Vers une intégration des principes de droits humains dans la réponse aux urgences

28 juin 2012

Vers une intégration des principes de droits humains dans la réponse aux urgences

Depuis plus d’un an le Cluster Protection, dont la coordination est assurée par le Bureau du Haut Commissariat aux Droits de l’Homme (OHCHR) soutenu par la Section des Droits de l’Homme de la MINUSTAH, s’attèle à faire intégrer les principes de protection des droits humains dans la préparation de la réponse aux urgences en Haïti. En ce sens, ses représentants ont mis sur pied un certain nombre d’activités susceptibles d‘appuyer la Direction de la Protection Civile (DPC) dans ses démarches visant à réduire la vulnérabilité des victimes quand surviennent les catastrophes.


Vers une intégration des principes de droits humains dans la réponse aux urgences


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Photo : Marco Dormino – UN/MINUSTAH

Tout a commencé après le séisme du 12 janvier 2010, lorsque la DPC, faisant état d’un manque de « capacités » en matière de droits de l’homme, a sollicité un appui technique de ses partenaires de la protection afin de mieux protéger les plus vulnérables en cas de désastre. En effet, souligne Elsa Le Pennec, qui coordonne le Cluster Protection pour le compte du Bureau du Haut Commissariat aux Droits de l’Homme en Haïti, les personnes reconnues comme vulnérables – à savoir les déplacés, les enfants, les vieillards, les femmes enceintes ou les personnes à mobilité réduite – sont particulièrement affectées par les désastres. « En temps normal », poursuit-elle, « elles sont déjà fragiles, mais elles le sont encore plus dans un contexte de crise qui les met en péril » par leur mobilité réduite ou leur faible accès à l’information. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), 10% de la population haïtienne est concernée par une situation de handicap, une situation aggravée par le séisme qui a sérieusement limité l’accès aux services de santé ou d’assainissement déjà faibles. Ce qui doit pousser les autorités, explique Mme. Le Pennec, « à adapter leur réponse en cas de désastre » à ces groupes vulnérables « en vertu des obligations internationales et constitutionnelles de l’Etat de ne laisser de côté aucune partie de la population et de respecter les droits de tous ».
Sur la base de ce constat, et pour la première fois en Haïti, la DPC et ses partenaires du Cluster Protection - chargé de coordonner la réponse des acteurs de la protection en Haïti en appui au Gouvernement – ont ainsi développé des outils de sensibilisation et de formation en faveur des acteurs impliqués dans le Système National de Gestion des Risques et des Désastres (SNGRD), afin de mieux respecter les droits des plus vulnérables en cas de catastrophe, et ceci à toutes les phases de la préparation et de la réponse aux urgences.
Des instruments pour « prévenir les situations de non-droit »

Ainsi, des fiches techniques, messages et posters ont été distribués conseillant les leaders communautaires, les secouristes et autres acteurs de la réponse aux urgences sur la manière d’agir pour préserver les droits, la sécurité et la dignité des personnes vulnérables dans les familles d’accueil, les abris collectifs, ou même lors du transport des personnes évacuées. En effet, « en temps de crise, si une personne n’est pas formée, des situations de non-droit peuvent s’installer », indique Elsa Le Pennec, se référant à des cas de viols survenus en 2011 dans le Sud après une inondation dans des abris communautaires où hommes et femmes n’étaient pas séparés. Alors, afin de prévenir de telles situations, quelque 70 personnes dont des secouristes ont été formées en protection depuis janvier dernier dans le Sud et le Centre du pays, et la DPC et ses partenaires prévoient, dès juillet, de couvrir les autres départements à haut risque de catastrophe naturelle tels l'Artibonite, le Nord, le Nord-est et le Sud-est.

Les partenaires de la DPC ont aussi développé des messages écrits et radiodiffusés encourageant la solidarité entre les victimes de désastres et « des messages relatifs à la conservation et la protection de documents d’identité, à la santé (notamment sur le choléra), à la protection de l’environnement et aux institutions à appeler en cas de besoin », fait remarquer Ouvens Jean Louis, officier des Droits de l’Homme au Cluster Protection, qui apporte un appui technique à la DPC.

Enfin, 6.000 « kits protection » appelés ‘AVEC’ ont été distribués avec l’appui du Haut Commissariat pour les Refugiés (HCR) et l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM). Le nom de ce kit évoque sa fonction, à savoir que ses utilisateurs peuvent Alerter, Voir, Etre informés et aussi Conserver leurs pièces d’identité. Chaque kit AVEC contient en effet un sifflet, une lampe à batteries, un poste radio portatif et un sachet hermétiquement fermé pouvant aider à conserver des documents à l’abri de l’eau et de la boue, car « perdre ses papiers c’est perdre ses droits », estime Elsa Le Pennec. Particulièrement réservé aux personnes les plus vulnérables comme celles à mobilité réduite, les femmes enceintes de plus sept mois ou les vieillards, il permet à ses utilisateurs « de lancer et recevoir des messages et des informations vitales si survient une urgence, et être ainsi secouru», souligne M. Jean Louis. Cette année, le Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF) a prévu de produire et distribuer 7.000 kits supplémentaires.

Soupape de sécurité à l’intégrité des déplacés

L'intégration du volet « protection » dans le Système National de
Gestion des Risques et des Désastres est vue par les responsables de la DPC comme une « soupape de sécurité contre toute atteinte à l'intégrité » des déplacés.
Pour Marie Lita Descolines, le point focal protection à la DPC, le respect des Droits de l'Homme est d'une importance capitale dans la gestion de l'urgence qui constitue, selon elle, « une situation provocatrice de violations de toutes sortes ». En ce sens, elle estime que les formations suivies en matière de protection par les secouristes de son service « ne font que renforcer leur capacité d'action », explique t’elle, ravie que cette coopération avec les partenaires de la protection lui ait permis de « trouver l'appui technique dont [elle a] besoin pour rendre opérationnelles [ses] actions de protection ».

Selon les estimations du plan de contingence 2012 élaboré par la DPC avec le soutien des acteurs internationaux, 450.000 personnes seraient susceptibles d’être touchées par la saison cyclonique et pourraient avoir besoin d’être assistées. Cette année, les règles de protection sont intégrées dans ce plan, ce qui est un « concept nouveau » selon Ouvens Jean Louis. Ainsi, alors que la saison cyclonique se concrétise, avec 16 cyclones annoncés sur Haïti, la MINUSTAH et les acteurs humanitaires internationaux réitèrent leur engagement à appuyer les efforts des autorités haïtiennes et des autorités départementales, municipales et communales à réduire l’impact d’éventuels désastres naturels sur la sécurité et la dignité des populations, notamment dans les zones les plus vulnérables.

Rédaction : Jérôme Pierre Richard
Edition : Sophie Boudre