du pays. La même opération s’effectue dans les prisons de l’Arcahaie et de Croix-des-Bouquets. Au total, 15 lampes solaires dont 9 au Pénitencier national doivent être mises en fonction.

« Elles augmentent la visibilité dans certains endroits stratégiques de la prison. Parfois quand il vous faut faire le « tour » le soir, et que vous ne voyez pas bien, c’est compliqué », explique un responsable de la prison, l’air concentré, carnet de notes et stylo en main.

Au pénitencier national, on utilise le courant produit par l’Electricité d’Haïti (EDH) ou, à défaut, celui des génératrices de secours de l’institution. « L’avantage c’est que ces lampes solaires sont autonomes. Elles vont aider notamment quand nous devons faire la transition de l’EDH aux génératrices ou vice-versa », renchérit l’agent en uniforme, requérant l’anonymat.

 

Photo : UN/MINUSTAHPhoto : UN/MINUSTAH

 

Des interventions diverses pour un même but

L’installation des lampadaires dans la prison constitue l’une des multiples interventions de la MINUSTAH dans ce secteur qui fait partie intégrante de son mandat. «Nos agents passent au moins quatre heures dans les prisons tous les jours, même pendant le week-end, en appui aux policiers haïtiens», assure Minoungou Mahamoudou, officier de l’unité Corrections de la mission onusienne, l’air jovial.

Le renforcement des capacités des agents de l’Administration pénitentiaire constitue l’un des grands axes d’intervention de l’unité Corrections. Entre janvier 2013 et août 2014, plus de 630 personnes dont 70 femmes ont pu bénéficier d’une trentaine de formations réalisées dans le cadre de cet appui. Le code de conduite disciplinaire, les techniques et gestes professionnels d’intervention, le secourisme et la réanimation cardio-respiratoire, la gestion de situations d’urgence, les droits de l’homme et la lutte contre la violence basée sur le genre ont été, entre autres, les thèmes abordés.

«Les formations sont données sous la base des constats quotidiens des besoins sur le terrain », explique M. Mahamoudou, visiblement satisfait.

 

Photo : Victoria Hazou - UN/MINUSTAHPhoto : Victoria Hazou - UN/MINUSTAH

 

La réinsertion sociale des prisonniers

Pas moins de 12 projets ont été exécutés dans différentes régions du pays, entre janvier 2009 et février 2014. Ce qui représente 1, 146,371.80 dollars américains débloqués par la section Réduction de la violence communautaire (RVC) qui intervient aussi dans ce secteur.

Ces projets portent sur la construction d’infrastructures telles que des bâtiments administratifs, l’auditorium, des fosses septiques, ainsi que sur l’accompagnement psychosocial des détenus et le financement de petits métiers au profit des prisonniers afin de faciliter leur future réinsertion social et réduire du même coup le risque de récidive.

« Ces interventions entrent dans le cadre de nos activités visant à réduire la violence communautaire, car bon nombre de ces prisonniers viennent des quartiers défavorisés où nous travaillons souvent à rétablir la paix de concert avec les autorités locales », explique Dieusibon Pierre-Merité, coordonnateur du bureau régional de l’Ouest de la RVC.

Au 1er août 2014, le taux de surpopulation dans les prisons était de 172%, la population carcérale comptant plus de 10000 détenus, pour une capacité d’accueil de 5958 détenus. « Ces conditions ne sont pas seulement difficiles et contraires aux droits de l’homme, elles sont inacceptables pour les détenus comme pour le personnel pénitentiaire et la MINUSTAH continuera d’apporter une assistance technique et logistique aux autorités haïtiennes pour améliorer la situation et encourager le principe de responsabilité dans ce secteur », a indiqué Sophie Boutaud de la Combe, porte-parole de la MINUSTAH.

 

Jean-Etiome Dorcent - UN/MINUSTAH