Margalie: une femme touche à tout

9 mar 2016

Margalie: une femme touche à tout

Photo: Pierre Jérôme Richard - UN/MINUSTAH

Photo: Pierre Jérôme Richard - UN/MINUSTAH

 

Sur un trottoir au Boulevard Jean Jacques Dessalines prolongé, juste en face de la Direction centrale de la Police judiciaire, DCPJ, non loin de l’Aéroport International Toussaint Louverture, à Port-au-Prince, un “studio” photo s’improvise. Son objectif premier : desservir les demandeurs de certificat de bonne vies et mœurs ayant un besoin pressant de photos d’identité. Et, Marie Margalie Lubin, la manager de cette ‘’entreprise’’ est plutôt satisfaite de l’accueil du public.

 

 

L’idée de départ de cette entreprise  est d’une cousine aujourd’hui hors du pays. Mais, Margalie ne s’est pas fait prier pour la faire fructifier. D’ailleurs elle répond à un besoin, compte tenu de la quantité de gens qui, à longueur de journée, cinq jours par semaine, fréquente la DCPJ en quête d’un certificat de bonne vie et mœurs. ET, ce document ne peut être obtenu sans des photos d’identité au format de passeport.

Avec un court stage aux cotés de sa cousine, Margalie s’est rendue compte que “ce n’est pas plus difficile que ça’’ de réaliser les photos aux dimensions et formats adéquats. 

D’ailleurs, “des fois des policiers se déplacent ou envoient vers moi des gens pour des photos en urgence’’, confie celle qui n’a jamais eu une formation formelle en  photographie.

 

Des roses, mais aussi des épines

 

À côté des équipements photographiques, sur la seule et même petite table branlante, il y a également du papier hygiénique avec lequel elle essuie les visages parfois poussiéreux, en sueur ou encore graisseux de ses clients. Vestes et cravates, notamment de couleurs noir ou bleu foncée font partie du matériel disponible, dépendamment du type de photos exigées.

Pour combler le vide d’un autre service qui, également, fait défaut dans cette zone, cette esthéticienne aux cheveux courts, au teint foncé, portant des verres correcteurs, a ajouté une mini photocopieuse, sur cette tablette qu’elle ne se donne même pas la peine de déplacer du trottoir au moment de partir.

Pourtant, elle fait bouger chaque soir le reste du matériel qu’elle dépose chez un riverain, moyennant une cotisation hebdomadaire.

Faire fonctionner son business exige donc que Margalie dispose d’une génératrice qu’elle doit allumer et éteindre  à tout bout de champ. Un exercice qu’elle est contrainte, des fois, de faire pour une prise de vue ou la simple copie d’une pièce (acte de naissance, une page d’un passeport  ou tout simplement un badge).

N’étant pas résidente de la zone, « c’est devenu une obligation de me lever tôt ». Habitant à environ 30 minutes et obligée de changer de taxis, elle laisse sa maison sise à Haut Turgeau, à 6 heures pour être sure d’être sur place avant 7h30, embouteillage oblige. « L’important c’est d’être là avant l’ouverture des bureaux (à la DCPJ) à 8h30 », sourit-elle.

 

Maintenir le flambeau (processus)

Aussi propriétaire d’un studio de beauté, Margalie confie ce business à « une personne de confiance » pour la journée. Apres 4 heures, au moment de la fermeture des bureaux à la DCPJ, n’allez pas croire que sa journée se termine.

« Comme j’ai dit tantôt, j’ai d’autres petites ressources. Chaque soir au moment de rentrer je passe à des épiceries ou supermarchés prendre les ingrédients nécessaires à de la pâtisserie », confie encore cette diplômée en cuisine et pâtisserie.

Avec les produits achetés çà et là, elle  prépare assez souvent de petits délices tels des gâteaux, du pain patate, qu’au matin elle dépose chez une amie propriétaire d’un mini restaurant à proximité d’un centre universitaire. « C’est vrai que ce n’est pas grand-chose mais le soir en rentrant, je suis sûr de trouver quelque chose qui me permet de recommencer le processus avec un petit bénéfice », soupire-t-elle, soulignant qu’il lui arrive de trouver de petits contrats par exemple de réception de mariage.  Mais ce sont « des choses occasionnelles ».

 

Photo: Pierre Jérôme Richard - UN/MINUSTAH

Photo: Pierre Jérôme Richard - UN/MINUSTAH

 

Si « Dieu t’envoie de l’eau sur le corps, à toi de terminer ton bain », ajoute encore celle qui ‘’ touche à tout ce qu’elle trouve’’.

Débrouillarde comme pas deux, Margalie , mère d’un enfant, croit que « Si Dieu m’a donné l’intelligence, le bon sens, alors à moi de faire travailler mes méninges ». Une façon de condamner certaines personnes qui comme elles se reposent sur leurs lauriers attendant peut-être que la manne  leur tombe du ciel.

En plus de ses diplômes en cosmétologie et en cuisine, Margalie envisage « sérieusement » de reprendre ses études classiques suspendues depuis 6 ou 7 ans, suite à un échec au Baccalauréat 1ère  partie, alors qu’elle cherche un endroit plus stable où faire fonctionner son business de photos et photocopie.

 

Rédaction : Pierre Jérôme Richard