Ratifier la CAT, un pas nécessaire en faveur du respect des droits humains en Haïti

10 juil 2017

Ratifier la CAT, un pas nécessaire en faveur du respect des droits humains en Haïti

Photo : Marie Yolette B. Daniel- UN/MINUSTAH

Ce Jeudi 06 Juillet 2017, a eu lieu à Port-au-Prince, une conférence-débat autour de la ratification du protocole additionnel de la convention contre la torture et autres traitements cruels inhumains et\ou dégradants (de son acronyme anglais CAT).

Cette activité de plaidoyer rentre dans le cadre de la poursuite des activités commémoratives de la journée internationale des Nations Unies pour l’appui aux victimes de la torture célébrée le 26 Juin. Elle vise également à sensibiliser les structures travaillant dans le domaine des droits de l’homme, l’opinion publique et le parlement haïtien en particulier,  sur l’importance de la ratification de cette convention, compte tenu de la réalité haïtienne en matière de violation des droits de l’homme en milieu carcéral.

La CAT a été déposé au parlement il y a plusieurs années. Malheureusement, le document n’a pas encore été ratifié. « Nous avons suivi le protocole réglementaire de dépôt, c’est-à-dire remettre le document à la commission qui a assure le suivi conjointement avec le ministère des affaires étrangères qui fait le dépôt au parlement », explique Urbens Wilbert Dieuveuil, directeur exécutif de l’Initiative Citoyenne des Droits de l’Homme (ICDH). Pendant toutes les dernières assemblées nationales, la ratification de la convention est toujours inclue dans l’agenda législatif. Mais pour une raison ou une autre, la ratification tarde à se matérialiser…

A travers cette plaidoirie, l’ICDH espère que le parlement haïtien sera réceptif au message, réitéré par les organisations des droits de l’homme et de la société civile qui est d’une importance capitale.

 

« La convention contre la torture et tout autre traitement cruel, inhumain et\ou dégradant a été adopté par les Nations Unies en 1984, et malgré son interdiction par le droit international coutumier, la torture persiste dans de nombreuses régions du monde souligne Susan D. Page, Représentante Spéciale adjointe du Secrétaire général des Nations Unies en Haïti (RSASG), en charge du pilier état de droit à la Mission des Nations unies pour la Stabilisation en Haïti (MINUSTAH) ». Dans son allocution de mise en contexte lors de cette conférence-débat, Madame Page a mis l’accent sur les conditions de détentions qui prévalent en Haïti qui, selon elle est inacceptable, se basant sur le rapport annuel des droits de l’homme sur Haïti  publié il y a  deux jours.

Photo : Logan Abassi - UN/MINUSTAH

« La situation de ceux qui sont en attente de procès et qui sont à ce titre présumés innocents, est non seulement inacceptable mais aussi profondément choquant et contraire à toute conception de la dignité humaine », affirme-elle. Selon la RSASG,  « à ce jour, les prisons haïtiennes comptent 11066 détenus dont 7520 sont en attente de procès avec plus de 300 femmes ». 

De son Côté, Romage Morlon, directeur général (DG) de la prison de port au prince est d’avis que, conformément aux principes proclamés dans la Charte des Nations Unies, la reconnaissance des droits égaux et inaliénables de tous les membres de la famille humaine est le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde. Ces droits procèdent de la dignité inhérente à la personne humaine.

« Il est important de se rappeler qu’un prisonnier est un individu qui est seulement privé de sa liberté, mais qui reste un humain à part entière. À ce titre, il doit recevoir des traitements dignes de son rang de personne », plaide Romage Morlon, responsable du plus grand centre carcéral du pays. Lors de son intervention, le DG de la prison a reconnu que l’état des lieux du pénitencier national est à ce titre désolant : « 4148 détenus dans un espace de 10 000 mètres carrés pour  seulement 525 personnes condamnées ».

Photo : Oldy Joel Auguste - UN/MINUSTAH

Jean Roudy Aly, avocat et ancien directeur général du Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique (MJSP) reconnait qu’Haïti n’a jamais hésité lors qu’il s’agit de ratifier des conventions protégeant ses citoyens en matière de droits de l’homme. Il a cité en exemple la brillante contribution d’Haïti dans l’élaboration et l’adoption de la déclaration universelle des droits de l’homme en 1948. « La ratification de cette convention viendra compléter l’arsenal juridique qui protègent la population haïtienne », estime Jean Roudy Aly. Cette action serait aussi l’occasion pour le parlement d’envoyer un message clair à la communauté internationale et développer en même temps un partenariat avec elle en la matière. « Le parlement a la possibilité de doter Haïti d’un outil de plus en faveur du respect des droits humain », conclut-t-il.

Panélistes et participants sont d’avis que les conditions générales de détendions dans les centres carcéraux haïtiens constituent en soi une violation des droits des prisonniers. Ils sont unanimes à reconnaitre l’intérêt de sa ratification. « Il y va de la vie et du bien-être de tout un chacun. Tout le monde peut un jour ou l’autre se retrouver en prison, ou encore avoir un proche en prison. Donc, personne n’est à l’abri des mauvais traitements affligés aux prisonniers », rappelle, Morlon, tout en reconnaissant de bonne grâce que parfois les droits des prisonniers haïtiens sont violés avant même leur incarcération.

Reconnaissant l’importance de cet outil de protection de tous les citoyens haïtiens, le DG de la prison civile de Port au Prince, a lancé, en écho des organisations présentes, un appel pressant au parlement haïtien de ratifier le protocole additionnel de la convention contre la torture et autres traitements cruels inhumains et\ou dégradants.

 

 

Rédaction : Marie Yolette B. Daniel