Carnaval 2017 sous le signe du respect de la femme

26 fév 2017

Carnaval 2017 sous le signe du respect de la femme

Photo : Louicius M. Eugene - UN/MINUSTAH 

«  La violence perpétrée sur les femmes et  les filles en Haïti a atteint un niveau alarmant cette année » regrette la Ministre à la Condition féminine et aux droits de la femme(MCFDF), Marie Denise Claude. Or, soutient la Ministre, la réalité démontre que la majorité des viols ne sont pas recensés faute de dénonciation.  La victime préfère se taire au lieu « d’essuyer les moqueries, les commentaires désobligeants de la société qui tendent à la culpabiliser et à trouver des circonstances atténuantes aux bourreaux ».  

La Police Nationale d’Haïti (PNH), elle, fait  mention de près de 2850 cas de violences en tout genre recensées dont 752 cas de viol pour la même période. En matière de violence basée sur le genre, nul n’est exempt puisqu’elle est présente partout dans les foyers, les rues, les écoles, les bureaux. L’essentiel est d’apprendre à identifier les signes précurseurs, à être vigilent et prudent afin de mieux la prévenir quand c’est possible. « Il incombe d’abord aux parents de protéger leurs enfants en leur inculquant certains principes. La sécurité est avant tout personnelle », conseille la responsable de la Commission nationale des affaires féminines (CNAF) de la PNH, Marie Louise Gauthier.  La Police  dispose dans tous les commissariats de professionnels capables d’assurer la prise en charge des victimes, informe la policière. « Vous n’avez pas idée du nombre de cas d’inceste, de détournement de mineurs par des personnes ayant une certaine autorité sur la victime qui sont enregistrés ces dernières années » poursuit-elle d’une voix cassante empreinte d’émotions contenues.

Une situation que les festivités carnavalesques de la fin février ne feront qu’aggraver si l’on tient compte des constats faits les années précédentes. En effet, avance la Ministre, le taux de grossesses précoces et/ou non-désirées tend à augmenter après chaque carnaval ; et cette augmentation s’avère être très souvent le fruit d’un viol. C’est pourquoi, le Ministère profite toujours de cet espace de défoulement et de réjouissance populaire pour attirer l’attention sur les stéréotypes, les propos dégradants pour les femmes et les violences basée sur le genre. « Cette campagne, c’est pour dire aux gens qu’ils ont le droit de s’amuser, de danser  mais dans le respect des droits des femmes et des filles » souligne-t-elle.

Ann fè Ayiti reviv nan respè dwa fanm ak tifi

«  Oh Haïti, perle des Antilles (…..), pays de poésie, de danse et de culture (….) »,  c’est sur un rythme entrainant que l’Artiste BélO, de son vrai nom Jean Bélony Murat, encourage les carnavaliers à respecter la dignité des femmes et des filles en évitant tout propos susceptibles d’affecter ces deux groupes dans leur « dignité physique et morale ».  Il est question, ici, d’un spot,  enregistré pour le compte du Ministère à la Condition Féminine et aux Droit de la femme (MCFDF) dans le cadre d’une campagne de sensibilisation lancée le 09 février 2017 qui vise la promotion et la défense des droits des femmes pendant la période carnavalesques.

 

A cet effet, des activités ont été réalisées avec l’appui de la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti (MINUSTAH), dans plusieurs départements du pays dont le Sud, le Sud-Est, l’Artibonite et le Nord. Elles consistaient à sensibiliser les écoliers, les Disc Jokey, les bandes à pied et les participants aux carnavals sur la question du genre et de la prévention du VIH/SIDA.

A Jacmel, durant le week-end du 17 au 19 février 2017, une équipe, présidée par la direction  départementale du MCFDF, a organisé des activités, avant et pendant le carnaval. Il s’agit d’une activité en salle et deux en plein air. La première a eu lieu dans la banlieue très fréquentée de Civadier. Les questions liées à la  protection de l’image des femmes et des filles, à la violence sexuelle basée sur le genre, aux rapports sexuels non-protégés et leurs conséquences, à  la protection des mineurs, ont constitué, entre autres, les thèmes touchés au cours de cette journée d’échanges, de formation et de sensibilisation.

Engagée dans la défense les mineurs, Marjorie Ladouceur, officier de la PNH et responsable de la Brigade de protection des mineurs (BPM), a rappelé aux parents et aux futurs parents leur rôle préventif dans la protection de leurs enfants. « C’est irresponsable de partir au carnaval et laisser un enfant tout seul sans protection à la maison. Et s’il y avait un incendie ? Et si on abusait de lui ou d’elle », s’interroge-t-elle. Elle s’est aussi adressée aux parents carnavaliers qui amènent leurs enfants au carnaval pour y rester jusqu’au petit matin. « La police a souvent retrouvé sur le parcours des enfants abandonnés par leurs parents, entrainés par une forte ambiance d’un groupe musical ou d’une bande à pieds », raconte-elle d’un air désolé.

Le MCFDF est intervenu à deux reprises. D’abord, la formatrice Alerte Laguerre, cadre du département travaillant pour le Ministère, a longuement exposé aux bénéfices des participants les notions de base de la violence basée sur le genre ; et sur la nécessité de protéger l’image des femmes et des filles en période carnavalesque.

A Gonaïves, se sont douze bandes à pied et huit Disc-Jockey (DJ) qui ont été sensibilisés sur le genre, les Droits humains et le VIH/SIDA. Les participants ont également travaillé des slogans prônant la paix et le respect de la femme pour sensibiliser les carnavaliers sur le parcours durant les trois jours de festivité qui ont marqué la première édition du carnaval de l’Indépendance aux Gonaïves. A Cap-Haïtien, des journalistes et animateurs de radio se sont engagés, au terme de l’activité, à continuer la sensibilisation sur les ondes de leurs médias respectifs.

La sensibilisation se poursuit dans les rues

Pour s’assurer que le message a bien été entendu,  le dimanche 19 février, des jeunes habillés par le MCFDF et ses partenaires des Nations Unies en Haïti et de la Fondation internationale pour les systèmes électoraux (IFES) ont défilé au carnaval de Jacmel.  Elles portaient une banderole à l’effigie du thème de la campagne : « Ayiti ap reviv nan respè dwa fanm ak tifi » (Haïti revivra dans le respect des femmes et des petites filles, en Créole).

Photo : Louicius M. Eugene - UN/MINUSTAH

Les organisateurs ont aussi érigé une tente de sensibilisation dans un lieu passant de la capitale culturelle d’Haïti pour divulguer des messages se rapportant à l’usage des préservatifs, diffuser des spots de sensibilisation sur le VIH-SIDA, la protection des enfants et des personnes vulnérables, le respect du corps des femmes et des filles. Environ 2000 personnes ont été touchées. Les carnavaliers et les chefs de bande à pieds ont aussi reçu 5000 préservatifs et 500 t-shirts.

Au carnaval de Jacmel et des Gonaïves la vie défile. Des animaux sauvages aux sirènes de mer, des fruits tropicaux aux jongleurs de rue, en passant par des chorégraphies mettant en scène l’histoire d’Haïti, rien ne manque à ce tableau coloré et bruyant. Les visages bariolés de couleurs, des fleurs dans les cheveux, le port de masques, des podiums aux couleurs éclatantes  et les chars, le décor est bien planté pour trois jours de réjouissances continus dans le respect et la tolérance.

 

Véritable modèle pour Haïti et le monde en termes de créativité, des masques de papier-mâché et les parures des groupes déguisés, le carnaval de Jacmel séduit toujours. C’est à la fois une fête artisanale et une ambiance festive où l’on se réjouit en toute sécurité, à en croire le Maire Macky Kessa.

Sur les six départements touchés par la campagne, de Jacmel au Cap Haïtien en passant par Les Cayes, Port-de-Paix , Fort Liberté et Gonaïves, près de 3000 personnes ont été directement sensibilisées avec l’appui de la MINUSTAH, ONU FEMMES, l’UNESCO (Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture), l’IFES (La Fondation Internationale pour les Systèmes Electoraux), la BPM/PNH (Brigade de la Protection des Mineurs/Police nationale d’Haïti), l’ONU Femmes, l’ONUSIDA (Programme de l'ONU contre le VIH/SIDA) , le réseau des organisations actives de la société civile du Sud-Est et les jeunes artistes du programme « Vwa Ayiti pou  lapè » de la Mission onusienne aux Gonaïves et à Jacmel.

 

Taïna Noster et Louicius M. Eugene