Un premier rapport sur le lynchage présente et analyse les éléments clés de ce crime en Haïti
Photo : Logan Abassi - UN/MINUSTAH
Port-au-Prince, 17 janvier 2017 – Le rapport, intitulé « Se faire justice soi-même ou le règne de l’impunité en Haïti », a été rédigé par la Section des droits de l’homme de la MINUSTAH / Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (SDH). Il présente et analyse les éléments clés du « lynchage », un phénomène que les Haïtiens connaissent bien, mais qui demeure malgré tout très mal documenté.
L’objectif du rapport est de déconstruire certains mythes qui entourent ce phénomène, de rendre publiques les informations récoltées par la MINUSTAH à ce sujet et d’appeler les autorités à une meilleure prise en compte des cas de lynchage.
Il est important de rappeler que le lynchage est un crime et non une quelconque forme de justice, toute populaire soit-elle. Les homicides par lynchage représentent tout de même 15 % de tous les homicides dans le pays. Ce pourcentage élevé devrait inquiéter les autorités. Or, les statistiques et les cas suivis par la SDH dans les dernières années révèlent que les actes de lynchage ont rarement fait l’objet d’une enquête judiciaire et encore moins d’une condamnation. Entre 2010 et 2015, sur les 483 incidents de lynchage ou de tentatives de lynchage rapportés par la MINUSTAH seulement 59 ont donné lieu à des arrestations. Le rapport ne fait mention que d’une seule condamnation dans un cas de lynchage.
Dans le cadre des entretiens conduits pour la préparation de ce rapport, plusieurs personnes ont souligné que le lynchage s’expliquerait par un manque de confiance de la population en la police et en la justice, et la crainte que les auteurs de crimes et délits jouissent de l’impunité. Ce sentiment serait lié aux fréquents manquements des autorités policières et judiciaires à enquêter, poursuivre et punir les crimes et délits. C’est ainsi que certaines personnes se substitueraient aux autorités dans le but d’exercer ce qu’elles considèrent être une forme de « justice ». Mais l’analyse des données disponibles montre que la grande majorité des cas de lynchage survient dans des zones urbaines où le nombre de policiers par rapport à la population est le plus élevé. Parallèlement, l’analyse de la population carcérale montre qu’une très grande proportion des détenus sont accusés de vol, crime qui constitue la première raison avancée pour commettre un lynchage.
Si l’État ne peut être tenu responsable de chaque crime commis sur son territoire, il a néanmoins l’obligation de prendre des mesures appropriées ou d’exercer la diligence nécessaire pour prévenir les crimes, enquêter à leur sujet, punir les auteurs et réparer le préjudice qui en résulte. En l’absence quasi complète de réponse des autorités policière et judiciaire aux situations de lynchage, le rapport conclut que la passivité, voire à la tolérance, des agents de l’État face à ce crime grave constitue une violation du droit à la vie, comme garanti par les traités internationaux auxquels Haïti est partie et tel que protégé par la législation nationale.
Le rapport conclut qu’en l’absence de mesures raisonnables prises par les autorités haïtiennes pour combattre le lynchage, l’État manque à son obligation de protéger ses citoyens. Enfin, le rapport recommande une meilleure étude du phénomène afin de mieux le comprendre et de mettre sur pied des stratégies d’intervention appropriées.
>> Lire le rapport : Se faire justice soi-même ou le règne de l’impunité en Haïti
>> Taking justice into one’s own hands or the reign of impunity in Haiti : Executive Summary
>> Moun ap bay tèt yo jistis nan peyi Dayiti epi enpinite ap taye banda - Rezime