Le Représentant spécial a.i. du Secrétaire général, Nigel Fisher à Le Point

11 fév 2013

Le Représentant spécial a.i. du Secrétaire général, Nigel Fisher à Le Point

Le Représentant spécial a.i. du Secrétaire général, Nigel Fisher à Le Point

Photo : UN/MINUSTAH

Radio Métropole – 7 février 2013

1-Avec cette carrière que vous avez derrière vous, pourquoi on ne vous a pas désigné tout simplement successeur de M. Fernandez. Pourquoi « ad intérim » ?

C’est au Secrétaire général des Nations Unies de vous répondre. Mais normalement, il n’y a pas une succession immédiate au sein d’une Mission. C’est pour le moment c’est « ad intérim ».

2-La possibilité que vous soyez définitif existe aussi ?

Je ne sais pas.

3- Vous ne savez pas encore ? Ok. On a eu la possibilité de se parler récemment. Vous avez dit qu’il y a une mission importante qui vous attend, notamment fournir l’appui qu’il faut au gouvernement haïtien dans l’organisation des élections. Ceci dit, on comprend immédiatement que la MINUSTAH a l’air préoccupé par rapport au lancement du processus électoral qui se fait encore attendre. Pourquoi vous pensez que cela doit être une priorité pour la MINUSTAH ?

Comme vous le savez, nous sommes ici pour promouvoir quelques éléments clés du développement d’Haïti dont : améliorer la situation de sécurité de concert avec les autorités haïtiennes et faire avancer l’Etat de droit et la bonne gouvernance. C’est pourquoi nous accompagnons les autorités haïtiennes. Selon la constitution, on est même en retard avec le calendrier électoral. Ainsi, je crois qu’il est très important pour l’avenir de la démocratie en Haïti, qu’on démarre ce processus aussitôt que possible en vue d’élections libres et ouvertes. Et je pense aussi que la réalisation de ces élections constituera un point de référence qui permettra à la communauté internationale d’évaluer le niveau de crédibilité du gouvernement. Je pense que, pour le moment, le retard pose des problèmes aux partenaires d’Haïti.

4-Votre prédécesseur avait exprimé les mêmes préoccupations. Pas plus tard que ce mercredi, l’ambassadeur des Etats-Unis était au Parlement, accompagnée de Cheryl Mills, pour exprimer leurs préoccupations par rapport au processus électoral. Quant à vous de la MINUSTAH, vous ne posez pas de conditions puisque les Etats Unis posent certaines conditions, notamment les élections doivent être crédibles, transparentes. Il y a 15 millions de dollars qui attendent pour financer le processus électoral, vous de la MINUSTAH, vous proposez quoi ?

Bon, souhaiter des élections crédibles et ouvertes, c’est normal. Cela ne peut pas être considéré comme des conditions posées. Ce que nous tentons de faire, c’est d’accompagner Haïti. Il est sûr que nous nous engageons avec les présidents des deux Chambres, en disant qu’une situation de division ne va pas aider l’avancement du processus démocratique dans le pays. Ainsi que pour nous, c’est dans l’intérêt du pays de réaliser ces élections aussitôt que possible. Et il faut qu’elles soient inclusives et pas exclusives.

5-Vous êtes là, prêt à appuyer le processus sur le plan logistique ?

Oui, sûrement. Mais pour cela, il faut d’abord une loi électorale, un calendrier, une date. Les discussions se déroulent maintenant autour de la formation de l’organisme électoral. Oui, notre boulot principal, c’est d’aider à garantir la sécurité et donner l’appui logistique nécessaire au déroulement des élections. Nous pensons qu’il est très important que les élections se déroulent cette année.

6-Comme votre prédécesseur Edmond Mulet, vous connaissez bien Haïti. On sait que vous étiez déjà là depuis des années. En 2008 vous dirigiez une équipe des Nations Unies pour évaluer les dégâts consécutifs aux quatre cyclones enregistrés dans le pays. Maintenant vous êtes Chef de la MINUSTAH, avez-vous identifié d’autres priorités ou défis, à part l’organisation des élections ?

Comme je l’ai dit, notre tache principale, c’est vraiment d’appuyer l’amélioration de la situation sécuritaire en renforçant la PNH. On a un objectif principal, c’est d’arriver en 2016 à 15.000 policiers, comme stipulé dans le plan de développement de la PNH. Nous avons aussi à promouvoir l’Etat de droit et un système judiciaire indépendant. C’est un autre élément crucial de notre mandat. Et peut-être un troisième aspect, c’est la bonne gouvernance, à savoir comment peut-on travailler avec les institutions gouvernementales pour renforcer l’Etat. Parce que notre objectif, ce n’est pas de rester ici toute la vie ; c’est de nous retirer quand les institutions nationales seront plus fortes.

Comme j’ai porté récemment ma casquette de Coordonnateur des agences, je dois dire que la lutte contre la pauvreté, c’est aussi un élément important. Cela ne figure pas dans le mandat de la MINUSTAH lui-même, mais dans le mandat des agences de développement des Nations Unies. En ce moment crucial, surtout après les tempêtes de l’année dernière, après la sécheresse, la situation des démunis a empiré. Cela doit être vraiment une priorité et je me demande quand on parle de l’Etat de droit et de la sécurité, qu’est-ce que cela veut dire pour une personne ordinaire? Une femme pauvre qui vit dans une maison, qui n’a pas les ressources pour envoyer son enfant à l’école, alors, elle l’envoie peut-être en ville comme restavèk. Qu’est-ce que la démocratie fait pour cette personne ? Que signifie la justice pour elle? Qu’est-ce que c’est que le développement  pour elle? Ainsi, on parle toujours d’institutions, mais derrière les institutions, on trouve les Haïtiens eux-mêmes et on doit se demander, qu’est-ce que cela veut dire pour eux.

7-Vous avez la réponse ?

Cela veut dire : Accès à la justice. Cela veut dire que chaque Haïtien, pauvre ou riche, doit comprendre que la justice est ouverte et égale pour tous. Cela veut dire que la démocratie signifie que moi, comme individu, comme Haïtien, j’ai le droit de participer dans les décisions qui vont toucher ma vie. Qu’une bonne éducation, qu’une bonne santé, ce n’est pas un privilège, c’est un droit. Ainsi, en tant que citoyen, j’appellerai aux autorités gouvernementales à investir dans le social afin que je sois protégé.

8- En d’autres termes, ces droits là ne sont pas respectés en Haïti ?

Cela varie, mais la majorité, 70, 80% de la population vit dans la pauvreté. Ainsi, il est clair que leurs droits ne sont pas respectés, même pas le droit à un emploi. Depuis trois ans, dans les camps de déplacés après le tremblement de terre, de temps en temps, nous posons la question dans les enquêtes : « Qu’est-ce que vous voulez ? ». On ne dit jamais qu’on veut recevoir quelque chose, comme une tente, une maison… On dit toujours : « J’ai besoin d’un emploi, j’ai besoin de travailler, j’ai besoin de gagner ma vie pour que je puisse choisir quoi faire avec mon salaire, envoyer mon enfant à l’école ». A mon avis, il est important que chaque citoyen puisse gagner sa vie et inspirer ainsi le respect qu’il faut. Aussi, quand on dit qu’Haïti est ouvert aux affaires, « open for business », qu’est-ce que cela veut dire ? « Open for business » pour une minorité ou pour tous les Haïtiens ? Si c’est pour tous les Haïtiens, cela indique alors la voie dans laquelle nous devons nous engager avec les décideurs du pays, en tenant compte des priorités.

9- Si je comprends bien, M. Fisher, certains droits prévus dans la Déclaration universelle des droits de l’homme ne sont pas respectés : droit au travail, à la santé, à l’éducation. Ici en Haïti, la situation est préoccupante à ce niveau-là, pensez-vous ?

La MINUSTAH ne serait pas ici si tout fonctionnait bien. On était invité par le gouvernement d’Haïti. On est ici pour exécuter un mandat du Conseil de Sécurité des Nations Unies depuis 2004. Alors dans le pays il y a une faiblesse en termes de sécurité, d’Etat de droit, de gouvernance, et nous somme là pour accompagner Haïti sur la voie du progrès dans ces domaines et de la stabilité. On travaille maintenant avec les autorités pour voir comment Haïti pourrait apporter une meilleure réponse aux désastres, et non pas la communauté internationale. En 2010, c’était presqu’une invasion d’acteurs humanitaires. On doit accompagner, mais pas substituer.

10-Peut-être dans un instant, on aura à revenir sur le travail que vous avez effectué dans certains pays. Comme on l’a dit au début de l’interview, on sait que vous avez été dans une douzaine de pays, en Afrique, au Moyen-Orient, vous avez été en Asie aussi, en Afghanistan, au Rwanda, en Iran…là où il y a eu toujours des problèmes. Donc, vous êtes en Haïti aujourd’hui, est-ce que cela veut dire que c’est vraiment très grave en Haïti aujourd’hui ?

(Pause)

11- Mais avant de répondre à la question posée avant la pause, je voudrais vous demander si, à votre avis, en 2013, la présence de la MINUSTAH se révèle indispensable en Haïti ?

C’est peut-être aux Haïtiens de juger, mais jusqu’à présent le Conseil de Sécurité le juge indispensable puisque on n’a toujours pas suffisamment avancé en matière de sécurité et de renforcement des institutions nationales pour la consolidation de la démocratie. Je souhaiterais qu’Haïti puisse se passer de nous le plus vite possible, mais cela ne revient pas à nous, surtout pas à moi, parce que c’est le Conseil de Sécurité qui doit évaluer. Mais cela dépend des deux côtés : du côté haïtien et de notre côté aussi. Et je pense que le suivant sera très important dans les mois à venir : c’est de nous mettre d’accord, Haïti et la MINUSTAH, pour trouver les indicateurs permettant d’évaluer les progrès et le moment où la Mission, en fonction des objectifs atteints, pourra se retirer. C’est très important que ce ne soit pas uniquement une initiative de la MINUSTAH, mais qu’il y ait un accord entre les deux parties.

12-On essaie de comprendre votre approche. On parle souvent de stabilité. On a eu des élections, on a eu M. Préval élu pendant la présence de la MINUSTAH. M Préval a passé le maillet à son successeur, Michel Martelly. Est-ce que, à votre avis, on n’est pas sur la voie de la stabilité ? Puisque vous êtes là pour stabiliser, une fois que la stabilité se précise, il se pose la question de l’importance de la présence de la MINUSTAH. Est-ce qu’à votre avis, cette stabilité est encore fragile en Haïti ?

Oui, je pense que c’est fragile. Il y a plusieurs aspects à considérer en matière de stabilité ou de sécurité. D’un côté, on peut dire que dans les dernières années, par exemple, le taux de kidnapping a diminué, mais en même temps, le taux d’homicide a augmenté, en comparaison avec 2001. C’est donc une image mixte. En termes de renforcement de la police, cela marche mais on a un défi énorme pour arriver à cet objectif de 15.000 policiers en 2016. Je dois dire qu’à part les élections, il y a un problème profond au niveau de la culture politique en Haïti. Si je dois donner un point de vue personnel, je dirais que c’est la politique d’exclusion. C’est-à-dire qu’on gagne tout ou on perd tout. Au Parlement, par exemple, pour créer des commissions, le parti majoritaire a le droit d’avoir la majorité, mais toutes les tendances politiques doivent être représentées dans la discussion. Et dans ce processus où il n’y a pas de gagnants, c’est malheureusement la voie sur laquelle Haïti semble avancer. Il me semble qu’il est très important d’avoir un accord politique, mais au moins un accord de base sur comment on va gérer la vie politique. Comment est-ce qu’on va faire avancer l’économie pour que tout le monde puisse y participer, ne pas exclure quelqu’un et inclure l’autre.  Je pense que l’un des principes appliqués au niveau international, dans toute approche vraiment démocratique, c’est de promouvoir une approche politique d’inclusion. Je pense que c’est important. Les divisions ne sont pas utiles.

13- Vous préconisez l’inclusion et la participation. Mais votre prédécesseur avait parlé de préférence d’un constat qu’il a fait, soulignant qu’il y a un manque d’instinct grégaire chez les Haïtiens. Partagez-vous ce point de vue ?

Au niveau politique, je reviens sur la question : est-ce que tout le monde est d’accord sur une plateforme politique de travail ? Il n’est pas nécessaire que je vous aime, mais j’accepte que vous avez le droit de parler, que vous avez le droit de participer aux débats. Et je trouve quelques fois que ce respect mutuel est absent. Et on est ici pour travailler, en se demandant quelle est l’expérience démocratique qui avance et qui est basée sur au moins un accord. Je voudrais en discuter avec mes homologues haïtiens. Qu’est-ce qu’on peut faire pour encourager les Haïtiens à croire dans le processus démocratique qu’on est en train de mettre en place ?

12- Vous avez précédemment dit que le citoyen ou la citoyenne pourrait ne pas savoir ce que c’est que la démocratie. Cela peut être la même chose pour les élections, c’est-à-dire, pour lui ou pour elle, ce n’est pas son affaire. Vous l’invitez à aller voter, il ou elle va voter et puis cela s’arrête là, si on ignore ce que c’est que la démocratie, l’Etat de droit, la justice.

Je suis allé sur un chantier dans une zone en 2010, pendant les élections. Un groupe d’Haïtiens travaillait sur la route. C’était pour créer une petite route entre les fermes et le marché pour faciliter l’acheminement des produits. J’ai demandé aux gens : vous allez voter ? Un homme m’a répondu : pourquoi ? Est-ce que cela va faire quelque chose pour moi ? Je crois que cela doit porter les leaders à réfléchir et voir comment on peut travailler ensemble pour changer la perception des citoyens. Je crois que les élections sont un élément essentiel pour la démocratie. Le citoyen a le droit de participer dans les décisions qui affectent sa vie. Mais je reviens à des exemples plus classiques : qu’est-ce que la démocratie pour, peut être, un paysan ? Peut-être, c’est de manger deux fois par jour, au lieu d’une fois ; c’est peut-être de dormir sur un matelas au lieu du plancher ; c’est de vivre dans une communauté où il y a une solidarité, où on peut s’entraider. Cela aussi, c’est la démocratie.

13-C’est une définition de M. Fisher ?

Il y a plusieurs définitions. C’est un élément de la définition.

14-Aujourd’hui, est-ce que vous estimez, qu’en tenant compte de ces considérations, qu’il n’y a pas de progrès en Haïti ?

Non, non, il y a beaucoup de progrès. Je suis ici seulement depuis trois ans, ainsi je peux voir beaucoup de progrès. On peut le voir physiquement. Le déblaiement des débris, les gens dans les camps. Il y avait 1.5 million en juillet 2010, maintenant 350.000, c’est beaucoup moins. On a vu des investissements. On voit ici en ville les routes et les rues qui sont réparées. C’est la même chose dans le reste du pays. Oui, on peut voir des progrès, on peut voir des investissements. Mais cela pourrait être beaucoup plus. Si on prend le produit brut national de l’année dernière, l’estimation au commencement de l’année était de 8%. Finalement cela a été de 2,5%. Qu’est-ce qui est arrivé ? C’est un manque d’investissement. Mais je pense que cela est lié aussi aux messages que le pays envoie quand il n’y a pas d’élections ou quand il y a un manque de dialogue au niveau politique. Je dois dire honnêtement que c’est l’une de mes préoccupations, et je crois que cela doit être une préoccupation pour les leaders aussi. Que veulent dire ces signaux de dysfonctionnement politique qu’on envoie aux investisseurs, aux pays amis d’Haïti ? Ces derniers peuvent-ils croire qu’Haïti est ouvert aux affaires ? Je pense que ce message n’est pas clair.

15-Vous parlez là d’incertitudes qui peuvent constituer un mauvais signal ? Je voudrais revenir sur la comparaison que vous aviez faite récemment en parlant des citoyens. Etant donné que certains problèmes ne sauraient se résoudre par le haut, pourquoi la MINUSTAH ne s’attaque pas à ce genre de problèmes, à la base, c’est-à-dire, accompagner les Haïtiens effectivement ? Certes, vous accompagnez le gouvernement, mais il n’y aura pas de stabilité réelle sans la participation consciente des Haïtiens.

Comme vous savez, nous avons des bureaux autour du pays dans chaque département, pas seulement la UNPol et les militaires, mais aussi notre section des Affaires civiles. C’est leur travail d’accompagner surtout le renforcement de la gouvernance locale, mais aussi promouvoir les plateformes de dialogue avec la société civile. Par exemple, pendant les dernières élections, on a encouragé à travers le pays des plateformes qui rassemblaient des leaders locaux, les représentants de la société civile pour s’assurer que tout se passerait bien. Après le tremblement de terre, on a soutenu ce qu’on appelle « la voix des sans voix ». On a demandé à travers le pays ce dont les gens avaient besoin. Mais ce n’est pas finalement la responsabilité de la MINUSTAH de se focaliser sur le développement économique et social. C’est plutôt le rôle des agences des Nations Unies et des bailleurs. Mais si je reviens à la MINUSTAH, si on discute de l’Etat de droit, c’est pour promouvoir ce dialogue : comment est-ce que la population, les citoyens haïtiens peuvent participer dans le processus politique ? C’est cela. Par exemple, on a encouragé et organisé des plateformes avec les femmes, non pas pour promouvoir le rôle de la femme dans l’économie, mais pour discuter comment les femmes peuvent participer dans la vie politique de leur pays et se porter candidates aux élections.

16- M. Fisher, revenons maintenant à ce que vous avez fait dans d’autres pays. C’est vrai, c’est dans des pays où il y a eu des conflits, de la guerre civile, est-ce qu’il y a une formule universelle qui marche pour sortir certains pays de marasme, de sous-développement, est-ce qu’il y a une formule que vous avez constaté, qui marche, qui pourrait s’appliquer aussi en Haïti ? Prenons par exemple le Rwanda qui ressemble un peu à Haïti, l’Afghanistan, l’Irak et que ce sont des pays à culture différente. Est-ce que à votre avis, pour avoir vécu dans ces pays pendant un certain temps, il y aurait une formule qui pourrait s’appliquer à Haïti ?

Peut-être qu’il n’y a pas une formule idéale, mais je peux citer quelques éléments. J’ai l’habitude de travailler dans des situations surtout de crises et de guerres. Dans ces crises, il faut assurer la protection des civils, surtout des enfants. Dans le cas de guerre, il faut éviter qu’ils soient traumatisés. C’est donc de négocier afin de protéger les citoyens et assurer leurs droits fondamentaux. C’est un élément clé. J’ai négocié avec des gouvernements prédateurs. J’ai négocié avec des rebelles. Il faut toujours avoir une voie de communication ouverte. On ne peut pas changer les choses sans des discussions. Mais une fois que j’ai négocié avec des rebelles prédateurs, je dis toujours, est-ce que vous pensez que ces abus des droits des enfants, par exemple, vont vous aider à atteindre vos objectifs, en pensant que vous allez attirer l’attention du gouvernement ? Non, vous serez mis au banc des accusés et le monde international va vous condamner.

Il y a une inégalité énorme entre la femme et l’homme. Il y a une exclusion qui est basée sur le genre. Pourquoi perdre la moitié des ressources d’Haïti avec une telle approche ? Si les femmes et les hommes sont égaux devant la loi, il faut exploiter les talents de tous.

17-Voyons maintenant pour le comportement des casques bleus en Haïti. Certains étaient impliqués dans des actes de viol…etc., comment vous entendez faire respecter ou encore appliquer la politique tolérance zéro de la MINUSTAH ?

Même un seul cas, c’est un cas de trop. Comme vous le savez, on a eu plusieurs cas. Ce que je voudrais faire, c’est d’investiguer tout de suite et prendre les mesures nécessaires pour résoudre le problème. Avec les Nations Unies, qui n’a pas un système de justice interne, s’il y a un cas ou une accusation, en tant que Chef de Mission, je dois envoyer tout de suite le cas et les détails à New York. Alors, le siège contacte le pays d’origine du présumé fautif, car c’est finalement le pays contributeur concerné qui doit poursuivre l’accusé en justice ; ce n’est pas l’ONU. L’accusé est redevable devant la loi de son pays. Mon rôle, c’est d’assurer que la justice du pays concerné est mise en branle contre le fautif présumé. De mon côté, je peux assurer qu’il y a un message très fort envoyé aux contingent concernés et que de telles personnes ne puissent plus jamais travailler au sein des Nations Unies.

18- Vous allez partir cette semaine pour votre premier briefing à NY. Qu’est-ce que vous allez dire au sujet d’Haïti ?

Ce sera surtout une mise au point de la situation de la Mission. Comme Représentant spécial a.i. je compte aussi rencontrer les collègues du Secrétariat de l’ONU, et aussi les membres du Conseil de Sécurité, tout en leur réitérant mon engagement comme chef de la MINUSTAH à bien accomplir le mandat qui lui a été conféré par la dernière résolution du Conseil.

19-On termine, M. Fisher, mais permettez-moi une dernière question. On estime que le choléra a été introduit en Haïti par la MINUSTAH. Vous avez entendu ces informations aussi ?

Naturellement et j’ai lu tous les rapports et les analyses.

20-Quel genre de suivi vous entendez donner ?

Bien. A présent, le cas est devant le Bureau légal des Nations Unies et je ne peux rien dire là dessus. Mais comme je suis ici depuis trois ans, j’ai trouvé un compromis. Qu’est-ce qui est important maintenant ? C’est d’assurer que la situation sanitaire en Haïti soit renforcée, par exemple, contre les épidémies. Mon travail c’est de faire en sorte que ceux qui sont encore en santé vont avoir de meilleures conditions de vie. J’ai ainsi le devoir de travailler avec Haïti pour lever les fonds nécessaires à l’installation de systèmes améliorés d’adduction d’eau et d’assainissement de manière à prévenir toute épidémie, parce que c’est une tragédie absolue. On a perdu des milliers de vie. On ne peut pas être neutre en face de cela.

21- M. Fisher, vous allez passer un peu de temps en Haïti, vous ne savez pas combien de temps vous allez passer comme Chef de la MINUSTAH, avez-vous un message pour les Haïtiens ?

Bien, je suis ici depuis trois ans. J’aime beaucoup le pays. Je veux vraiment faire quelque chose qui puisse aider. Je n’ai pas d’agenda caché. Et quand je dis que je vais vraiment accompagner Haïti, c’est la philosophie que j’ai appliqué pendant mes trois ans passés ici. Comment est-ce qu’on peut renforcer les institutions de la société civile, du gouvernement, les capacités nationales pour que la MINUSTAH puisse se retirer ? Je me demande toujours si ce qu’on fait aujourd’hui on ne va pas le faire encore dans deux ou trois ans, parce que c’est Haïti et les Haïtiens qui doivent se prendre graduellement en charge. Ce n’est pas l’ingérence, mais ce n’est pas non plus l’observation passive. C’est l’engagement et l’accompagnement.

22-L’effectif des casques bleus des Nations Unies aujourd’hui ? Vous avez combien ?

Environ 7.000. On a diminué l’année dernière, et on va diminuer encore plus cette année.

23. Cela va continuer ?

Bien sur. Mais tout dépendra des conditions dans le pays.

24-La Police nationale, à votre avis, a fait des progrès ?

Oui, il y a des progrès, surtout, on voit que par exemple, dans le domaine des investigations criminelles, il y a eu vraiment des progrès. Il y a un renforcement, non seulement en termes d’effectifs, mais aussi en termes de capacités. Mais la voie est longue. Ce qui est très important aussi, c’est d’assurer qu’il y a une police nationale présente dans tout le pays, même si la majorité de la PNH se trouve basée ici à Port-au-Prince.

26-Est-ce que le vetting va se poursuivre ?

Oui, sûrement. On a déjà plusieurs cas soumis pour être examinés. Cela va continuer. Et en même temps, on doit accélérer le processus de recrutement.

27-A vote avis, il n’y a pas eu d’abus au cours de la première phase du vetting ?

Cela, je ne sais pas. Est-ce que je pourrai revenir sur le sujet lors d’une prochaine entrevue ?

28-Aucun problème. Cela fait plaisir, si vous pouvez nous apporter la réponse y relative.

D’accord.

29-M. Fisher, nous étions contents d’avoir la possibilité, voire le privilège, de vous poser des questions ce matin. Nous espérons que votre participation à cette émission a grandement plu aux auditeurs et téléspectateurs de Métropole. Merci infiniment d’avoir accepté d’être avec nous.

C’est un plaisir et je suis sûr que ce ne sera pas la dernière fois.

30-Ce ne sera pas la dernière.

Merci.