Moi, Nathy, femme libre

25 oct 2013

Moi, Nathy, femme libre

Apres 33 mois de détention à la Prison civile de Pétionville, unique prison de femmes en Haïti, Naty, la trentaine sonnée, est libre. Le juge l’a déclarée non-coupable. Elle raconte sa vie de détenue et sa joie de recouvrer la liberté.

Photo: Srdan Slavkovic - UN/MINUSTAH Photo: Srdan Slavkovic - UN/MINUSTAH

Aujourd’hui, je suis libre.

Mais je n’oublie pas les mois passés en prison. Je déplore qu’en Haïti il faille attendre des mois pour être jugé.

Libre, je peux à nouveau vivre pleinement ma vie, chaque jour, planifier mes tâches et m’autoriser les gestes les plus banals pour goûter à la liberté. Je vais au marché, j’achète ma nourriture et prépare moi-même mon repas. Je le partage avec qui je veux.

En prison, on nous sert un repas préparé pour tout le monde ; un repas préparé et mangé dans la précipitation ; un repas sans goût parce que préparé sans soins…

J’ai hâte de retrouver mes deux enfants restés aux Etats Unis, mais il est important que je me réapproprie le quotidien. En exécutant mes tâches de tous les jours, je redécouvre avec joie mon statut de femme à la maison. Mais en même temps, je suis triste pour mes camarades de cellules restées en détention et privées de ce privilège. Je leur promets mon soutien et leur dédie mes gestes de tous les jours.

Je dois relever des défis, rebâtir ma vie sur de nouvelles bases en regardant mon passé. Je lève les yeux vers l’avenir pour tracer mon chemin.

Lorsqu’on a été en prison, qu’on a été condamné ou pas, on n’est plus la même personne tant aux yeux de la société qu’à ses propres yeux. J’ai besoin d’appui mais, en Haïti, aider des anciens détenus à se refaire une vie, c’est ce qui manque le plus.

Je rêve d’une Haïti nouvelle où règne une vraie justice pour éviter que des innocents passent trop de temps en prison. Je rêve aussi pour mes enfants et moi-même.

Je veux préserver non passé de détenue. Et pourquoi pas, un jour, réaliser un film sur la vie en prison...

 

Découvrez en photos l'ancienne vie de Nathy, à la prison civile de Pétionville à Port-au-Prince. Nathy apparait aussi dans le film 'Tet Fe Mal' sur la santé mentale en prison:

Pour en savoir plus sur la détention préventive prolongée, un mal dont a souffert Nathy, lisez les propos de Carl Alexandre à l'occasion de la Journée internationale du détenu qui parle de 'situation alarmante'.