Nord-ouest : de l’eau dans le désert

7 juin 2013

Nord-ouest : de l’eau dans le désert

A l’instar de plusieurs villes d’Haïti, l’eau potable est une denrée rare dans la commune de Bombardopolis, à 65 km de Port-de-Paix dans le département du Nord-ouest. Pourtant, cette ville vieille de 154 ans est entourée par la mer. Des initiatives se multiplient pour apaiser les souffrances de ses quelque 30 000 habitants.

Nord-ouest : de l’eau dans le désert

Photo : Vicky Delore Ndjeuga - UN/MINUSTAH

Le soleil chauffe en cette fin de matinée, dans la petite localité de Clenette (2e Section communale de Bombardopolis). Autour de l’unique point d’eau de la zone, jeunes et moins jeunes, femmes et hommes, font le pied de grue pour obtenir quelques gallons (5 litres environ) d’eau potable. Ils viennent des localités environnantes, ou de bien plus loin : Grand Boulay, Cadelon, Bouko.

Marie Villasso, une dame d’un certain âge, s’échine sur la pompe à pression pour obtenir le précieux liquide. Lorsque, au bout de l’ultime poussée, son second gallon déborde d’eau fraîche, elle souffle enfin, sous les regards envieux de ceux qui attendent désespérément leur tour.

« J’ai  fait  plus de trois heures de route pour trouver l’eau. Je fais cela chaque jour », confie cette mère de 12 enfants. Trempée de sueur, le souffle court, Mme Villasso a dû attendre son tour pendant deux heures, une fois arrivée sur place. Elle aura encore besoin de beaucoup d’énergie pour couvrir les trois heures de marche qui la séparent de son domicile, à Pélissier II.

Et pourtant, Marie Vilasso ne se plaint pas. « Avant la construction de ce puits, nous allions beaucoup plus loin, dans la zone de Bouko. Là-bas, l’eau n’est pas propre, elle nous rendait malades, mes enfants et moi », explique-t-elle.

Depuis que le puits fonctionne, il est envahi pendant toute la journée et une bonne partie de la nuit. Certains, pour éviter les bousculades, préfèrent s’approvisionner au crépuscule. C’est le cas notamment des personnes âgées.

Coupe anarchique des arbres

Plusieurs raisons expliquent cette raréfaction de l’eau potable à Clenette. Notamment, la coupe anarchique des arbres. « Le constat au niveau de l’environnement est préoccupant. La production de l’énergie et l’exportation sont la cause du déboisement très avancé. Plus de 80% de l’énergie provient du charbon de bois », explique Kerly Petit-Dieu, le Directeur régional de l’Agriculture. En outre, la commune de Bombadopolis se trouve sur un plateau de 700 m d’altitude, exposé à une longue période de sècheresse de novembre à mai. La région est l’une des plus pauvres et des plus sèches d’Haïti.

Ainsi, la MINUSTAH, associée à d’autres partenaires (Caritas Port-de-Paix et Fidcon – une organisation humanitaire tchèque) a financé la construction de dix puits artésiens dans le Bas Nord-ouest dont cinq dans la commune de Bombardopolis. Afin de trouver l’eau si rare dans la zone, certains dépassent les 60 mètres de profondeur. La contribution de la Mission onusienne s’élève à environ 50 000 dollars américains.

Fer de lance de la quête de l’eau à Bombardopolis, le curé de la paroisse, le Père Cholet  Augustin, explique que « les enfants abandonnaient l’école pour aller chercher de l’eau pour toute la famille ». Avec la construction de ces puits artésiens, il espère ainsi les voir reprendre le chemin des classes.

Dans la localité de Sous-Pont, un puits a été inauguré en février 2013. Il est géré par un comité mis sur pied afin de maintenir l’ordre et la discipline, et assurer la maintenance de l’ouvrage.

Merguenisse Mentor, mère de 7 enfants, est responsable du comité.  Sa maison se trouve à quelques encablures du point d’eau dont elle assure la surveillance. En plus de procurer de l’eau potable à sa famille, ce projet lui a donné une belle opportunité. « Grâce à l’installation du point d’eau, j’ai eu l’idée de créer un jardin. Je travaille, même en période de sècheresse, parce que je ne dépends plus de la pluie pour arroser mes plantes », se réjouit-elle.

Tout autour du point d’eau, en effet, s’étend un jardin verdoyant. Bananiers, haricots, manioc, épinards, choux, mazombel (une variété prisée de turbercule, NDLR) poussent le long des allées bien entretenues. Au grand bonheur de Merguenisse, les pertes d’eau au niveau du puits se déversent dans son jardin.

Alors qu’y éclosent les bourgeons, portant la promesse de nombreux fruits à venir, les habitants de ce pays aride rêvent à un nouvel avenir…

 

Vicky Delore Ndjeuga