Un jour après le lancement de la campagne électorale pour les législatives, la police nationale d’Haïti (PNH), appuyée par la Minustah, a mené le 11 juillet 2015, une opération à La Saline, zone périphérique de Port-au-Prince où un gang sème quotidiennement la terreur. 113 membres présumés du gang, dont trois activement recherchés, ont été appréhendés à l’issue d’une opération qui a duré près de trois heures.

Sous un ciel couvert de nuages, le temps est lourd. La population riveraine de la rue de Quai, investit l’espace où elle se livre à toute sorte d’activités. Des marchandes font cuire des aliments qu’elles exposent sur des établis de fortunes ; des vendeurs ambulants proposent des articles portés sur la tête ou chargés sur des brouettes vétustes.

À 13h30, cette ambiance est perturbée. D’une ruelle intérieure, une vingtaine de personnes, les mains menottées, traversent la rue de Quai sous une forte surveillance policière. Intrigués, les «saliniens» devaient très vite comprendre que la police venait de mener une opération. « Il y a deux semaines, la direction départementale de l’ouest de la Police Nationale d’Haiti (PNH) a constaté une montée de la criminalité à La Saline. Elle nous a demandé de l’appuyer dans une opération contre les gangs », explique Valentin Mihai, coordonnateur des opérations du département de l’Ouest de la Minustah
Les suspects sont conduits au commissariat local où ils déclinent leur identité.

Le tentaculaire gang de La Saline
« C’est un gang qui sévie depuis 2004. Il est l’un des plus puissants de Port-au-Prince, ayant plusieurs ramifications qu’il ravitaille en armes et en hommes », décrit le Directeur départemental de l’Ouest de la PNH, Vladimir Paraison. Ce gang rançonne quotidiennement la population, en particulier les marchandes du marché de Croix des Bossales.

« Nous avons mis un an à préparer cette opération parce que c’est un gang au mode opératoire très complexe », dévoile Pierre-Louis Jean Alex, commissaire de Port-au-Prince et commandant de l’opération. En 2014, la PNH a mené une opération antigang autour du marché de Croix des Bossales où opère ce gang. Mais il s’est vite reconstitué.

L’assaut mixte PNH/Minustah

À 11h00, 7 unités spécialisées de la PNH, soit 438 agents et 117 éléments de la Minustah, policiers et militaires, se sont rencontrés pour les consignes.
À 12 h30, le convoi se met en route. La zone allant du Carrefour Aviation jusqu’au Boulevard de la Saline est quadrillée. Les entrées et les sorties sont filtrées. A la Rue de Quai, quatre véhicules blindés de la Minustah sont déjà positionnés. La battue des policiers commence. Les unités spécialisées se glissent dans ces labyrinthes de couloirs à la recherche de repaires de membres du gang.
Tous les endroits censés les cacher sont visités et fouillés. Apres une heure, l’opération tire à sa fin avec pour résultat, des suspects arrêtés mais pas la cache d’armes recherchée par la police.

Touhou, l’homme le plus redouté de La Saline
À 14h 30, un groupe de policiers arrive au commissariat tenant par la taille un homme tors nu. « Bon bagay (super)! », chuchote un agent à la vue de cet homme surnommée Touhou décrit comme le chef de gang le plus dangereux de La Saline. Touhou fait partie des chefs de gang recherchés par la police. On l’a appréhendé entouré des collaborateurs et de copines. « Je n’ai rien fait, je vous jure. Lâchez-moi, je vous en prie », supplie en larmes un de ses compagnons aux yeux fumeux. En partie édenté, cheveux tressés, une saillante caricature au front, celui qui clame son innocence dit être venu à La Saline en visite. Mais les policiers ne peuvent le croire sur parole. Touhou, lui est resté silencieux, attitude qui a bien fonctionné jusqu’ à ce 11 juillet. «  Cet homme, je l’ai rencontré plusieurs fois mais je ne l’ai jamais soupçonné », dit cet agent 4 de la PNH en poste à la Saline.

La population entre le marteau et l’enclume !

Devant cette opération d’envergure de la police, la population de La Saline se résigne dans un silence difficile à interpréter. Quel que soit le sentiment qu’elle ressent, il n’est pas question de l’exprimer ouvertement, redoutant le retour de manivelle. «Ce gang a pris la population en otage et la terrorise au quotidien. Il utilise tout le monde, les enfants, les marchandes qu’il poste aux coins des rues pour le renseignement », indique Paraison.
Le commandant de l’opération, lui, ne s’en cache pas. « Je suis satisfait de l’opération. Nous n’avons pas trouvé les armes mais nous avons capturé trois chefs de gangs et plusieurs personnes soupçonnées d’activités criminelles. Satisfaction partagée par Gombo Abubacar, commandant des éléments de la Minustah. «Nous avons apporté à la PNH l’aide qu’elle a demandée ». L’opération s’est déroulée sans incident. « C’est ce que nous recherchons », ajoute-t-il.

Pour Serge THERRIAULT, Commissaire de police de la Minustah, cette opération est la preuve que la PNH peut relever les défis les plus difficiles au moment où elle est appelée à assurer toute seule la sécurité de tout le territoire haïtien.

Cette opération aura aussi des impacts positifs sur l’organisation des élections à venir. Certaines voix se sont levées lors des forums communaux pour dénoncer l’instrumentalisation des gangs par certains hommes politiques pour semer des troubles lors du processus électoral. A la Saline, ce sera rendu plus difficile.

À 15h00, le pick-up transportant la 4^e et dernière vague de suspects, quitte le commissariat de La Saline sous le regard médusé des habitants. Direction, le commissariat de Port-au-Prince où attendent deux magistrats.

Antoine Adoum Goulgué