Une victime du séisme du 12 janvier concourt aux Jeux paralympiques de Londres

5 sep 2012

Une victime du séisme du 12 janvier concourt aux Jeux paralympiques de Londres

Le soir du 12 janvier 2010, Léon Guesly, natif de Port-au-Prince, était convaincu que la vie n’avait plus de sens. Ce père de famille tranquille venait de perdre son épouse, ses huit enfants, et l’usage de ses deux jambes dans l’effondrement de sa maison. Et pourtant. Des gravats de Port-au-Prince au stade paralympique de Londres, Léon revient sur son long périple alors qu’il s’apprête pour la première fois à défendre, ce 5 septembre 2012, les couleurs d’Haïti aux Jeux paralympiques de Londres. Témoignage.

Une victime du séisme du 12 janvier concourt aux Jeux paralympiques de Londres

Photo : Victoria Hazou/Herby Lafaille – UN/MINUSTAH

Sous le regard de la reine Elizabeth II d’Angleterre et de 80.000 spectateurs, Léon Guesly, habillé d’un survêtement aux couleurs d’Haïti, défile, en compagnie de deux autres athlètes de son pays, sur une chaise roulante. Il participait à la cérémonie d'ouverture des XIVèmes Jeux paralympiques, ce mercredi 29 août dernier, dans un stade olympique de Londres comble pour l'occasion. Car, malgré le froid de la nuit, Léon n’est pas venu jusqu'à Londres que pour vivre ce moment historique. Il est venu décrocher une médaille pour Haïti dans la catégorie cyclisme de piste aux XIVèmes Jeux paralympiques, marquant la première participation d’athlètes haïtiens dans cette olympiade. Du 29 août au 9 septembre 2012, soit pendant 11 jours de compétition, 4.280 athlètes de 166 pays différents vont s’affronter, malgré des handicaps divers, pour la beauté de l’effort et le dépassement de soi. Chacun a son histoire. Celle de Léon a basculé à Port-au-Prince, 12 janvier 2010, lors du terrible séisme qui a couté la vie à plus de 250.000 personnes, et brisé des milliers d’autres comme la sienne.

Pour participer aux Jeux paralympiques de Londres, Léon Guesly a travaillé dur. « Chaque matin, je cours 63 kilomètres et dans l’après-midi, je cours 45 kilomètres, soit 108 kilomètres par jour. Je suis à la lettre les méthodes de travail de mon entraîneur Senatus. Grâce à cela, je fais maintenant 108 kilomètres en 2h50 minutes », confie, l’air tranquille, ce sportif de 45 ans, peu avant une séance d’entrainement, la veille de son départ pour Londres. Depuis ses sorties quotidiennes sur les routes du Cap Haïtien, Léon a suscité d’abord la curiosité puis l’affection des Capois, couché au volant de sa chaise roulante fuselée qu’il actionne à la seule force de ses bras.

Il se souvient encore de l’émotion qui l’a envahi, quelques mois plus tôt au Mexique, lors des phases qualificatives des Jeux paralympiques de Londres, porteuses d’espoir pour ce natif de Port-au-Prince. « Là, j’avais ressenti la force d’un président qui représente son pays, lorsque j’ai porté les couleurs d’Haïti », souffle-t-il, les yeux brillants.

C’est au Centre de réhabilitation Pascale Aurélie Toussaint de l’Hôpital de la Convention Baptiste de Quartier Morin, non loin du Cap Haïtien, que Léon Guesly a retrouvé la joie de vivre, après le séisme du 12 janvier.

« Ma maison à Port-au-Prince s’est effondrée sur ma famille toute entière, ce 12 janvier 2010. Mon épouse et mes huit enfants sont morts sur le champ. Moi, j’ai survécu par miracle », raconte-t-il, la voix chargée d’émotion. Paralysé des deux jambes après une grave lésion de la moelle épinière, son parcours du combattant commence. Transféré au Cap Haïtien pour y subir une opération chirurgicale, ses blessures prennent onze mois pour guérir. Les médecins lui disent qu’il ne remarchera jamais, mais il s’acharne et fait le tour des hôpitaux, du Cap Haïtien à Ouanaminthe, en passant par Saint Domingue. « J’étais dans un état vraiment critique, je crois que c’est Dieu qui a mis certaines personnes sur mon chemin », se souvient-il encore.

Son chemin s’illumine enfin quand il rencontre les responsables du Centre de réhabilitation Pascale Aurélie Toussaint, un centre spécialisé dans le traitement des lésions de la moelle épinière à Quartier Morin (Cap Haïtien). Fruit d’un partenariat entre l’Hôpital de la Convention Baptiste et l’ONG Haïti Hospital Appeal et financé en partie par la MINUSTAH à hauteur de 100.000 dollars US dans le cadre de ses Projets à Impact Rapide (QIPs), le Centre permet à Léon, ancien boxeur et sportif de nature, d’avoir accès à des soins adaptés.

« Si aujourd’hui je suis vivant et si je peux à nouveau pratiquer le sport, si j’ai pu voyager et découvrir d’autres pays, c’est grâce aux soins que j’ai reçus au Centre », reconnaît, ému, le sportif au moral d’acier qui avoue n’avoir jamais pu rester en place depuis son enfance.

« Je veux ramener une médaille pour Haïti, c’est mon seul objectif », assène-t-il avec conviction, avant de s’élancer, à la force de ses bras, dans sa chaise roulante fuselée sur une longue piste de terre qui sert de lieu d’entraînement et d’entrée principale à l’établissement hospitalier. « J’ai confiance en moi-même, car la vie est toujours belle devant moi », sourit-il, couché dans son bolide métallisé.

Aux côtés de Léon Guesly, deux autres Haïtiens s’illustreront, pour la première fois dans l’histoire d’Haïti, lors de ces Jeux paralympiques. Il s’agit de Josué Cajuste (28 ans) et Nephtalie Jean Louis (33 ans), qui concourent respectivement au lancer du poids et au javelot.
Rédaction : Vicky Delore Ndjeuga
Edition : Sophie Boudre