Fonds Verrettes : Pas le choix, il faut replanter

6 juin 2013

Fonds Verrettes : Pas le choix, il faut replanter

Dès qu’il emprunte la route qui mène vers Fonds-Verrettes, au Sud de Malpasse, à la frontière avec la République dominicaine, le visiteur est frappé par un paysage irréel. Les immenses ravines creusées par des inondations et glissements de terre successifs déchirent le paysage et sont comme un rappel du danger permanent d’une prochaine inondation.

Dès qu’il emprunte la route qui mène vers Fonds-Verrettes, au Sud de Malpasse, à la frontière avec la République dominicaine, le visiteur est frappé par un paysage irréel. Les immenses ravines creusées par des inondations et glissements de terre successifs déchirent le paysage et sont comme un rappel du danger permanent d’une prochaine inondation.

Fonds Verrettes : Pas le choix, il faut replanter

Photos : Srdan Slavkovic - UN/MINUSTAH

Ici, des centaines de personnes ont été victimes des inondations de 1998  et 2004 qui ont pratiquement rayé la ville de la carte.

« La prochaine sera terrible », annonce face aux mornes dénudés Jean-Robert Sultan, étudiant en agronomie et passionné d’environnement, qui assure que « rien n’a été fait pour pallier les risques ».

Jean-Robert Sultan est originaire de Gros Cheval, une bourgade qui surplombe Fonds-Verrettes et que l’on rejoint à partir d’une route sinueuse, sur des collines verdoyantes à flanc de ravine, où quelques paysans tentent de cultiver leurs petits champs.

Fonds Verrettes : Pas le choix, il faut replanter« Ici, il y a 20 ans », se rappelle Jean-Robert, « on entendait le bruit des tronçonneuses, mais on ne pouvait pas les voir, tellement la forêt était dense. » Difficile à imaginer aujourd’hui : il ne reste plus un seul arbre.

Et pourtant, c’est là que commençait la Forêt des Pins, cette forêt classée qui couvrait jusqu'à 32 000 hectares dans les années 70, et seulement 9 000 en 1989, date du dernier recensement disponible.

 

Le déboisement, tout le monde en parle

Le déboisement est sur toutes les lèvres des cultivateurs de Gros-Cheval. Cette région, connue pour ses cultures de pomme de terre, patate douce et pois, manque cruellement d’espace cultivable.

Fonds Verrettes : Pas le choix, il faut replanterEt c’est bien la que le bât blesse. En Haïti, le métier d’agriculteur est devenu particulièrement dur en Haïti, avec des marges bénéficiaires qui s’amenuisent et la terre qui perd en fertilité.

Du coup, certains d’entre eux ont fait du bois un commerce criminel. Comme chaque année,  la Forêt des Pins a été incendiée en avril 2013 pendant pratiquement une semaine, sans doute pour produire du charbon ou gagner du terrain sur la forêt, parfois perçue comme une ennemie.

 

Le reboisement par l’éducation

 La bataille pour le reboisement, Jean Robert a décidé de la mener de manière plus subtile, en s’alliant avec les cultivateurs. Apres plusieurs tentatives de sensibilisation des agriculteurs depuis 1987,  il a misé sur une nouvelle catégorie de la population : les jeunes.

En 2008, il a lancé la Fondation reboisement par l’éducation. Objectif : proposer une scolarité gratuite pour les enfants d’agriculteurs avec comme seul frais, l’engagement de replanter 300 plantules par an et par enfant.

L’école mixte de Gros Cheval a été créée en 2009. Elle connaît un succès immédiat et grandissant, avec un impact impressionnant : ses 97 élèves peuvent y suivre des cours de très bonne qualité. Elle est dotée d’une salle d’informatique et des seules classes de secondaire de la commune.

A 12 ans, Widner Anelus fait partie des meilleurs de sa classe. Titulaire du certificat d’études primaires, il aura le droit de participer à l’un des voyages scolaires organisés par l’école. Cette année, la destination prévue est Archaie, pour mieux comprendre l’importance de l’environnement et de sa préservation.

Fonds Verrettes : Pas le choix, il faut replanter« Les arbres protègent votre corps en dégageant de l’oxygène, ils protègent votre champ en l’irriguant par les racines, et conservent le sol, empêchant les glissements de terrain lors des tempêtes », explique-t-il, la bèche à l’épaule, prêt à labourer sa parcelle de pommes de terre, une fois ses cours terminés.

Widner, qui souhaite devenir ingénieur, est déjà engagé dans le reboisement. Lui qui montre fièrement ses 4 pins plantés il y a quatre ans et qui le dépassent aujourd’hui de plus d’un mètre !

Tout le pari est là : replanter les plantules de pins à l’endroit même ou les agriculteurs exploitent la terre.

Yvrose, la maman de Widner, est elle aussi engagée dans la bataille pour l’environnement : tout en égrainant son maïs, elle admet chauffer sa nourriture au charbon de bois, mais précise que « pour chaque arbre abattu, vous devez en replanter dix ».

Elle rappelle que c’est le déboisement des mornes qui a provoque les inondations massives et souligne la responsabilité de chaque cultivateur dans la protection de sa zone, de sa terre.  Elle se rappelle du temps pas si éloigné où on portait un gilet en cette saison. « La température n’arrête pas de monter... Et ça aussi, c’est à cause du déboisement ! », assure-t-elle.

Jean Robert Sultan veut capitaliser sur le succès de son école. Il multiplie les partenariats avec les autres écoles de la zone et 600 familles participent aujourd’hui au programme Reboisement par l’éducation.

Toutefois, il regrette l’absence de moyens à laquelle il fait face. Seule subvention pour sa fondation : 700 gourdes (soit environ 16 dollars), par enfant et par an, de l’ONG luxembourgeoise Objectif Tiers-Monde.

Mais il ne se décourage pas. A la manière des pèlerins, il arpente les versants à risque et ne rate pas une occasion d’interpeller les cultivateurs qu’il tente de convaincre de mieux investir dans leur travail.

«Ils empruntent sans aucune vision à long terme et finissent par s’endetter. Sans reboisement, ces terres deviennent complètement arides. Ici, il n’y a plus qu’une solution : planter des pins et investir dans un espace forestier qui deviendra une nouvelle source de revenus », explique-t-il.

Autrefois, le pin haïtien était exporté vers les Etats-Unis et le Canada pour sa sève et pour l’ameublement. En outre, en forêt, il pousse tout seul, et sur un champ, il enrichit la terre.

Enfin, lorsqu’on évoque le tourisme à Jean-Robert, ses yeux s’illuminent. L’éco-tourisme : voilà encore une nouvelle perspective à explorer !

Alors qu’Haïti possède un taux  de couverture végétale d’à peine 2%, le Président Michel Martelly et son gouvernement viennent d’annoncer l’objectif de doubler ce nombre en 3 ans, appuyés par des partenaires internationaux tels que le PNUD, le PNUE et la Banque Mondiale.

Alors que les habitants célèbrent la mémoire des 300 disparus des inondations du 23 mai 2004, les consciences se font vives et les survivants de Fonds Verrettes le répètent : il n’y a plus d’autres choix, nous devons tous replanter.

Alban Mendes De Leon

Fonds Verrettes : Pas le choix, il faut replanter

Photos : Srdan Slavkovic - UN/MINUSTAH

Ici, des centaines de personnes ont été victimes des inondations de 1998  et 2004 qui ont pratiquement rayé la ville de la carte.

« La prochaine sera terrible », annonce face aux mornes dénudés Jean-Robert Sultan, étudiant en agronomie et passionné d’environnement, qui assure que « rien n’a été fait pour pallier les risques ».

Jean-Robert Sultan est originaire de Gros Cheval, une bourgade qui surplombe Fonds-Verrettes et que l’on rejoint à partir d’une route sinueuse, sur des collines verdoyantes à flanc de ravine, où quelques paysans tentent de cultiver leurs petits champs.

Fonds Verrettes : Pas le choix, il faut replanter« Ici, il y a 20 ans », se rappelle Jean-Robert, « on entendait le bruit des tronçonneuses, mais on ne pouvait pas les voir, tellement la forêt était dense. » Difficile à imaginer aujourd’hui : il ne reste plus un seul arbre.

Et pourtant, c’est là que commençait la Forêt des Pins, cette forêt classée qui couvrait jusqu'à 32 000 hectares dans les années 70, et seulement 9 000 en 1989, date du dernier recensement disponible.

Le déboisement, tout le monde en parle

Le déboisement est sur toutes les lèvres des cultivateurs de Gros-Cheval. Cette région, connue pour ses cultures de pomme de terre, patate douce et pois, manque cruellement d’espace cultivable.

Fonds Verrettes : Pas le choix, il faut replanterEt c’est bien la que le bât blesse. En Haïti, le métier d’agriculteur est devenu particulièrement dur en Haïti, avec des marges bénéficiaires qui s’amenuisent et la terre qui perd en fertilité.

Du coup, certains d’entre eux ont fait du bois un commerce criminel. Comme chaque année,  la Forêt des Pins a été incendiée en avril 2013 pendant pratiquement une semaine, sans doute pour produire du charbon ou gagner du terrain sur la forêt, parfois perçue comme une ennemie.

Le reboisement par l’éducation

La bataille pour le reboisement, Jean Robert a décidé de la mener de manière plus subtile, en s’alliant avec les cultivateurs. Apres plusieurs tentatives de sensibilisation des agriculteurs depuis 1987,  il a misé sur une nouvelle catégorie de la population : les jeunes.

En 2008, il a lancé la Fondation reboisement par l’éducation. Objectif : proposer une scolarité gratuite pour les enfants d’agriculteurs avec comme seul frais, l’engagement de replanter 300 plantules par an et par enfant.

L’école mixte de Gros Cheval a été créée en 2009. Elle connaît un succès immédiat et grandissant, avec un impact impressionnant : ses 97 élèves peuvent y suivre des cours de très bonne qualité. Elle est dotée d’une salle d’informatique et des seules classes de secondaire de la commune.

A 12 ans, Widner Anelus fait partie des meilleurs de sa classe. Titulaire du certificat d’études primaires, il aura le droit de participer à l’un des voyages scolaires organisés par l’école. Cette année, la destination prévue est Archaie, pour mieux comprendre l’importance de l’environnement et de sa préservation.

Fonds Verrettes : Pas le choix, il faut replanter« Les arbres protègent votre corps en dégageant de l’oxygène, ils protègent votre champ en l’irriguant par les racines, et conservent le sol, empêchant les glissements de terrain lors des tempêtes », explique-t-il, la bèche à l’épaule, prêt à labourer sa parcelle de pommes de terre, une fois ses cours terminés.

Widner, qui souhaite devenir ingénieur, est déjà engagé dans le reboisement. Lui qui montre fièrement ses 4 pins plantés il y a quatre ans et qui le dépassent aujourd’hui de plus d’un mètre !

Tout le pari est là : replanter les plantules de pins à l’endroit même ou les agriculteurs exploitent la terre.

Yvrose, la maman de Widner, est elle aussi engagée dans la bataille pour l’environnement : tout en égrainant son maïs, elle admet chauffer sa nourriture au charbon de bois, mais précise que « pour chaque arbre abattu, vous devez en replanter dix ».

Elle rappelle que c’est le déboisement des mornes qui a provoque les inondations massives et souligne la responsabilité de chaque cultivateur dans la protection de sa zone, de sa terre.  Elle se rappelle du temps pas si éloigné où on portait un gilet en cette saison. « La température n’arrête pas de monter... Et ça aussi, c’est à cause du déboisement ! », assure-t-elle.

Jean Robert Sultan veut capitaliser sur le succès de son école. Il multiplie les partenariats avec les autres écoles de la zone et 600 familles participent aujourd’hui au programme Reboisement par l’éducation.

Toutefois, il regrette l’absence de moyens à laquelle il fait face. Seule subvention pour sa fondation : 700 gourdes (soit environ 16 dollars), par enfant et par an, de l’ONG luxembourgeoise Objectif Tiers-Monde.

Mais il ne se décourage pas. A la manière des pèlerins, il arpente les versants à risque et ne rate pas une occasion d’interpeller les cultivateurs qu’il tente de convaincre de mieux investir dans leur travail.

«Ils empruntent sans aucune vision à long terme et finissent par s’endetter. Sans reboisement, ces terres deviennent complètement arides. Ici, il n’y a plus qu’une solution : planter des pins et investir dans un espace forestier qui deviendra une nouvelle source de revenus », explique-t-il.

Autrefois, le pin haïtien était exporté vers les Etats-Unis et le Canada pour sa sève et pour l’ameublement. En outre, en forêt, il pousse tout seul, et sur un champ, il enrichit la terre.

Enfin, lorsqu’on évoque le tourisme à Jean-Robert, ses yeux s’illuminent. L’éco-tourisme : voilà encore une nouvelle perspective à explorer !

Haïti possède un taux  de couverture végétale d’à peine 2%, mais le Président Michel Martelly et son gouvernement viennent d’annoncer l’objectif de doubler ce nombre en 3 ans, appuyés par des partenaires internationaux tels que le PNUD, le PNUE et la Banque Mondiale.

Alors que les habitants célèbrent la mémoire des 300 disparus des inondations du 23 mai 2004, les consciences se font vives et les survivants de Fonds Verrettes le répètent : il n’y a plus d’autres choix, nous devons tous replanter.

Alban Mendes De Leon