Au Bel-Air, manier la tôle, un acte de génie

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2 fév 2015

Au Bel-Air, manier la tôle, un acte de génie

Photo : Pierre Jerome Richard - UN/MINUSTAH Photo : Pierre Jerome Richard - UN/MINUSTAH

 

‘’Tok,Tok,Tok’’, un jeune homme accroupi, tape avec un marteau sur un morceau de tôle froissé pour le redresser. Un autre étale un ruban métrique sur une autre pièce de tôle plate, rectangulaire, placé à même le sol en terre battue. Nous sommes donc dans un atelier de ferblanterie, au Bel-Air, à Port-au-Prince. Un espace pouvant à peine garer une voiture, recouvert de deux morceaux de prélarts dont l’un en lambeaux.

Si quelqu’un a peur du bruit, il lui est déconseillé de visiter cet endroit. Car c’est la première chose qui attire l’attention, même quand à gauche de l’entrée, sous le soleil scintillent des ustensiles d’un gris s’apparentant à l’aluminium. Des objets de formes et de dimensions diverses, suspendus à des clous. Il y a un peu plus de quatre années que ce genre d’activités a démarré dans cet espace, selon John, le manager-propriétaire de la petite entreprise.

A cet atelier qui n’a d’ailleurs pas de nom ni aucune enseigne pour l’identifier, évoluent ordinairement quatre jeunes hommes, dont deux apprentis. « Comme on peut le remarquer à l’entrée, nous fabriquons un peu de tout ce qui se fait avec la tôle : des ustensiles de pâtisserie ou de cuisine, des écumoires ou des objets pour le jardin tels des arrosoirs, ou même des encensoirs pour les prêtres», explique Solon, le maitre à penser de cette activité.

Les mesures nécessaires à la réalisation d’un petit plateau, une fois prises, la confection démarre.

 

Photo : Pierre Jerome Richard - UN/MINUSTAH Photo : Pierre Jerome Richard - UN/MINUSTAH

 

Gardant la même position, le jeune homme saisit de la main droite un morceau de bois ou mieux une retaille de planche de la longueur d’un bras, ramassée d’une menuiserie d’à côté. Et, ping, ping, pong, il commence à taper sur les côtés de la tôle appuyée contre un morceau de rail (de train).

« C’est ainsi que nous préparons et recassons les bordures de nos pièces, pour éviter qu’elles ne soient trop tranchantes », dit le jeune homme. Mais dépendamment de la pièce à fabriquer « le rail nous aide aussi à denteler», faisant signe de la tête pour montrer son collègue John en train de préparer un ustensile pour décoration de gâteau.

Pas d’outillages ni de machines sophistiqués. Tout est artisanal ou presque…

« Nous n’avons même pas de moules ou de patrons, nous faisons travailler nos méninges. Et, en plus nous préparons des modèles variés », ajoute l’ancien étudiant en ferblanterie du Centre Pilote de Formation professionnelle, (CPFP), institution haïtienne d’enseignement public.

 

Photo : Pierre Jerome Richard - UN/MINUSTAH Photo : Pierre Jerome Richard - UN/MINUSTAH

 

Se remettant sur ses jambes, se rapprochant de ce qui leur sert de table, pince en main, Solon se met à terminer une autre pièce pour pâtisserie. « Sikap », « tikap », rechigne un cercle en métal, tenu dans sa main gauche que le jeune homme s’affaire à ‘’denteler’’ à l’instar d’une jupe plissée pour en faire une moule à gâteau.

« Au moment d’apprendre ce métier, je m’étais dit que j’allais le faire faute de mieux, mais j’ai fini par l’aimer, même s’il ne me permet pas de vivre comme je le voudrais », raconte -t-il, le visage souriant.

 

Photo : Pierre Jerome Richard - UN/MINUSTAH Photo : Pierre Jerome Richard - UN/MINUSTAH

 

Le métier de ferblantier fait appel à la créativité. L’apprendre et l’exercer nécessitent un certain amour pour la géométrie, sinon la trigonométrie et les calculs, explique son collègue John.  «Il faut mesurer, tracer et couper avec une certaine précision », dit-il, tenant au creux de sa main droite, paume vers le bas, un ‘’compas’’ avec lequel il dessine un rond sur une pièce de tôle.

Il exige aussi, habilité et savoir-faire pour pouvoir exécuter rapidement les tâches à accomplir. « Par exemple pour la confection d’un moule rond pour gâteau, ça peut me prendre une heure pour mesurer, couper, attacher, mettre le fond,… etc. », fait-il remarquer, relevant un moment la tête comme pour rechercher l’acquiescement de Solon qui, de son côté, a secoué la tête en signe d’approbation.

 

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Mais le métier n’est pas sans risque. Son exercice exige des qualités telles la dextérité et la prudence. Car prévient-il, brandissant l’instrument qu’il tient encore, « on peut se blesser, on peut se faire couper par la tôle ou se taper des coups de marteau sur les doigts».

Si l’expérience du Bel-Air a démarré un peu après le 12 janvier, John souligne que Solon et lui avaient commencé bien avant à manier la tôle et produire bien des articles « utiles à la communauté» comme des seaux, des cuvettes, des lampes à essence, et même des dalots, généralement utilisés dans les maisons pour recueillir l’eau de pluie.

 

Rédaction : Pierre Jérôme Richard

 

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