Sécheresse, une grande source de préoccupation en Haïti
Alors que la période habituelle de grande sécheresse, se situant entre décembre et février est encore à venir, la presque totalité du territoire haïtien est déjà affectée par ce phénomène.
A la base de cette situation : d’abord, le déboisement qui est endémique et le phénomène el niño. Selon des prévisions océanographiques avisées, ce phénomène devrait atteindre un maximum d’intensité vers la fin de cette année, au point où l’épisode actuel pourrait largement dépasser le plus puissant observé jusqu’ici.
Cette année-là, où des pluies diluviennes se sont abattues sur certains pays tandis que d’autres ont souffert d’une sécheresse catastrophique. Aussi, va-t-il sans dire que cette carence de pluie en Haïti a un impact non négligeable sur de nombreux secteurs de la vie nationale.
Zoom sur Léogane, département de l’Ouest.
Dans ses souvenirs, Rigaud se rappelle qu’« avant le tremblement de terre de 2010, à 30 pieds de profondeur environ, Il trouvait de l’eau dans le puits qui lui sert de point d’eau potable ». Aujourd’hui, ce père de famille, habitant les environs de la ville de Léogane, regrette que les paramètres aient changés et, pour le pire… « Même avec une corde de 60 pieds, il m’est difficile de trouver de l’eau chez moi », a-t-il fait remarquer.
Visiblement découragé par cette situation qu’il qualifie de dramatique, le quinquagénaire se demande « combien de fois faudra-t-il que je creuse encore ? C’est presque chaque semaine que je paie quelqu’un pour fouiller plus profondément », affirme-t-il non sans inquiétude pour l’avenir.
Rigaud et sa famille ne sont pas les seuls à souffrir des effets de cette sécheresse. Dépendant uniquement de la pluie pour faire fructifier ses champs, Jean Marie Etienne, la cinquantaine avancée, père de cinq enfants, trouve difficilement les mots pour qualifier cette situation qui l’affecte au plus haut point.
« Même pour l’alimentation du bétail, la situation est difficile. Il n’y a plus moyen de conduire nos animaux vers des sources, des courants d’eau ou des canaux d’irrigation car tout est à sec », fait remarquer Jean Pierre, 40 ans. Pour compenser la maigreur de leur production agricole, Jean Pierre ainsi que d’autres léoganais, notamment des jeunes, s’adonnent au lavage de voitures.
« On dirait que durant le week-end l’eau s’enfonce davantage dans le sol!», signale ce père de famille. Il révèle que c’est presque chaque semaine, qu’ils sont obligés de fouiller davantage pour avoir un peu d’eau dans ce puits de fortune qu’ils ont eux-mêmes foré à côté de la route nationale.
« Des fois, on a l’impression de laver les voitures avec de la boue », ajoute Sylvestre, son compagnon. Cette situation s’explique selon ce dernier par le fait qu’il y a un grand nombre de personnes qui s’approvisionnent dans cette seule et même source.
Sylvestre souligne aussi le fait que les gens utilisent cette même eau pour leurs tâches ménagères comme faire la cuisine, se laver etc. « Pour tirer un peu d’eau utilisable, on est contraint de la puiser et la laisser pendant très longtemps jusqu’à ce que le résidu se repose au fond du vase », raconte-t-il.
Sécheresse, « le plus grand problème affectant l’agriculture »
« Ils sont nombreux à s’approvisionner dans le puits de ma distillerie », a de son côté, affirmé Melour Civil, président du Mouvement Cultivateurs et Distillateurs de Léogâne, (MKDL) en créole. Pour lui, l’actuelle carence de pluie est, depuis deux ans environ, « le plus grand problème affectant l’agriculture; si ce n’est la vie tout bonnement» dans cette commune.
« Les récoltes sont très mauvaises », estime-t-il. « Si quelqu’un met des denrées en terre, les chances qu’elles croissent restent très minces », a-t-il renforcé.
Les canaux d’irrigation qui jadis alimentaient les champs de la zone sont tout simplement embourbés et recouverts d’herbes sauvages de toutes sortes.
Pas de banques agricoles. Le cultivateur investit ses propres fonds. « Et, quand ces fonds sont gaspillés alors qu’il comptait sur les récoltes pour subvenir à ses besoins et ceux de sa famille, c’est la désolation », conclut M. Civil, avec une pointe d’amertume dans la voix.
Si la principale ressource économique de Léogane reste la canne à sucre, les habitants cultivent aussi le manioc, le maïs, le riz, plusieurs variétés de haricot ainsi que la banane. Des cultures aujourd’hui affectées par le climat de sécheresse qui depuis plus deux ans consume cette grande plaine qui, jadis, fournissait à la Capitale et ses environs (une partie) de ses produits agricoles.
Rédaction : Pierre Jérôme Richard