Cultiver des plantes pour élever des enfants

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22 oct 2014

Cultiver des plantes pour élever des enfants

pépinière

 

Quand l’infortune frappe à la porte, il est important d’avoir une sortie de secours.

Pour Wilnor Bontemps, amoureux de la nature, cette réflexion fait tout son sens. Comme beaucoup d’autres pères de famille retraités ou ayant perdu leur principale source de revenus, il s’est cherché une activité parfois amusante, mais obligatoirement rémunératrice pouvant l’aider à faire face à ses obligations.

« J’ai commencé ma pépinière à la maison en même temps que j’approvisionnais trois jours par semaine un restaurant (avec trois succursales) en fruits, viande et fruits de mer», dit cet homme, visiblement enthousiasmé à l’idée de raconter son histoire. « Ah, à cette époque, le pays fonctionnait plutôt bien », ajoute-t-il d’un air songeur, serrant la mâchoire en secouant la tête.

La route de Delmas, relie le Centre-ville de Port-au-Prince à la commune de Pétion Ville, surplombant la capitale. Sur cette avenue bruyante, où se croisent à vive allure motocyclettes, autobus et camions de toutes sortes, il pourrait paraitre surprenant d’observer sur le trottoir, un homme mince et grisonnant, la tête baissée versant de l’eau sur des plantules, à l’aide d’un gobelet en plastique.

M. Bontemps, s’est établi sur l’axe routier principal, il y a environ 10 ans. Mais il avait déjà lancé sa petite pépinière chez lui bien avant cette époque au cours de laquelle il allait perdre son principal gagne-pain avec la fermeture de ce restaurant.

L’entreprise en question avait effet fermé ses portes. Ce qui a occasionné du même coup un manque à gagner pour ce père obligé d’élever cinq enfants et de nourrir sept bouches.

Pour alimenter sa pépinière, il récupérait des noyaux provenant des fruits utilisés dans le restaurant ou chez lui. Il les fait germer dans des sachets ou des pots en plastique. Les plantules sont ensuite vendues entre 100 gourdes et 200 gourdes, soit entre $ 2, 50 US et $ 5 US.

 

pépinière

 

Là, poussent avocatiers, amandiers, citronniers, corossoliers et même des palmiers.

Si cette activité rapportait dans le temps, aujourd’hui les choses ont bien changé. « Il se peut qu’en 10 jours, je ne vends même pas une seule plantule. Pourtant, quand il ne pleut pas, j’achète de l’eau à raison de 5 gourdes le sceau d’environ 10 litres. Et ce, chaque deux jours pour arroser et maintenir en vie mes arbustes », ajoute souriant M. Bontemps, debout dans son ‘’ jardin’’ verdoyant.

Mais on ne se décourage pas surtout quand on aime ce qu’on fait. Malgré l’infortune, il fait de son mieux pour être toujours aux côtés de ses plantes. « J’apporte à manger et à boire tous les jours. Je ne peux pas trop compter sur la vente », pointant de la main droite, un coin à la sortie du jardin où il dépose ses effets, une vielle valise en plastique et un thermos rouge et blanc.

Il ne fut pas facile de s’établir sur la route de Delmas à l’entrée d’un terrain vide, mais clôturé. Cet espace d’environ deux mètres de large sur 10 mètres de long, entre le trottoir et le mur d’enceinte, servait pour les passants de dépôt à ordures.

« J’ai tout nettoyé, et le propriétaire de l’espace m’a même félicité et encouragé quand je lui ai dit ce que j’allais en faire », déclare l’air satisfait cet homme mince et agile, aujourd’hui âgé de 63 ans.

Au début, quand je commençais à installer mes plantes, j’avais un minibus. « Mais à cause de petits problèmes d’entretien et de défaillances mécaniques je l’ai revendu et depuis lors… », soupire-t-il, d’un air résigné.

Aussi, afin de joindre les deux bouts, il y a bientôt trois années qu’il a aménagé un petit ‘’stand’’ artisanal avec un morceau de contreplaqué monté sur de vieux blocs et des pierres empilés à côté de la pépinière où il dépose quelques vieux bouquins hérités d’un pasteur protestant, auxquels il ajoute des ouvrages scolaires.

Pépiniériste, jardinier paysagiste, environnementaliste, vendeur de plantes, vous l’appellerez comme vous voulez. L’essentiel pour lui est non seulement de contribuer à reverdir le pays, mais également de gagner son pain.

 

Rédaction : Pierre Jérôme Richard - UN/MINUSTAH