Plaine de Torbeck: quand le béton remplace les denrées alimentaires
Photo: Fobert François - UN/MINUSTAH
« Torbeck est une vaste plaine, si elle est mise en valeur en respectant les normes agricoles, elle peut nourrir toute Haïti », estime Sylvain Régis, agronome. L’actuel directeur Départemental du Ministère de l’Environnement, ajoute que « cette commune, en plus de posséder l’eau en abondance, abrite des terres très fertiles».
Ajouté à ce tableau, une bonne partie de la commune bénéficie d’un système d’irrigation, facilitant l’arrosage des champs.
D’ailleurs ses quatre sections communales produisent de nombreuses variétés de vivres alimentaires et de fruits telles le riz, le haricot, le pois congo, le maïs, le sorgho, l’arachide, et des vivres alimentaires comme l’arbre véritable, l’igname, la patate douce, des produits maraichers et des mangues.
Toutefois, se désole Jean Riller, un cultivateur de la Plaine de Torbeck, la production depuis quelque temps ne cesse de diminuer considérablement, à cause de l’implantation des maisons dans les terres agricoles.
Et, malgré tout « avec le Projet de production de riz dans la Plaine des Cayes (ou Projet Torbeck) cette zone fournit à elle seule un quart de riz produit par le pays. Et la production a augmenté de façon substantielle et peut atteindre 3 à 4 tonnes par hectare, a énuméré l’Agronome Pierre Jeune, coordonnateur du Projet de Sécurité Alimentaire (SECAL) au Ministère de l’Agriculture.
Auparavant les espaces boisés alternaient avec ceux marécageux qui abritant de vastes champs. Granson Dimanche, homme dans la soixantaine se remémore des champs agricoles d’autrefois. Et en lui, la situation socio-économique actuelle n’a de nom que l’inquiétude.
Potentialité agricole mise à rude épreuve
L’implantation des maisons sur les terres cultivables non seulement réduit les possibilités de production, mais aussi fragilise les sols. Et toute poursuite d’un tel processus créerait à coup sur de nouvelles agglomérations et, dans certains cas, débouche sur le phénomène de la bidonvilisation.
Les conséquences de cette situation porteront atteinte à l’environnement. Car, des déchets ménagers abandonnés par des ménages s’intègrent dans la terre. La plupart des déchets contiennent des produits chimiques qui diminuent la fertilité des sols. Pire encore, beaucoup de ces déchets sont des matières plastiques qui ne sont pas biodégradables. Ils peuvent rester de très nombreuses années sous la terre sans se décomposer. Ils s’érigent en ennemis de l’agriculture.
Photo: Fobert François - UN/MINUSTAH
D’autre part, M. Pierre craint « une augmentation de l’insécurité alimentaire » car remarque-t-il « alors qu’on continue de pratiquer une agriculture de subsistance qui ne peut assurer l’autosuffisance alimentaire, la population croit à un rythme très rapide ; or la quantité de surface cultivable diminue ».
C’est aussi l’opinion de M. Régis qui va même plus loin. Il estime que l’invasion des terres agricoles par des maisons peut entrainer non seulement l’insécurité alimentaire, mais bien d’autres phénomènes sociaux susceptibles de troubler l’ordre social et menacer la sécurité publique :
Les constructions qui pullulent à un rythme croissant dans la Plaine de Torbeck n’affectent pas seulement l’agriculture. Elle augmente les risquent à divers niveaux et posent de nombreux problèmes environnementaux et sanitaires. D’autre part, les maisons construites un peu partout sur les terres cultivables ne font qu’aggraver la situation créée par le manque de canaux d’évacuation et le non curage de ceux existant dans la commune.
C’est en prenant conscience de ce problème que le gouvernement, en 2008, avait sollicité l’aide des Nations Unies pour augmenter la production agricole et améliorer les conditions de vie de la population dans la commune de Torbeck. Ainsi le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et le Programme Alimentaire mondial ont cofinancés un projet de réhabilitation de 15 KM de canaux d’irrigation respectivement à hauteur d’US $ 104, 961et US $ 45,038.
En dépit de la déforestation outrancière du Pays, la commune garde jusqu’à présent une assez bonne couverture végétale, ce qui lui confère une certaine protection contre des aléas de la nature et favorise l’élevage.
Rédaction : Fobert François