Une autre vie à Carrefour la Mort
A la mi-journée, soit vers 13 heures, c’est l’heure du lunch. Mais avant Marie Carmelle confie : « je dois la laver, changer sa couche, et lui mettre des habits propres ». Sachant qu’elle ne parle ni ne marche, « elle occupe presque tout mon temps. Je ne peux même plus aller à l’église comme j’en avais l’habitude », soupire-t-elle. A l’aide de chants évangéliques, Madame Valestin, infirmière de profession, aidée de deux autres collègues femmes, utilisent tout ce qu’elles ont comme talents pour faire profiter de la vie à ces patients qui ne cessent de bondir, voltiger, rouler, ramper ou roucouler dans le cadre de séances de thérapie organisées à l’ombre d’arbres dans la cour de l’établissement. Sur leurs chaises roulantes, assis par terre, allongés sur un tapis, ou à même le sol, ces petits êtres réagissent avec application aux sons et gestes de leurs monitrices. « C’est au cours d’une de ces séances de thérapie que j’ai su que ma petite fille est née aveugle », raconte Miriana Altidor, jeune femme dont la fille marche sur la pointe des pieds, n’ayant jamais réussi à déposer la plante sur le sol. Selon cette femme, l’enfant avait seulement trois jours lorsqu’elle a été atteinte d’une crise qui, d’après des médecins, était provoqué par un excès de sang dans le corps. « Ce n’est qu’après qu’on lui ait enlevé du sang qu’elle a présenté plusieurs symptômes d’apparence anormale comme le fait que son cou ne puisse tenir sa tête ou qu’elle ne puisse s’asseoir correctement », soutient-elle. S’adapter à la manière d’être des enfants Pour se baigner, se nourrir, s’habiller, ces enfants aux besoins physiques et mentaux spéciaux. ‘’Je fais preuve de beaucoup de patience avec eux, car Dieu seul sait, j’aurais pu être comme eux’’, souligne Marie Lina, qui vient de déposer sur une étagère à la salle d’attente trois ou quatre petites bouteilles de médicament. Quoique ménagère, elle aide parfois à laver les enfants. « J’aide à les faire manger », confie cette mère de famille à la voix tendre. Même rémunérée, la tache reste « difficile », raconte Florina Louidor, sexagénaire en poste depuis six ans, tout en enlevant sa paire de gants. Pas besoin de vous dire qu’elle s’occupe de la propreté de ces petits êtres presqu’à 100% dépendants. La plupart d’entre eux ont des difficultés à mâcher, d’autres à avaler, « il est donc nécessaire de faire passer la nourriture au Blender et même dans un passoir pour être sure qu’ils peuvent l’avaler », explique pour sa part Simone, debout dans la cuisine, grande cuillère en aluminium à la main droite, s’affaire à préparer le repas de la mi-journée. De la main gauche, elle réduit le niveau de son four à gaz. « A côté de tout ça, ajoute-elle, ces enfants ont des gouts très divers et variés qu’il faut satisfaire ; ce qui rend la tâche encore plus difficile. A mesure que les enfants arrivent à la ‘Maison’, il faut donc s’adapter. En ce sens, le personnel reçoit de temps en temps des formations dans des domaines divers touchant tant à la nutrition, aux soins sanitaires ou à l’hygiène. « Je fais tout pour m’adapter à leur manière d’être », soutient-elle. Depuis son ouverture en 2009, ce centre de « répit », supporté par la MINUSTAH à travers la HHA, utilise les soins de santé, la musique, et d'autres activités connexes afin d'améliorer la vie des enfants. Rédaction : Pierre Jérôme Richard